Intervention de Pierre Dharréville

Séance en hémicycle du mardi 15 juin 2021 à 15h00
Restitution des travaux des commissions des finances et des affaires sociales sur le printemps de l'évaluation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Il serait sans doute nécessaire d'évaluer le Printemps de l'évaluation et ses effets réels sur la trajectoire des choix budgétaires et politiques.

Comme lors du Printemps social 2020, vous courez le risque de l'autosatisfaction en vous livrant à cet exercice lancé depuis deux ans et qui glorifie le rôle de contrôle a posteriori du Parlement pour mieux faire oublier qu'il joue si peu son rôle premier, qui est de faire la loi. Or, ce n'est pas dans l'exercice auquel nous nous employons en ce moment que le contrôle – fonction que, toutefois, nous ne renions pas, car il existe bien souvent un décalage entre l'annonce et la traduction – est le plus prégnant.

À cet égard, la crise sanitaire aura renforcé un mouvement, à l'œuvre depuis plusieurs années et accentué sous cette législature, d'affaiblissement du Parlement. Le recours massif aux ordonnances, les décisions prises en conseil de défense sanitaire et soumises au secret défense et l'absence de vote à portée obligatoire de la part des députés pour déclencher l'état d'urgence sanitaire ont abouti à une marginalisation sans précédent de la représentation nationale. Au plus fort de la crise sanitaire, des mesures ont été prises unilatéralement par le Gouvernement dans le domaine de la santé, du médico-social et des prestations sociales sans que nous puissions donner notre avis. Comme souvent, notre assemblée s'est retrouvée à la remorque, impuissante, spectatrice.

À défaut de voter, de légiférer et d'amender la loi, nous nous retrouvons aujourd'hui pour commenter et évaluer diverses mesures votées dans le cadre des précédents PLFSS. Cette année, sept sujets ont été abordés en commission des affaires sociales et ils méritent une véritable attention – je pense en particulier aux aides à domicile, aux artistes-auteurs ou aux effets du 100 % santé, qui méritent sans doute de plus amples travaux d'investigation et une prise en compte de cette évaluation.

Il faut regarder tout cela de près, mais le programme a laissé sous le tapis de nombreuses questions susceptibles de mettre en lumière le bilan social du Gouvernement et de la majorité : il faudrait donc pousser les murs. Je pense ici à différents thèmes structurants. Quelle est, par exemple, l'efficacité des 70 milliards d'euros d'exonération de cotisations sociales, soit 14 % du budget de la sécurité sociale, en matière d'emploi et de salaires ? Cette politique d'exonération, qui a été massifiée, sert ensuite à justifier des coupes dans les dépenses sociales. Quel est l'impact sur l'emploi et l'économie de la transformation du CICE, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, en allégement pérenne de cotisations patronales d'assurance maladie ? Quelle est la part du budget de la sécurité sociale qui sert à rémunérer les actionnaires des grandes entreprises, pharmaceutiques par exemple ? Quelles sont les effets des mesures prises en loi de financement de la sécurité sociale pour éviter les pénuries de médicaments ? Quelle est l'efficacité des dispositifs d'incitation à l'installation des médecins pour lutter contre la désertification médicale ? Quel est le bilan, un an après son lancement, du Ségur de la santé ? Qui en sont les oubliés ? Les revalorisations salariales des soignants ont-elles permis d'éviter des démissions de l'hôpital public ? Quel bilan tirer de la politique due au virage en épingle à cheveux opéré en matière d'ambulatoire et de fermetures de lits sur la prise en charge des patients et les conditions de travail des personnels ? Combien de salariés ont perçu la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat à la suite du mouvement des gilets jaunes ? Quel effet aura-t-elle sur le contournement du salaire socialisé, donc sur les pertes de recettes pour la sécurité sociale et, en bout de course, sur les droits ?

Nous continuons de subir les conséquences du bilan social et sanitaire qui était celui du Gouvernement avant même que la pandémie ne survienne : conséquences sur la santé, avec une compression des dépenses de santé – 3 milliards d'euros d'économies sur l'hôpital pour les trois premiers PLFSS –, qui s'est ensuite poursuivie, avec 7 600 fermetures de lits entre 2018 et 2019 non compensées par les annonces du Ségur de la santé, avec la révision de la carte hospitalière, entraînant des fermetures de services ou d'hôpitaux, et avec le défaut de plan de formation et de recrutement d'envergure de professionnels de santé, d'aide et d'accompagnement ; conséquences sur les prestations sociales, avec la désindexation des retraites sur l'inflation, pénalisant le pouvoir d'achat des retraités, la hausse de CSG sur les pensions, le gel des prestations sociales, notamment des prestations familiales, et le report d'une mise à jour du soutien à l'autonomie.

La crise sanitaire a montré combien notre modèle de protection sociale est utile et précieux pour assurer à chacun le droit à la santé, mais déjà, à peine sortis de cette épreuve, nous voyons revenir les mêmes obsessions macroniennes de réduction des dépenses sociales, avec le débat sur la dette et le retour sur le devant de la scène de la réforme des retraites.

Au contraire, ce que cette période a prouvé, c'est que nous avons le devoir de défendre une nouvelle ambition pour la sécurité sociale en matière notamment de santé, de perte d'autonomie et de couverture des maladies professionnelles. C'est ce à quoi nous nous emploierons sans relâche pour un printemps de l'action.

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