Je suis très heureux d'être parmi vous car le Printemps social de l'évaluation me tient tout particulièrement à cœur, d'une part parce que j'ai participé à sa genèse – merci, cher Thomas Mesnier d'avoir réussi à le développer –, d'autre part parce que cet événement est l'occasion de mener ensemble une réflexion approfondie sur les dispositions sociales et sanitaires les plus emblématiques votées par l'Assemblée nationale, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de finances.
Je me permets, en vous demandant de ne pas m'en tenir rigueur, de souligner que seuls trois groupes parlementaires sur huit sont, hélas, représentés à l'heure où nous avons l'honneur de nous exprimer devant vous. Sans doute faudra-t-il trouver un format propre à mobiliser davantage les oppositions – et je ne dis pas cela pour les députés du groupe Les Républicains, qui sont représentés.
Je souhaite, avant toute chose, remercier chacune et chacun d'entre vous pour la qualité du travail qui a été fourni. Il est précieux et permet d'identifier certaines pistes de réflexion pour les services du ministère des solidarités et de la santé ainsi que pour l'ensemble des acteurs de l'insertion, de l'action sociale et du champ sanitaire.
Votre rapport insiste ainsi sur la situation financière difficile dans laquelle se trouvent beaucoup de jeunes éloignés des dispositifs d'accompagnement et du marché de l'emploi dans notre pays. C'est un constat que nous partageons, qui préoccupe fortement le Gouvernement, et croyez bien qu'il reçoit de ma part une attention toute particulière.
Le rapport souligne notamment les limites du RSA jeune actif, qui n'a pas permis de répondre de façon adéquate à la situation spécifique de ces publics. Il me semble qu'il convient dès lors de repenser les prestations dans leur ensemble, c'est tout l'enjeu des travaux qui sont conduits sur la création du fameux revenu universel d'activité (RUA), travaux qui ont été suspendus du fait de la crise, mais pour lesquels nous attendons un rapport en octobre. Si le RUA aboutit – ce que je souhaite –, il devrait permettre de simplifier le paysage des prestations sociales. Il existe aujourd'hui quinze prestations et minima sociaux pour 55 milliards d'euros, qui ne sont pas toujours répartis selon les besoins ni de manière aussi simultanée qu'il le faudrait. Nous y gagnerions un système plus juste et plus équitable, constituant une réelle incitation au travail. À ce titre, je me réjouis de lire la position favorable des rapporteurs généraux de la commission des finances et de la commission des affaires sociales sur le projet de RUA que propose le Gouvernement.
D'autres travaux sont également en cours, sous la conduite d'Élisabeth Borne, pour étudier la possibilité d'instaurer une mesure de soutien aux jeunes de 18 à 25 ans sans éducation, sans emploi ou sans formation. Ce dispositif, la garantie jeunes universelle, serait assorti d'une démarche de formation ou d'insertion à la fois rigoureuse et adaptée aux spécificités du public. Des annonces devraient prochainement en détailler les contours.
Le rapport souligne également les insuffisances de l'évaluation de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, confiée à France Stratégie, pour laquelle il sollicite la création de nouveaux indicateurs. Des travaux sont en cours pour améliorer la qualité de l'évaluation de la stratégie sous la responsabilité de son président, Louis Schweitzer. La restitution du prochain rapport au premier semestre 2022 permettra de déterminer si les axes d'amélioration identifiés ont été pleinement pris en considération.
Enfin, la réactivité du Gouvernement pour soutenir, tout au long de la crise, les ménages en situation de précarité et les associations de lutte contre la pauvreté a été mise à l'honneur par le rapport. L'année 2020 a été une année tout à fait exceptionnelle. Je veux vous assurer que nous restons très vigilants concernant l'évolution des besoins d'aide alimentaire qui nous sont signalés par les associations.
Madame Stella Dupont, s'agissant de la simplification des marchés publics d'achat de denrées réalisés par FranceAgriMer dans le cadre des fonds européens, évoquée dans votre rapport, une expérimentation sera lancée en 2022, dans le cadre de la nouvelle programmation, sur quatre produits qui font aujourd'hui l'objet d'une correction financière importante. La dissociation des marchés d'achat de denrées de ceux de stockage et de logistique permettra ainsi d'éviter l'application d'un taux de correction lié à la livraison.
Concernant le mode de passation de ces marchés, le recours à quatre marchés pluriannuels sur trois ans, permettra de respecter la saisonnalité des produits et de proposer un calendrier de passation de marchés plus adaptée à la réalité du terrain des fournisseurs de denrées. Si l'expérimentation est concluante, des marchés pluriannuels seront élaborés pour tous les autres produits.
Les points d'intention identifiés par le rapport font l'objet de toute notre attention ; ils permettront d'améliorer la pertinence et l'efficacité de nos politiques sociales et de santé.
Mesdames et messieurs les députés, depuis maintenant près de quatre ans, le Gouvernement œuvre pour que nos politiques de solidarité et de santé répondent le mieux et le plus efficacement possible aux attentes et aux besoins de nos concitoyens, notamment à l'aune des évolutions que connaît notre société.
