Intervention de Gérard Leseul

Séance en hémicycle du mardi 15 juin 2021 à 21h30
Couverture santé des étrangers en situation irrégulière — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Leseul :

Notre collègue Véronique Louwagie a été rapporteure des crédits de la mission "Santé" du budget de l'État et avait déjà jugé que « l'offre de soins proposée en France aux étrangers en situation irrégulière [était] très généreuse, et même trop généreuse. ». Vous revenez aujourd'hui, chère collègue, avec une proposition de résolution signée par l'ensemble des parlementaires de votre groupe politique.

De quoi s'agit-il ? Par rapport au total des dépenses de santé, le coût de l'AME est faible et stable : l'AME de droit commun coûte 800 millions d'euros, ce qui représente 0,5 % des dépenses de santé. C'est assez limité et le nombre de bénéficiaires est très stable depuis 2015 : il n'y a donc pas de crise. Le coût par bénéficiaire est inférieur à celui des autres personnes qui résident en France.

Votre proposition de résolution relative à la couverture santé des étrangers en situation irrégulière et des demandeurs d'asile provenant de pays d'origine sûrs et au nombre d'étrangers en situation irrégulière vise à la suppression d'une offre de soins et suggère que l'étendue des différents dispositifs favorise une immigration irrégulière pour soins qui pèserait sur le système de santé français.

Un tel débat ne saurait ignorer la réalité, notamment statistique, du phénomène migratoire. Ainsi, la fameuse « pression migratoire » et le discours lancinant sur les arrivées massives d'immigrés relèvent plus du fantasme que de la réalité : la France n'est pas le pays d'Europe recevant le plus de demandes d'asile, tant s'en faut. De plus, l'aide médicale de l'État n'insuffle nul « appel d'air », contrairement à ce que vous tentez de démontrer. Bref, le spectre de l'instrumentalisation du thème de l'immigration est bien réel, au point de s'interroger sur le choix et la signification politique de ce débat.

Le démographe Hervé Le Bras nous fournit des chiffres et une approche factuelle très sérieuse sur le sujet. En France, les entrées régulières – c'est-à-dire le nombre de cartes de séjour distribuées – connaissent une augmentation modérée, de 220 000 en 2010 à 260 000 en 2019. C'est plutôt le nombre de demandes d'asile qui s'est accru de 60 000 par an dans les années 2010 à 120 000 l'an dernier ; mais le taux d'acceptation n'est que de 40 %.

Je profite d'ailleurs de ce débat pour rappeler que dans son bilan paru en décembre 2018, le Défenseur des droits dressait un constat préoccupant des conditions d'accueil des exilés en France et signalait des « atteintes inédites aux droits fondamentaux », notamment des entraves persistantes à la procédure d'asile et un usage de la force « parfois injustifié » envers les personnes migrantes. En matière d'accès aux droits de santé, le manque criant d'informations adaptées et les pratiques de certaines caisses de sécurité sociale, en marge de la réglementation, compliquent l'accès à la santé des exilés et entraînent renoncements et retards de recours aux soins.

Depuis le 1er janvier 2021, les conditions d'attribution de l'aide médicale de l'État aux étrangers en situation irrégulière et les démarches pour la demander ont changé. Le demandeur de l'AME doit désormais résider en France depuis au moins trois mois à compter de l'expiration de son visa ou de son titre de séjour. L'aide médicale de l'État est un dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d'un accès aux soins. Elle est attribuée sous conditions de résidence et de ressources. Pour la demander, il faut remplir un dossier. Une fois attribuée, l'AME est accordée pour un an, le renouvellement devant être obtenu chaque année.

Depuis le 1er janvier 2021, certains soins et traitements non urgents ne sont pris en charge qu'au bout d'un délai de neuf mois après l'admission à l'AME pour tout nouveau bénéficiaire ou pour celui qui ne l'est plus depuis plus d'un an. Il y a bien sûr des exceptions, pour les soins hospitaliers comme pour les soins de ville, mais pour en bénéficier, la personne doit demander un accord préalable au service médical de l'assurance maladie : le professionnel de santé doit alors remplir le nouveau formulaire de demande préalable.

En additionnant l'AME et une dizaine d'autres dispositifs, principalement financés par la sécurité sociale, votre groupe et vous-même en avez estimé, dans votre exposé des motifs, le coût total à au moins 1,5 milliard d'euros en 2020.

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