Intervention de Olivia Gregoire

Séance en hémicycle du mardi 15 juin 2021 à 15h00
Restitution des travaux des commissions des finances et des affaires sociales sur le printemps de l'évaluation

Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable :

Nous nous retrouvons pour débattre du Printemps de l'évaluation, exercice innovant qu'on doit au travail transpartisan de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Je tiens tout d'abord à remercier la Conférence des présidents de nous donner l'occasion d'échanger sur un temps fort de l'exécution budgétaire, ce qui est important pour le contrôle parlementaire des politiques publiques.

Le Printemps de l'évaluation a pour ambition d'améliorer l'évaluation des politiques publiques, au cœur des choix budgétaires et de conduire le Gouvernement à rendre compte de leur exécution.

Ce moment n'a que quelques années d'existence, et ce n'est pas sans nostalgie que je me rappelle les premiers pas de Laurent Saint-Martin, Amélie de Montchalin, Jean-Noël Barrot et moi-même à la commission des finances, pour faire naître, dès 2019, avec le soutien du président Woerth, ce Printemps de l'évaluation.

Il est résolument dans l'esprit de l'article XV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui dispose que la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. C'est pourquoi il me semble que, sur ce sujet, le Gouvernement et le Parlement partagent la même volonté : faire de ce nouvel exercice une tradition parlementaire exigeante, qui nous engage tous. Grâce à vos travaux de qualité, je pense pouvoir dire que le pari est en bonne voie d'être gagné.

Le Printemps de l'évaluation, dont nous clôturons la quatrième édition, est au fond un exercice de sincérité et de transparence du Gouvernement. Il ne s'agit pas uniquement de constater et de contrôler l'exécution des dépenses de l'État pendant l'exercice précédent en renforçant l'examen de la loi de règlement mais, plus profondément, d'en questionner l'efficacité pour éclairer le budget de l'exercice à venir. C'est en cela que le Gouvernement et le Parlement jouent un ballet synchronisé. La crise sanitaire exceptionnelle, qui a entraîné des prises de décision tout aussi exceptionnelles, montre d'ailleurs pleinement l'utilité de cet exercice.

L'évaluation de l'efficacité des politiques publiques est un enjeu qui ne date pas d'hier, il confine à la quête de la pierre philosophale. Dès l'après-guerre, les ingénieurs du Commissariat au plan et de l'INSEE ont commencé à familiariser notre République avec l'exigence de l'évaluation économique. Pour autant, l'installation du Printemps de l'évaluation n'aurait pas été possible sans deux décennies de réformes en faveur du contrôle parlementaire. Je trouve intéressant de les rappeler.

En 1999 et en 2001, la mission d'évaluation et de contrôle et la loi organique relative aux lois de finances en ont posé clairement les fondations : grand outil de renforcement des pouvoirs du Parlement, la LOLF de 2001 a pris acte de la nécessité de conforter le principe d'autorisation parlementaire en matière budgétaire. De même, elle a élargi le droit d'amendement du Parlement et étendu ses pouvoirs en donnant aux commissions des finances la possibilité de contrôler, mais surtout d'évaluer l'exécutif. Le projet de loi de règlement est ainsi devenu un document comptable complet, sur lequel les parlementaires peuvent s'appuyer dans le cadre du Printemps de l'évaluation afin de voter un budget d'exécution le plus sincère possible.

D'autres étapes ont permis de faire progresser, avant 2017, la qualité de l'évaluation des politiques publiques. Je pense entre autres à la réforme constitutionnelle de 2008, qui dispose que les projets de loi non organiques doivent systématiquement être assortis d'une étude d'impact évaluant leurs implications pour les finances publiques, ou encore à la création, en 2009, du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale.

Le Printemps de l'évaluation est, depuis 2019, grâce à la détermination dont fit preuve à l'époque Olivier Véran, enrichi d'un Printemps social, dédié à l'évaluation des lois de financement de la sécurité sociale – preuve s'il en était besoin, que l'évaluation des politiques publiques est une pratique démocratique nécessaire, amenée à devenir un pilier de l'élaboration des politiques publiques. Comme le disait, bien mieux que moi, Michel Rocard dans sa circulaire sur le renouveau du service public de 1989 : « Il ne peut y avoir ni autonomie sans responsabilité, ni responsabilité sans évaluation, ni évaluation sans conséquences. »

Je rejoins à cet endroit Christophe Jerretie, qui a souligné dans son propos liminaire son attachement à l'évaluation des politiques publiques. L'exercice est particulièrement crucial car il fait partie des réponses nécessaires à la défiance vis-à-vis du monde politique qui, on le sait, gagne du terrain. On le sait aussi, cette défiance n'est pas apparue de façon magique en 2017. Elle est bien plus ancienne, bien plus prégnante, et l'évaluation de nos politiques publiques est un véhicule particulièrement pertinent pour la mettre à mal.

