Intervention de Olivier Dussopt

Séance en hémicycle du mercredi 16 juin 2021 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2020 — Discussion générale

Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics :

Je remercie tous les orateurs pour leurs propos et leurs suggestions ; je remercie tout particulièrement M. le président Éric Woerth d'avoir souligné que ce projet de loi de règlement avait été soumis au conseil des ministres le 14 avril, puis aussitôt mis à disposition de l'Assemblée. Comme l'a rappelé M. Woerth, notre volonté est qu'un débat se tienne, durant la même période, sur les aspects rétrospectifs et prospectifs. Après avoir avancé de quinze jours la présentation du projet de loi de règlement au conseil des ministres l'an dernier, nous l'avons à nouveau avancée de quinze jours : le Parlement y gagne un mois d'examen, de surcroît en concomitance avec le Printemps de l'évaluation et l'examen du programme de stabilité.

Je reviendrai sur trois points pour répondre aux différentes interventions, en commençant par les reports de crédits liés à la sous-consommation des mesures d'urgence en 2020, dans lesquels certains d'entre vous voient un manque de respect de l'autorisation parlementaire. M. le rapporteur général l'a souligné : quand nous avons proposé au Parlement d'adopter des crédits d'urgence pour répondre à la crise, ce fut toujours dans un contexte particulièrement incertain quant aux prévisions sanitaires et à leurs conséquences économiques ; à chaque fois, notre volonté était de ne jamais manquer de crédits pour financer les mesures d'urgence destinées aux entreprises et aux Français. Je rappelle que lors de l'examen du PLFR 4, quand nous vous avons proposé d'inscrire des crédits destinés au fonds de solidarité, à la prise en charge de l'activité partielle et à d'autres mesures d'urgence, nous l'avons fait sur la base d'un scénario macroéconomique retenant la pire des hypothèses, à savoir un confinement en novembre et en décembre – nous ne souhaitions pas que cette prévision se réalise, mais nous nous tenions prêts.

Nous avions estimé que la perte d'activité atteindrait 20 % en novembre et en décembre. Sachant que le confinement n'a eu lieu qu'en novembre – ce qui était déjà beaucoup –, et que la perte d'activité s'est limitée à 11 % en novembre puis à 7 ou 8 % en décembre, sous l'effet du couvre-feu et des mesures de restriction, l'activité économique s'est maintenue à un niveau beaucoup plus élevé que celui qui était anticipé – ou plutôt craint. Cela a permis, d'une part, de ne pas solliciter les mesures d'urgence aussi fortement que nous le craignions, et d'autre part de bénéficier de recettes plus élevées que prévu. C'est pourquoi tous les crédits n'ont pas été consommés en 2020. Si nous avons reporté des crédits, c'était pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire début 2021 – rappelons que nous n'avions pas inscrit de crédits anticipant un troisième confinement dans le PLF pour 2021, alors qu'un confinement est survenu en avril : les reports nous ont permis d'y faire face.

Je ne prétends pas – ce serait malhonnête – qu'un report de 28,9 milliards d'euros de crédits entre deux exercices est la panacée en matière de respect de l'autorisation parlementaire. J'explique simplement que nous avons fait preuve d'une grande prudence, quitte à constater une sous-consommation – cela me semble préférable à la situation inverse. C'est grâce à cette grande prudence que nous avons pu disposer de crédits, et qu'il vous a été demandé de régulariser la situation à l'occasion du premier PLFR.

