Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du mardi 15 juin 2021 à 15h00
Restitution des travaux des commissions des finances et des affaires sociales sur le printemps de l'évaluation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Notons néanmoins que la crise a battu en brèche certaines convictions bien établies. Depuis 2009, la nécessité d'une action déterminée et décisive de la puissance publique ne s'est jamais fait autant sentir. Certes, Bercy n'a pas emprunté le chemin de Damas menant au keynésianisme, et la plupart des mesures d'urgence auront été insuffisantes face à l'ampleur du choc pandémique, comme j'ai pu le montrer.

On peut aussi regretter que l'essentiel de l'effort budgétaire ait pesé non sur la demande mais sur l'offre : c'est vraiment la grande conclusion de notre évaluation. Près de 38 % des dispositifs du plan de relance ont été consacrées à des mesures de soutien non ciblées aux entreprises, principalement par le biais de la baisse des impôts de production, favorable aux grandes entreprises les plus pollueuses. Si j'en crois l'analyse faite par l'Observatoire français des conjonctures économiques – OFCE– en octobre dernier, l'effet multiplicateur de ces mesures sera pour le moins désastreux en matière de relance : à peine 0,8 % pour l'année 2021 et 0,7 % pour 2022. Quant à la seule baisse des impôts de production, c'est un véritable scandale financier, puisque l'effet multiplicateur atteint péniblement 0,3 %. Autant dire qu'il s'agit d'une véritable gabegie d'argent public pour le contribuable !

En revanche, toujours selon l'OFCE et à titre de comparaison, le ciblage des mesures d'urgence sur l'activité partielle et des dispositifs d'aide aux TPE-PME et aux indépendants, dont nous sommes toujours félicités, ont eu un effet multiplicateur de près de 1,3 % sur l'année 2020. C'est là l'illustration parfaite de l'escroquerie intellectuelle que représente votre politique de l'offre. Soutenir la demande, je le répète, c'est en effet investir pour notre économie et pour nos concitoyens sur le moyen terme.

Mais déjà s'élève une petite musique qui nous est familière : après le temps du « l'État paiera », c'est le chantage à la dette covid-19 qui semble désormais privilégié pour justifier vos futures réformes les plus réactionnaires. Je pense ici à la casse de l'assurance chômage – une absurdité, alors même que les plans de licenciements se multiplient dans le pays malgré les aides que vous donnez aux grandes entreprises – et demain peut-être la réforme des retraites. Déjà, vous vous arcboutez sur la règle du plafonnement à 0,7 % de dépenses publiques supplémentaires, alors que les besoins de nos concitoyens ne sont pas satisfaits et que nos services publics et nos collectivités ressortent exsangues de décennies de cures d'austérité aggravées par cette crise.

La règle des 7 % sera un carcan antidémocratique supplémentaire qui cantonnera un peu plus nos discussions budgétaires dans une mesquine comptabilité. Ce que nous aurons donc à évaluer, ce sont les effets connus d'avance : le recul des services publics, la tiers-mondisation de notre pays, la paupérisation d'un nombre croissant de nos concitoyens, ce qui est d'ores et déjà le cas, et la croissance des inégalités, à l'œuvre depuis plusieurs années, que la crise a accentuée et que votre gestion budgétaire de cette année ne fera qu'empirer.

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