Faire la lumière sur la dépense publique et son efficacité est une mission que le Gouvernement prend à cœur. C'est en ce sens que la majorité a permis, sous l'égide notamment de Bénédicte Peyrol, la mise en place du premier budget vert au monde, à l'occasion du projet de loi de finances pour 2021. Je ne doute pas de l'efficacité de l'exercice. Les rapports spéciaux ne sont pas simplement des états financiers, ils comportent des propositions qui suscitent l'intérêt du Gouvernement et permettent d'anticiper la réforme des politiques publiques les plus efficaces, en amont de la préparation du projet de loi de finances.

Ces travaux de qualité sont enrichissants. J'ai eu le plaisir d'écouter certains de leurs rapporteurs, et c'est un plaisir d'être en cette soirée à vos côtés. Je tiens à ce titre à saluer la qualité du rapport de Philippe Chassaing, portant notamment sur les programmes Statistiques et études économiques, Stratégie économique et fiscale, et qui est consacré à l'économie sociale et solidaire (ESS).

Je partage son objectif de donner à ce secteur et à ses acteurs un cadre institutionnel et surtout des moyens spécifiques qui doivent correspondre aux caractéristiques propres à l'ESS. C'est d'ailleurs la ligne du Gouvernement et c'est aussi la mission qui m'a été confiée. Cela se traduit, je crois, dans notre politique : l'économie sociale et solidaire a enfin, et c'est inédit, bénéficié de mesures d'urgence spécifiques et d'envergure, notamment via le fonds UrgencESS, que les parlementaires ont voté lors du PLFR 4 pour 2020. Doté de 30 millions d'euros, il verra ses crédits directement fléchés vers l'écosystème de l'ESS, dans le cadre du plan de relance.

Par ailleurs, le rapport du rapporteur général Laurent Saint-Martin et du président de la commission des finances, Éric Woerth, sur la mission "Plan d'urgence face à la crise sanitaire" est un outil indispensable pour évaluer, là encore, l'impact sur nos finances publiques du fonds de solidarité finançant l'activité partielle, de l'allégement des cotisations sociales ou encore du renforcement des participations de l'État.

Je voudrais également saluer – ce dont vous lui ferez part – la qualité du rapport de Christine Pires Beaune, qui s'est attachée à évaluer de manière très précise l'évolution des remboursements et dégrèvements dans leur globalité, en portant une attention particulière au crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, qui fait l'objet de travaux importants et que nous espérons utile pour les Français.

Enfin le rapport spécial de Mohamed Laqhila sur les programmes relatifs à l'aménagement et la cohésion des territoires souligne l'intérêt décisif de la lisibilité du suivi de l'évaluation des politiques par le Parlement, pour aller plus loin dans la transparence et les gains d'efficacité. Ce rapport rappelle notamment combien la bonne information du Parlement est essentielle et préconise par exemple une meilleure transmission au Parlement de l'information sur les contrats de plan État-régions.

Au total, l'ensemble de ces travaux permettent vraiment de nourrir la réflexion, que ce soit à court ou long terme, sur l'ensemble des sujets relevés cette année dans les différents rapports que j'ai pu consulter au même titre que le ministre l'action et des comptes publics, Olivier Dussopt, très attaché à ce débat et qui vous prie d'excuser son absence ce soir, alors que me revient l'honneur de le remplacer devant vous.

Ces rapports, dont j'ai souligné la qualité, sont tous passionnants, même si le temps qui m'est imparti m'a contrainte à n'en citer que quelques-uns. Pour avoir siégé moi-même, il y a si peu de temps, à vos côtés sur les bancs de l'Assemblée nationale et au sein de la commission des finances, je suis ravie de constater que l'exercice du Printemps de l'évaluation porte ses fruits et qu'il est devenu un temps incontournable de l'exécution budgétaire. Cela témoigne de la volonté légitime mais surtout de l'action déterminée des parlementaires et des commissaires aux finances et aux affaires sociales.

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