Vous avez été nombreux à pointer l'écart par rapport à la norme de dépenses initiale. Mme Louwagie a notamment souligné qu'entre la norme de dépenses pilotables du début de l'année 2020 et l'exécuté, l'écart atteint 6,4 milliards, ne correspondant ni à des mesures de la mission "Plan d'urgence face à la crise sanitaire" , ni à des mesures de la mission "Plan de relance" ouverte plus tard dans l'année. En réalité, ces 6,4 milliards se décomposent de la manière suivante. Tout d'abord, 2,1 milliards tiennent à l'augmentation du montant de l'APL du fait de la dégradation des revenus en avril et en mai. On peut considérer que ce n'est ni une mesure d'urgence, ni une mesure de relance, mais nous y voyons une conséquence assez directe de la crise. Ensuite, 2,1 milliards ont été consacrés au paiement des deux primes attribuées aux ménages les plus défavorisés au printemps et en novembre. Pour des raisons tenant à la nomenclature et à la nature des dépenses considérées, nous n'avons pas pu les inscrire dans la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » ; elles figurent dans la norme de dépenses pilotables, mais s'il n'y avait pas eu de crise, ces aides ponctuelles n'auraient pas existé. Par ailleurs, 800 millions ont été consacrés à l'achat de masques et de matériels médicaux pour l'État et ses services ; 600 millions ont financé des mesures spécifiques de soutien à la presse pendant les confinements, qui ne pouvaient être inscrites dans les mesures de relance ou d'urgence – nous en avons discuté avec l'INSEE et la Commission européenne ; 500 millions découlent de l'évolution du tendanciel de l'allocation aux adultes handicapés et de la garantie de ressource des travailleurs handicapés (GRTH) » ; enfin, 400 millions ont été destinés à la prime à la conversion, qui a été accordée de manière renforcée dès le printemps, avant même que les crédits nécessaires à son financement au titre de la relance ne soient votés. En résumé, l'écart par rapport à la norme de dépenses atteint certes 6,4 milliards, mais il tient pour l'essentiel à des mesures qui n'auraient pas été prises sans la crise – cela prouve la sincérité de notre démarche.

M. Naegelen et d'autres orateurs ont évoqué le bilan d'Action publique 2022 : je propose de le renvoyer à un autre débat, mais sachez que beaucoup a déjà été fait – vous seriez surpris du niveau de mise en œuvre des préconisations du rapport.

Quant aux primes à l'émission, monsieur de Courson, je peux vous assurer qu'elles ne résultent pas d'un pilotage. J'ai eu l'occasion de vous expliquer que vous vous trompiez – pardonnez-moi de le dire – quand la dette équivalait à 100 ou 105 % du PIB ; il en est de même avec son taux actuel de 117 %. Nous avons la chance de bénéficier de taux extrêmement bienveillants – présentant certes un risque de remontée, auquel nous veillons ; les primes à l'émission favorisent la liquidité, mais la dette est déjà très liquide : il n'y a donc pas de pilotage dans ce domaine, ni d'effet d'aubaine provoqué par ces primes.

Enfin, les impôts de production auront baissé de 50 milliards tout au long du quinquennat. Les entreprises en bénéficient à hauteur de 25 milliards, dont 10 milliards correspondent à des impôts de production. Cela signifie qu'avant le plan de relance, la baisse d'impôts équivalait à 40 milliards pour la durée du quinquennat, dont 15 milliards pour les entreprises et 25 milliards pour les ménages. Sur ces 25 milliards dont bénéficient les ménages, la diminution de la taxe d'habitation – pour 80 % des Français jusqu'à présent, et pour deux tiers des Français restants d'ici à la fin de l'année – et la baisse de l'impôt sur le revenu – concentrée sur les première et deuxième tranches d'imposition – représentent plus de 22 milliards : ce sont donc les principaux facteurs. C'est la preuve que la diminution de l'impôt des ménages à laquelle nous avons procédé profite prioritairement à 80 % des Français, et plus encore à ceux qui paient des impôts sur le revenu à la première et à la deuxième tranche – nous sommes loin des ménages les plus favorisés, contrairement à ce qu'affirment certains !

Permettez-moi un dernier mot au sujet de la soutenabilité budgétaire et du retour à un niveau plus classique de dépense publique. Puisque M. de Courson a cité Diogène, je ne résiste pas à lui répondre avec une phrase du même auteur : « Les choses nécessaires coûtent peu, les choses superflues coûtent cher. » Je vous propose de suivre cette maxime lors de la préparation du PLF pour 2022 !

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