Cette approche, qui a guidé notre action publique, repose sur trois piliers. Le premier pilier de l'action du Gouvernement est la prévention. Notre ambition en la matière s'est matérialisée par le déploiement depuis 2018 d'une stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté que nous avons dotée de près de 8 milliards d'euros. Dès aujourd'hui, elle présente des effets concrets, avec notamment la création d'un bonus mixité pour encourager la mixité sociale dans les crèches, le dédoublement des classes et la scolarisation dès l'âge de trois ans pour favoriser l'égalité des chances, l'instauration du complément de mode de garde en tiers payant pour l'accueil individuel du jeune enfant.
Prévenir le basculement dans la pauvreté, c'est aussi lutter efficacement contre le non-recours au droit. Cela passe nécessairement par un vaste chantier de simplification des démarches administratives, par la mutualisation des données entre les administrations, par des campagnes de data mining comme celle conduite par les organismes de sécurité sociale depuis 2018, et par le déploiement de dispositifs d' « aller vers » pour identifier les personnes concernées et leur proposer un accompagnement individualisé dans leurs démarches.
Prévenir le basculement dans la pauvreté, c'est aussi favoriser l'insertion par l'emploi, qui reste – je ne cesse de le répéter – le meilleur moyen de lutter efficacement contre la pauvreté. C'est tout le sens des mesures de soutien aux commerçants, entreprises et travailleurs indépendants que nous avons appliquées pendant la crise sanitaire. C'est tout le sens aussi du plan « 1 jeune, 1 solution », qui doit favoriser l'insertion et l'accès à l'emploi des jeunes.
Cette démarche préventive, nous l'adoptons dans le cadre de nos politiques de solidarité, mais aussi dans celui de nos politiques de santé. Par exemple, l'élargissement de l'obligation vaccinale à huit vaccins supplémentaires pour les enfants âgés de 0 à 2 ans s'inscrit précisément dans cette démarche.
Le deuxième pilier de l'action sociale du Gouvernement est l'affirmation d'une nouvelle ambition en matière d'universalité de nos politiques. L'universalité des droits s'est matérialisée par des réformes concrètes en matière de santé. Par exemple, la réforme du 100 % santé permet la prise en charge à 100 % des soins optiques, dentaires, auditifs, trois secteurs marqués par de forts restes à charge. En 2020, plus d'une prothèse dentaire sur deux appartenait au panier 100 %. Pour l'audiologie, en janvier 2021, soit le premier mois d'entrée en vigueur de la réforme, les aides auditives à prises en charge dans le cadre du 100 % santé représentaient déjà plus de 40 % des ventes.
Le Gouvernement a également travaillé au déploiement de la complémentaire santé solidaire qui, depuis le 1er novembre 2019, garantit l'accès à une très large gamme de soins pour une participation inférieure à 1 euro par jour, sans reste à charge pour ses bénéficiaires. Plus de sept millions de personnes en bénéficient à ce jour, et nous voulons aller plus loin.
Vous le voyez : le Gouvernement s'est pleinement mobilisé pour faciliter l'accès de tous aux soins ; c'est un enjeu d'égalité et de justice sociale. Quand je regarde d'où nous sommes partis et où nous sommes arrivés aujourd'hui, je me dis que nous n'avons pas à rougir. En parallèle, nous avons fait le choix de soutenir les personnes les plus vulnérables, notamment les personnes âgées et les personnes en situation de handicap ou d'invalidité, qui ont bénéficié d'une revalorisation inédite de leurs allocations.
Le troisième pilier de notre action porte sur l'adaptation de nos politiques de solidarité et de santé aux nouvelles situations sociales. Les mutations que connaît notre société ont fait apparaître des besoins nouveaux que certaines des politiques publiques conduites jusqu'à présent ne permettaient plus de satisfaire. Le Gouvernement s'est pleinement investi pour apporter des réponses adaptées à ces nouvelles situations sociales, dans un souci constant d'améliorer la qualité du service rendu.
Je pense notamment à la réforme du service public des pensions alimentaires qui permet de garantir leur bon versement et de prévenir les risques d'impayés. Il s'agit d'une réforme majeure dans la lutte contre la précarité des familles monoparentales qui représentent désormais une famille sur cinq dans notre pays. La réforme monte en charge puisque près de 30 000 demandes d'intermédiation ont déjà été déposées.
Je pense aussi au congé parental, qui répond à de fortes attentes de la part des Français, afin de permettre aux pères comme aux mères de passer du temps auprès de leur enfant dès la naissance.
Enfin, je pense à la réforme relative aux proches aidants et au projet de loi autonomie qui devront permettre d'apporter des réponses concrètes aux problématiques liées au vieillissement de notre population. La loi relative à la dette sociale et à l'autonomie, votée à l'été 2020, puis le PLFSS pour 2021 ont permis de mettre sur les rails cette fameuse cinquième branche. C'est une avancée majeure.
Brigitte Bourguignon prépare une réforme ambitieuse qui devrait permettre de transformer définitivement l'essai, en inscrivant une trajectoire ambitieuse et responsable pour l'autonomie. En particulier, la simplification de l'offre d'accompagnement des plus fragiles et de son financement permettra de reconnaître les aspirations profondes de nos concitoyens, en aidant ceux qui le souhaitent à vieillir chez eux. C'est ce que l'on appelle de manière un peu technique le virage domiciliaire. Nous savons que c'est une réponse à une attente très forte de la part de nos aînés.