Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du mercredi 16 juin 2021 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Le règlement de notre assemblée m'interdit de dire trop crûment ce que m'inspire en vérité cet exercice 2020. Mais croyez bien que les mots et les chiffres ne manquent pas pour dire l'injustice, l'insuffisance et l'inanité des choix budgétaires du Gouvernement, que la majorité a pourtant diligemment approuvés. À la lecture du projet de loi de règlement, on croirait que la traversée de la crise a été une simple promenade de santé ! Vous évoquez une mobilisation sans précédent, des moyens financiers et des efforts massifs et inédits qui auraient, selon vous, limité les conséquences économiques et sociales de la crise. Je vous l'accorde, dans une certaine mesure, ce fut sans précédent.

Pourtant, au terme de l'année 2020, les banques alimentaires enregistraient 2 millions de demandeurs, dont la moitié depuis un an ou moins ; un jeune sur six a dû abandonner ses études, selon le rapport de notre collègue Marie-George Buffet ; et une estimation basse de la Fédération des acteurs de la solidarité dénombrait 1 million de pauvres supplémentaires, avant même le mois de décembre. Toutes les études sont formelles : ce sont les plus pauvres de nos concitoyens, les plus jeunes, les moins diplômés, les plus précaires, les femmes – comme d'habitude – qui ont le plus souffert. Quand, enfermées dans une certaine logique, les politiques publiques ignorent les inégalités, celles-ci sont condamnées à se reproduire.

De l'autre côté du cordon, si je puis dire, le tableau est idyllique. Grâce à votre effort sans précédent, la fortune des milliardaires français a augmenté de 40 % en un an, soit 170 milliards d'euros. Avec une telle somme, nous pourrions combler le fameux trou de la sécurité sociale, étendre le RSA aux jeunes de moins de 25 ans et créer 2 millions d'emplois rémunérés au salaire moyen pendant un an. Mais, fidèles à vous-mêmes, vous avez refusé de taxer les profiteurs de la crise, au nom de raisonnements économiques bancals qui dissimulent mal parfois vos allégeances.

Pourtant, le dernier des étudiants en économie sait qu'en période de crise, la relance de l'activité passe par le soutien à la consommation populaire et non par la politique de l'offre. Malgré les aides inconditionnelles accordées aux entreprises, malgré les quelque 30 milliards de l'ancien CICE et les 80 milliards de dépenses fiscales souvent polluantes et opaques, l'investissement privé s'est contracté en 2020 de près de 10 %.

Il revenait à la puissance publique de prendre le relais. À la faveur des taux historiquement bas, vous auriez pu financer la réorientation de l'économie vers un mode de production plus soutenable socialement et écologiquement, réindustrialiser, rapprocher les lieux de vie des lieux d'emploi, favoriser ainsi les circuits courts et les petites entreprises. Les investissements d'aujourd'hui sont les richesses de demain et les meilleurs remparts face aux crises à venir. Mais, incapables de tirer les leçons des crises précédentes, plus royalistes que le roi quand il s'agit d'appliquer les traités scélérats de l'Union européenne, vous avez essayé de contenir le déficit. Vos moyens financiers sans précédent représentent ainsi quelque 7,5 points de PIB, quand ceux dégagés aux États-Unis montent à 42 points de PIB, soit presque six fois plus ! Certes, ils disposent d'une monnaie indépendante.

Sous votre coupe, l'État n'a pas été à la hauteur et vous avez tenté, jusqu'au bout, de nous faire croire l'inverse : d'effets d'annonce en annonces non suivies d'effet, vous avez escamoté plus de 45 milliards d'euros prévus en loi de finances rectificative, notamment sur le plan d'urgence. Ce qui est, là encore, sans précédent, c'est la sous-exécution de votre budget et son insincérité manifeste, même si elle est déguisée en prudence ! Que vous plastronniez après une telle gabegie – quitte à maquiller les chiffres – pendant que nos concitoyens s'appauvrissent me donne personnellement le tournis.

Monsieur le ministre délégué, chers collègues de la majorité, puisque vous semblez incapables de remettre en cause votre logique, souffrez que l'opposition le fasse à votre place et vote contre le projet de loi de règlement.

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