Dans une période d'après-covid où la priorité est à l'atténuation des effets de la crise sur les plus vulnérables, quelle étonnante proposition que celle de nos collègues Les Républicains, qui s'attaquent à la couverture santé de celles et ceux qui sont contraints de quitter leur pays d'origine pour mieux vivre ! L'agenda politique à droite n'est donc nullement ému par cette période, puisqu'il s'attelle à la restriction de la couverture santé des personnes en situation irrégulière et des demandeurs d'asile.
Le dangereux climat qui prévaut en France sur les thèmes de la sécurité et de la stigmatisation d'une certaine frange de la population se retrouve dans cette proposition de résolution. Nous voilà donc amenés à devoir débattre d'une nouvelle coupe dans les dispositifs d'accueil et d'aide de celles et ceux qui arrivent sur notre territoire.
La démagogie voudrait nous faire croire que ces personnes passent leurs journées aux urgences à profiter de notre système de santé. Un chiffre, qui parle de lui-même, suffit à discréditer cette stigmatisation : le taux de non-recours au dispositif est de 49 %, c'est-à-dire qu'une personne sur deux ne recourt pas à la possibilité qui lui est donnée d'accéder au parcours de soins. C'est le cas pour 48 % des personnes atteintes de maladies respiratoires, et jusqu'à 64 % des personnes atteintes de diabète.
Par ailleurs, c'est oublier que soigner les personnes se trouvant sur le territoire français est une nécessité de santé publique et que toute restriction serait absolument contre-productive. En effet, les prises en charge par la médecine de ville évitent d'attendre une dégradation de l'état de santé et permettent donc une réduction de coût par rapport à des prises en charge tardives – si votre objectif est là plutôt que dans la santé des personnes, mais vous passez aussi à côté de celui-ci.
Faire une telle proposition est une preuve d'inconséquence politique. C'est ignorer l'ensemble des prospectives sur une problématique aussi fondamentale que celle de la santé au sein de l'ensemble de la société : selon des chercheurs de l'université de Bordeaux, de Dauphine et de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé, toute mesure qui viserait à limiter les droits offerts par l'aide médicale d'État de droit commun afin de lutter contre l'immigration clandestine ou de réduire fortement les dépenses de santé couvertes par l'AME raterait certainement sa cible. Le risque serait, en revanche, de mettre en danger l'état de santé d'une population.
Comment, à travers cette proposition de résolution, pouvez-vous souhaiter le recentrage de l'AME sur les seuls soins d'urgence, comme dans les autres États de l'UE ? C'est encore une fois l'aveu d'une méconnaissance qui n'est pas digne de la rigueur des débats que nous devrions avoir ici, car les pays européens prévoient déjà, selon des modalités diverses, la prise en charge de soins non urgents.
La proposition de résolution exprime également la volonté de renforcer les statistiques sur les personnes en situation irrégulière, sur la nationalité des bénéficiaires de l'AME et sur les pathologies soignées. Cette revendication ne répond à aucun besoin de la part des chercheurs, lesquels disposent déjà de l'essentiel des données nécessaires. L'inspection générale des affaires sociales affirme que l'analyse des données de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation ainsi que les fichiers hospitaliers donnent une typologie des pathologies. Quant aux statistiques en lien avec la nationalité, les données de différents centres hospitaliers ainsi que la récente enquête « Premiers pas » mettent déjà en avant une répartition par nationalité.
Enfin, la proposition de résolution cite des exemples de soins non essentiels financés par l'AME, tels que le recollement des oreilles ou la pose d'un anneau gastrique. Ces exemples que vous citez finissent de plonger la proposition de résolution dans l'amateurisme le plus complet : bien que ces soins soient théoriquement pris en charge, les échantillons statistiques analysés par l'inspection générale des affaires sociales et par l'inspection générale des finances n'ont présenté aucun cas de chirurgie de ce type.
Que dire en conclusion, tant cette proposition de résolution manque de rigueur ? Elle est symptomatique d'un agenda politique devenu l'otage d'une surenchère sur les étrangers que nous ne cautionnerons pas. Nous voterons donc contre votre résolution.