À la recherche de notre croissance perdue… le Gouvernement tente ne nous ramener aux temps heureux, au temps retrouvé de la relance.
Première remarque : ces mesures de relance relèvent, une fois de plus, de la politique de l'open bar budgétaire, dans laquelle nous sombrons toujours un peu plus en renonçant à tout effort en matière de dépenses. Le Gouvernement se livre ainsi à un exercice aisé, messieurs les ministres, car cela fait toujours plaisir de distribuer de l'argent de manière unilatérale, sans aucun contrôle. Mais, en l'absence de tout effort d'économies, cela conduit à un seul résultat : une hausse incontrôlée des dépenses publiques. Et je ne suis pas le seul à le dire : le Haut Conseil des finances publiques fait déjà état d'un accroissement de près de 66 milliards d'euros des dépenses publiques depuis 2020.
Deuxième remarque : le poids de France relance a été artificiellement gonflé pour atteindre le niveau symbolique des 100 milliards d'euros, un chiffre rond de surcroît et, en réalité, à la limite de la propagande. La Cour des comptes rappelle que la part de l'État se limite à 64 milliards de crédits budgétaires, soit bien loin des 100 milliards, d'autant que vous avez entretenu une certaine confusion entre mesures d'urgence, mesures de relance et mesures de transition.
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la relance, vous nous indiquiez que France relance était le plus massif des plans européens, mais est-ce vraiment le cas ? Le plan de relance de l'Allemagne atteint 130 milliards, ce qui, même corrigé des différences de PIB, est encore supérieur au nôtre.
Troisième remarque : les dispositifs de soutien ou de transition ont eu plus ou moins de succès. Il est indéniable que certaines des mesures de soutien déployées par l'État ont eu leur utilité : je pense notamment à l'activité partielle et au fonds de solidarité, le dernier collectif budgétaire consacrant encore 9,8 milliards à la mission qui finance ces dispositifs. Mais, là encore, ne sommes-nous pas allés trop loin ?
Et puis d'autres dispositifs ont eu une efficacité plus réduite : je pense aux fameux PGE, ces prêts garantis par l'État avec un plafond de 300 milliards d'euros. Cet outil doit être prolongé par le nouveau projet de loi de finances rectificative alors qu'il n'a pourtant pas été ciblé vers ceux qui en ont vraiment besoin. Le montant des PGE recensés par les banques s'élevait début 2021 à 134 milliards, le problème étant qu'on offre ainsi un matelas de sécurité à des entreprises qui n'en avaient nul besoin, comme le montre l'énorme augmentation des dépôts sur les comptes bancaires des entreprises – on parle d'une cinquantaine de milliards –, alors que la première règle enseignée dans une école de commerce, c'est celle de la trésorerie zéro. Elles utilisent ces prêts pour se financer un matelas de sécurité et pas du tout pour investir ou pour répondre à des besoins particuliers de fonds de roulement ou autres.
En outre, tous ces dispositifs de soutien et de relance ont suscité, et susciteront, des effets d'aubaine et des fraudes. À cet égard, j'attends avec impatience l'enquête que la Cour des comptes ne manquera pas de mener et dont les conclusions seront remises au Parlement.
Quatrième remarque : l'état de la consommation des crédits de la mission "Plan de relance" laisse apparaître un décaissement particulièrement lent, alors que notre économie a besoin d'une réponse immédiate. Le démarrage a été laborieux en 2020, avec seulement 4,3 milliards d'euros décaissés, et cela se poursuit au même rythme en 2021. Certes, les crédits ouverts en loi de finances initiale au titre de cette mission s'élèvent à 36,1 milliards en autorisations d'engagement et à 21,8 milliards en crédits de paiement, répartis entre les programmes Écologie, Compétitivité et Cohésion, et je relève au passage, avec satisfaction, qu'il s'agit essentiellement de dépenses d'intervention et d'investissement, respectivement à hauteur de 78 % et de 10 %, et très peu de dépenses de fonctionnement – seulement 11 % heureusement.
Mais où en sommes-nous, à mi-parcours ? Début juin, l'état de la consommation des autorisations d'engagement et des crédits de paiement reste faible. Ainsi, sur le programme Écologie, hors titre 2, n'ont été consommés que 3,5 milliards sur les 17,9 milliards, soit seulement 19 % du total des autorisations d'engagement et 14 % des crédits de paiement, alors que nous sommes déjà à la moitié de l'année.
Cinquième et dernière remarque : à rebours de l'impératif d'une relance à court terme, les crédits s'inscrivent dans des réformes de long terme, à horizon 2030. En dehors de la lenteur que j'ai évoquée, le véritable problème est que ce plan mobilise des montants avant tout orientés vers une transformation profonde de notre tissu économique dans une décennie.
Le Gouvernement néglige l'enjeu d'une relance à court terme de notre économie, car l'essentiel des crédits est étalé en principe sur 2022-2023, voire plus tard encore. Les mesures que vous financez, par exemple la rénovation énergétique ou le développement de l'hydrogène vert, ne peuvent pas s'improviser.
Par ailleurs, je dois souligner que tous les économistes qui ont travaillé sur les politiques de relance par l'investissement ont fait le même constat : les dépenses d'investissement se réalisent lentement. Beaucoup de plans de relance ont eu des effets contracycliques, car ils atteignent souvent leur apogée au moment d'une reprise forte, ce qui entraîne une surchauffe de l'économie, puis ils s'arrêtent et risquent de créer une dépression. Ce plan de relance présente donc des risques en matière d'efficacité, mais c'est a posteriori que nous pourrons réellement l'évaluer.