L'exposé des motifs de votre proposition de résolution exprime l'idée que notre système de soins serait mis en danger par l'immigration et par des demandes d'asile motivées par les largesses françaises en matière d'accès à la santé. Pourtant, risque-t-on l'esclavage en Libye et la mort en mer Méditerranée, avec femme et enfants, pour cela ? J'en doute. Traverse-t-on l'Europe à pied, en fuyant un pays en guerre, parce que l'on a entendu que là-bas, en France, on ne paie pas ses soins ? Vous savez bien que non.
Vous souhaitez recentrer l'AME sur les seuls soins d'urgence et restreindre l'accès au dispositif de maintien des droits expirés. Vous demandez en outre la suppression du maintien des droits sociaux prévu à l'article L. 433-3 du CESEDA. Doit-on rappeler à nouveau dans cet hémicycle que l'AME est la pierre angulaire de notre politique sanitaire à destination des personnes en situation irrégulière les plus démunies ?
Recentrer le panier de soins sur les seuls soins urgents n'a aucun sens économique. Cela déporterait sur notre système hospitalier des soins plus critiques, puisque les personnes accéderaient aux soins dans des situations plus graves. Le sujet est cardinal dans les politiques de santé : on sait que la pauvreté a fait repartir des maladies comme la tuberculose. Vaut-il mieux prévenir ou laisser exploser des foyers épidémiques parce que la visite – que vous appelez « de confort » et que j'appelle « de soins primaires » – n'est pas financièrement accessible ? Repousser les soins n'est jamais une bonne idée pour le budget et la santé publique.
De plus, contrairement à ce que vous affirmez, l'AME n'est pas une exception française. L'Espagne, le Portugal, l'Italie et la Suède offrent aux personnes en situation irrégulière une couverture sanitaire qui dépasse largement les seuls soins urgents.
Concernant le maintien des droits sociaux, j'insiste sur le fait qu'il s'agit en premier lieu d'éviter toute rupture de droit et de tenir compte du délai administratif, pour des personnes qui sont intégrées puisqu'elles travaillent. Pour elles, supprimer ce dispositif aurait des conséquences néfastes.
Nous, nous mettons nos idées en acte, en suivant une ligne : l'efficacité, dans le respect des principes fondant notre République, dans le respect de la générosité de la France, sans lequel bon nombre d'entre nous, sur ces bancs, ne seraient pas ici. Tel est le sens de notre action.
Il y a deux ans, nous avons déjà modifié les conditions d'accès des étrangers en situation irrégulière à la couverture sanitaire – aussi bien les conditions d'attribution de l'aide médicale de l'État que les démarches pour la demander. Le demandeur doit résider en France depuis au moins trois mois à partir de l'expiration du visa ou du titre de séjour ; il doit déposer sa demande directement à l'accueil d'un organisme d'assurance maladie. Depuis le 1er janvier 2021, le dispositif permet de vérifier la présence physique du demandeur sur le territoire lors du dépôt de sa demande, en comparant son identité avec celle déclarée dans le dossier de demande.
Pour l'ensemble de ces raisons et par attachement à l'humanisme de notre modèle sanitaire, le groupe La République en marche rejettera cette proposition de résolution.