Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du mercredi 16 juin 2021 à 15h00
Mesures de relance

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

Vous ne serez pas surpris de m'entendre vous le dire : je ne crois pas que le Gouvernement ait réellement bâti un plan de relance. Ce n'en est pas un, puisqu'il prévoit 100 milliards d'euros d'intervention dans l'économie – ce qui devrait rappeler à quelques-uns que le marché est impuissant sans l'État : or nous avons perdu 8 points de richesse produite. Pour les compenser, il faudrait donc 180 milliards.

En outre, il faudrait encore presque 200 milliards de plus pour être au niveau des engagements pris dans le cadre de la COP21 : cela n'a naturellement rien à voir avec les 100 milliards dont on nous parle. L'Union européenne n'est pas non plus au rendez-vous : elle prévoit un plan de 750 milliards, dont 380 sous forme de prêts. Or, à l'échelle européenne, la crise a fait perdre 950 milliards d'euros de richesse. Même sans rien faire, le simple redémarrage de l'activité entraînera des taux de croissance tout à fait admirables qui, en réalité, ne le seront pas : il suffit de se reporter au délai qu'il a fallu, après 2008, pour retrouver le niveau de la production d'avant crise pour se faire une idée.

Le plan du Gouvernement constitue ainsi une occasion ratée : nous aurions pu en profiter pour procéder à la bifurcation écologique – déjà évoquée par plusieurs collègues – qui est nécessaire ou, à défaut d'y croire, au moins pour reconstituer les filières de production industrielle dont nous avons besoin, et pour lesquels des outils existent – j'en dirai un mot dans un instant.

L'argent donné par l'Union européenne va coûtera plus cher qu'il ne nous rapportera, puisque nous payons et que nous rembourserons. De plus, elle nous demande en échange des réformes antisociales – comme le retour de la réforme des retraites, auquel vous avez vous-même souscrit, monsieur le ministre. Je vous invite à réfléchir à la demande du président du MEDEF, dont je me fais très volontiers l'écho à cette tribune. Surtout, n'allez pas vous lancer dans une lutte des classes hasardeuse à un moment où nous n'en avons pas besoin. Que cette réforme soit débattue dans le cadre de l'élection présidentielle, les Français trancheront : ce serait beaucoup plus raisonnable.

Si l'on compare le plan de l'Union européenne à ce que font les États-Unis, la différence est claire. Là-bas, 4 000 milliards sont mobilisés – c'est sans commune mesure avec les 750 pauvres milliards de l'Europe –, dont 2 300 pour les infrastructures – il est vrai qu'elles étaient en dessous de tout – et les investissements écologiques, et 1 800 milliards pour les services publics et la consommation populaire.

En France, il n'y a rien en faveur de la consommation populaire. Les mesures de lutte contre la pauvreté constituent pourtant l'un des principaux moteurs de la consommation : les pauvres gens sont naturellement les premiers à utiliser les moyens qu'on leur donne pour se vêtir, se nourrir, se chauffer, se loger ou se déplacer. Mais ils n'auront rien.

Les milliards qui seront donnés aux entreprises le seront sans condition ni contrepartie. Je veux m'attarder un instant sur ce point parce que c'est absolument immoral. Des reportages montrent qu'aux États-Unis, des patrons trouvent normal de se plier aux conditions fixées par l'État. Leur raisonnement est très simple : puisqu'il paie, il a le droit de commander. En France, nous avons le droit de demander au minimum que les entreprises ne fassent pas, l'année où l'on va les gorger d'argent, de carry back, sans plafond, sur leurs résultats. Nous avons le droit de leur demander au minimum qu'elles ne distribuent pas plus de dividendes qu'elles n'ont fait de profits, comme on l'observe cette année. Surtout, nous avons le droit de le demander aux entreprises que nous allons arroser contre toute logique. Je pense à Renault : nous allons lui donner 5 milliards sans condition, alors même que seulement une voiture sur sept achetées en France est produite par Renault en France.

Chers collègues, j'appelle votre attention sur ce point : nous sommes au moins en droit de demander à des industries françaises de pointe, qui n'ont aucune difficulté quant à la valeur de ce qu'elles sont capables de produire, d'honorer leurs commandes qui permettent de maintenir à flot des petites entreprises. Par exemple, il y a une semaine je me trouvais à la fonderie MBF Aluminium de Saint-Claude. Pourquoi délocaliser la production en Espagne ? Que Renault honore au moins ses commandes, et peu importe les raisons du groupe qui a pris la décision, qu'on ne permette pas que cela se passe ainsi s'il reçoit de l'argent public. Il en va de même pour les fonderies du Poitou dans la Vienne, pour la fonderie de Bretagne dans le Morbihan ou pour la fonderie Alvance Aluminium Wheels dans l'Indre, dont les salariés étaient, il y a deux jours, devant les portes de l'Assemblée nationale. Ils restent les bras ballants : ils ont fait tous les efforts demandés. Que peuvent-ils faire de plus ? Ils sont soumis à l'arbitraire patronal qui décide de délocaliser. Monsieur le ministre, quand direz-vous « qui paie, commande » et que dès lors qu'on donne de l'argent, on exige d'être respecté ?

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