Intervention de Brigitte Bourguignon

Séance en hémicycle du mardi 15 juin 2021 à 21h30
Couverture santé des étrangers en situation irrégulière — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie :

…tout en réduisant significativement les risques sanitaires pour la population dans son ensemble.

Ainsi, l'Espagne, après avoir limité l'accès aux soins des personnes en situation irrégulière en 2012 a observé une hausse de 15 % du taux de mortalité des migrants et une dégradation sensible de la prévalence de certaines infections, avec notamment une forte augmentation des cas d'hépatite B. Personne, dans cet hémicycle, ne veut voir cette situation se produire dans notre pays.

Par ailleurs, des mesures de resserrement du panier de soins de l'AME sur les soins essentiels ont d'ores et déjà été prises. Laissez-moi rappeler que l'AME ne couvre pas les médicaments princeps – ceux des grandes marques, si vous me permettez l'expression –, les médicaments « à service médical rendu faible », les actes nécessaires à la réalisation d'une aide médicale à la procréation ou encore les cures thermales. L'AME, ce n'est pas du confort, c'est une exigence d'humanité, c'est un impératif de santé publique.

De plus, depuis le 1er janvier 2021, nous avons subordonné à un délai d'ancienneté de neuf mois la délivrance de certaines prestations programmées non essentielles aux bénéficiaires de l'AME telles que les poses d'implants auditifs ou de prothèses de genou ou d'épaule que vous évoquiez, ainsi que les transports sanitaires liés à ces actes.

D'autre part, je ne m'excuserai jamais du fait que l'on accompagne les soins de jeunes enfants. C'est tout l'honneur de notre pays.

Enfin, contrairement aux idées reçues, la France n'est pas plus généreuse que ses voisins. D'autres États membres de l'Union européenne permettent aux personnes en situation irrégulière d'accéder, au-delà des soins d'urgence, à des soins courants – parfois dans des conditions plus souples que celles en vigueur dans notre pays. C'est le cas de l'Espagne, où les preuves d'un faible niveau de ressources ne sont pas demandées comme elles le sont en France, ou encore de l'Italie, où la condition de résidence n'est pas vérifiée.

Vous souhaitez que l'assurance maladie puisse recueillir des données sur les nationalités et les pathologies des demandeurs et des bénéficiaires de l'AME. Mais le rôle de nos acteurs de santé, c'est de soigner ! Ils le font avec dévouement, et je veux leur rendre hommage. Nous ne rendrions service à personne en engorgeant leur travail par un contrôle administratif alors que toute notre action vise à les démettre au maximum de ces charges. De plus, une telle disposition contreviendrait au principe de minimisation consacré par le règlement général sur la protection des données (RGPD), suivant lequel la nécessité de collecter ces données doit se justifier au regard des finalités du traitement envisagé. Il y a là deux objectifs très distincts.

En outre, les modalités de collecte de ces données posent question. Ni la CNAM ni les CPAM ne collectent les données relatives à la nationalité et aux pathologies des bénéficiaires de l'AME. S'il est envisagé de les collecter par l'intermédiaire des professionnels de santé, la question d'une dérogation au secret médical telle que prévue par le code de la santé publique est susceptible de se poser. La loi pourrait être plus précise sur ce point, afin de permettre la conduite d'études de santé publique dans le respect du secret médical.

Enfin, une disposition législative ne permettrait pas en elle-même le traitement des données envisagées par cette proposition de résolution. La mise en œuvre d'un tel dispositif devrait faire l'objet d'un décret en Conseil d'État, qui, après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), préciserait les caractéristiques essentielles du traitement.

C'est donc un sujet sensible dont la direction des affaires juridiques du ministère des solidarités et de la santé a été saisie. Je ne doute pas que l'examen du prochain projet de loi de finances donnera l'occasion de poursuivre cet échange.

S'agissant de la révision des conditions d'accès au dispositif de maintien des droits expirés à la PUMA et à la C2S, j'appelle votre attention sur le fait que les conditions d'accès à ce dispositif découlent des conditions d'affiliation à la PUMA. Le bénéfice de cette couverture est subordonné à l'exercice d'une activité professionnelle ou à une résidence stable et régulière en France, et il n'est pas envisagé de modifier ces critères. Ensuite, les règles de maintien des droits à la PUMA ont été resserrées au 1er janvier 2020, la durée pendant laquelle les étrangers en situation irrégulière peuvent bénéficier d'un maintien de leurs droits à l'assurance maladie étant passée de douze à six mois.

Cette réforme permet d'atteindre un juste équilibre entre la prévention d'éventuelles ruptures d'accès aux soins du fait des délais de renouvellement des titres, et le maintien pour une durée excessive d'une prise en charge par l'assurance maladie de personnes qui ne satisfont plus aux conditions nécessaires pour en bénéficier. Au reste, les caisses d'assurance maladie ont renforcé leur contrôle pour empêcher les situations de maintien des droits qui perdureraient au-delà.

De plus, vous proposez d'adapter voire de supprimer le dispositif de maintien des droits prévu par le CESEDA. Ce dispositif permet de pallier les difficultés rencontrées par certaines préfectures pour renouveler les titres de séjour dans le temps. Il concerne des titres de séjour précis, pour lesquels une demande de renouvellement a été effectuée, et s'applique, pour certains d'entre eux, uniquement dans les départements dont la liste est fixée par arrêté. Pendant une période de trois mois à compter de l'expiration de son titre de séjour, la personne conserve ainsi son droit d'exercer une activité professionnelle et l'intégralité de ses droits sociaux – aides sociales, prestations familiales, sécurité sociale, droits au chômage, et ainsi de suite.

Le dispositif de maintien des droits prévu par le code de la sécurité sociale est quant à lui plus spécifique. Il concerne uniquement la PUMA et, le cas échéant, la C2S. La procédure s'applique à l'ensemble des documents et titres de séjour permettant l'accès à la PUMA dans tous les départements. Les deux dispositifs étant différents et ne visant pas les mêmes objectifs, il n'est pas envisagé de les faire converger.

Enfin, la proposition de résolution que vous défendez prévoit de modifier la protection santé des demandeurs d'asile provenant de pays d'origine sûrs. Différencier le niveau de protection santé des demandeurs d'asile en fonction de leur pays d'origine constituerait une atteinte sévère au principe d'égalité auquel nous sommes bien évidemment tous attachés. Cela serait contraire à nos engagements européens et internationaux. Les motifs de la demande d'asile n'ont pas à être pris en compte dans l'attribution de la couverture maladie. Les demandeurs d'asile doivent pouvoir accéder aux soins dont ils ont besoin. Outre le respect du droit à la santé, la prise en charge de leurs soins s'inscrit dans une logique de santé publique et de prévention des risques sanitaires.

Mesdames et messieurs les députés, les dispositions prévues par cette proposition de résolution posent des questions de principe auxquelles le Gouvernement reste attaché. Il m'est d'autant plus facile de m'y opposer qu'elles souffrent d'importantes faiblesses. Leur intérêt financier et sanitaire reste limité et le cadre légal et réglementaire en vigueur ne permet pas leur mise en œuvre pratique. Nous y sommes donc défavorables.

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