Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du mercredi 16 juin 2021 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

Le projet de loi de règlement qui nous occupe aujourd'hui vient clore le Printemps de l'évaluation, cette période dédiée au contrôle par le Parlement de l'exécution des budgets votés en loi de finances. Je veux saluer le volontarisme et la pugnacité d'Éric Woerth, à l'origine de cette initiative parlementaire essentielle pour améliorer l'efficacité des politiques publiques qui s'est désormais imposée dans nos débats. Il est cependant particulièrement délicat d'examiner de manière rationnelle les comptes de l'année 2020, que la crise épidémique et économique a totalement chamboulée. En effet, le budget que nous avons voté fin 2019 n'a plus grand-chose à voir avec le budget de fin d'exercice que nous devons adopter avec cette loi de règlement. C'est d'ailleurs bien normal, puisque l'on attend justement d'un responsable politique qu'il sache s'adapter au réel et faire preuve de réactivité en période de tempête en abandonnant ses certitudes. C'est la raison pour laquelle les députés du groupe Les Républicains ont approuvé pleinement la logique du « quoi qu'il en coûte » le temps de la crise et voté l'ensemble des mesures d'urgence indispensables pour sauver les entreprises françaises fragilisées par la pandémie et les confinements successifs et pour soutenir les uns et les autres.

Nous avons d'ailleurs contribué, par nos propositions et notre vigilance, à renforcer les dispositifs existants et à combler diverses lacunes. Néanmoins, cette année 2020 restera comme celle de la pire récession du XXIe siècle, avec une contraction du PIB de plus de huit points. Par ailleurs, avec un déficit de 9,2 % du PIB et une dette qui se rapproche des 120 % du PIB, nous n'avons hélas pas fini de payer les conséquences de ce dérapage sans précédent de nos finances publiques. Pour la seule année 2020, le coût de la crise est estimé à 93 milliards d'euros et le déficit de l'État a quasiment doublé pour atteindre 178 milliards d'euros. On note aussi que la France a plus durement subi la crise que le reste de l'Europe, avec une contraction plus forte de sa croissance que dans le reste de la zone euro.

Surtout, si nous nous sommes toujours déclarés favorables aux mesures de soutien à notre économie, nous déplorons l'envolée nettement moins compréhensible des dépenses sans lien avec la crise. En effet, selon la Cour des comptes, les dépenses ordinaires ont augmenté de 6,7 milliards d'euros en 2020. Il s'agit de dépenses ne relevant ni de l'urgence, ni de la relance, que nous ne pouvons pas nous permettre compte tenu de notre niveau d'endettement record, à un moment où, de surcroît, les taux commencent à remonter dangereusement. À titre d'exemple, une remontée des taux de seulement un point – constituant une hypothèse tout à fait envisageable à l'heure actuelle – entraînerait une augmentation du coût de la charge des intérêts de 2,5 milliards d'euros par an. Je le répète, si notre endettement a atteint un niveau d'alerte maximal, ce n'est pas tant en raison de la crise elle-même, qui a frappé toute l'Europe, que du fait que votre gouvernement n'a pas été capable de mettre à profit les trois années de croissance dont nous avons bénéficié auparavant pour réduire les dépenses publiques et pour réformer le pays. Rendez-vous compte qu'en 2019, vingt-trois des vingt-huit pays de l'Union européenne se sont désendettés, tandis que la France faisait partie des cinq pays qui continuaient d'augmenter leur dette ! Nous payons aujourd'hui le prix de ce manque de courage politique.

Aujourd'hui encore, la comparaison nous accable : avec notre niveau de dette actuel, il faudrait soixante-sept ans à la France pour retrouver son niveau d'endettement d'avant-crise, quand sept ans seulement suffiraient à l'Allemagne.

Mais pour l'heure, les perspectives de désendettement de notre pays restent très hypothétiques. Le Gouvernement vise l'horizon 2027 pour stabiliser la dette et faire revenir le déficit sous la barre des 3 %, mais les moyens qu'il se donne pour atteindre cet objectif sont extrêmement flous et limités.

La Cour des comptes dénonce le manque de réalisme de ces prévisions budgétaires dont la crédibilité est sujette à caution. Surtout, votre gouvernement se berce d'illusions en tablant sur le seul retour de la croissance pour assainir nos finances. Il nous semble par exemple urgent de reporter l'âge de départ à la retraite pour sauver notre système par répartition tout en tenant compte de la hausse de l'espérance de vie. Alors que la sortie de crise se profile, le désendettement de notre pays va devenir un enjeu de premier plan. La Cour des comptes l'a bien compris, qui préconise des mesures fortes afin de comprimer la dépense publique après 2022.

Monsieur le ministre, donnez-nous un horizon précis et crédible de désendettement de notre pays. Présentez-nous une nouvelle loi de programmation des finances publiques, la précédente étant désormais totalement caduque ! En attendant, les députés du groupe Les Républicains ne voteront pas ce projet de loi de règlement.

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