Intervention de Bruno le Maire

Séance en hémicycle du mercredi 16 juin 2021 à 15h00
Mesures de relance

Bruno le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance :

Avant d'évoquer le plan de relance et son décaissement, vous me permettrez d'exprimer ma surprise devant deux propos. Si je vous ai tous écoutés attentivement, car les critiques sont toujours les bienvenues, deux contrevérités doivent être dénoncées.

Tout d'abord, nous n'aurions pas soutenu les ménages les plus modestes, la demande, les plus petites entreprises, ceux qui rencontré les plus grandes difficultés durant la crise. C'est faux. Monsieur Wulfranc, les bénéficiaires de MaPrimeRénov', dans le plan de relance, appartiennent ainsi pour les deux tiers aux ménages les plus modestes. Alors que la France a perdu près de 8 % de son activité en 2020, elle a réussi à maintenir, voire à augmenter, le pouvoir d'achat de l'ensemble des Français. Au-delà des 100 milliards d'euros consacrés à la relance, nous avons dépensé successivement en 2020 et 2021, 73 milliards d'euros pour protéger les salariés et les plus modestes et éviter que la crise économique ne s'accompagne d'une crise sociale.

Ensuite, je m'étonne – même si après tout, en cette période, plus rien n'étonne – de constater que La France insoumise, par la voix de M. Mélenchon, se montre si fascinée par les États-Unis d'Amérique. Que La France insoumise se soumette aux États-Unis et à Washington : il m'aura fallu attendre d'avoir 52 ans pour assister à un tel spectacle. À écouter M. Mélenchon, personne ne ferait mieux que les États-Unis d'Amérique, personne ne serait aussi contraignant vis-à-vis des entreprises, personne n'aurait dépensé plus et n'aurait un meilleur filet de protection sociale ! Je rappellerai simplement à M. Mélenchon et à La France insoumise, avant qu'ils s'agenouillent devant le modèle américain, que le modèle européen, lui, prévoit un filet de protection sociale, conduit à dépenser des milliards d'euros pour protéger les salariés et à engager des prêts garantis par l'État pour éviter des vagues de faillites. Je préfère le modèle européen et français au modèle américain et je préfère la manière dont nous avons résisté à la crise en 2020, à l'approche choisie par les États-Unis d'Amérique. C'est la différence entre La France insoumise et cette majorité.

J'en viens au plan de relance. C'était un défi absolument considérable, d'abord à cause du montant. Comment engager 100 milliards d'euros dans un délai aussi rapide ? C'était aussi un défi en matière d'efficacité : après la crise la plus grave depuis 1929, comment relancer l'économie française, faire redémarrer la machine économique pour éviter les faillites et créer des emplois partout dans les territoires ? Enfin, c'était un défi au vu des modalités de financement très originales du plan, puisque je rappelle que 60 milliards d'euros proviennent du budget de l'État et 40 milliards d'euros de crédits européens, dont une partie a été levée par de la dette commune. Comme vous le savez, nous devons cette singularité et cet acte d'intégration majeur de l'Union européenne et des États européens à l'accord conclu entre la chancelière Angela Merkel et le Président de la République Emmanuel Macron.

Eh bien, ce défi du plan de relance, nous sommes en train de le relever collectivement : nous sommes en passe de réussir la relance de l'économie française, après avoir réussi ensemble la protection de l'économie française. Une fois encore, au-delà des critiques et du débat qui sont bienvenus car ils nous permettent de faire mieux, nous devrions tous être fiers de constater que la France et l'Union européenne ont réussi à protéger leurs économies, leurs salariés et leurs entreprises en 2020 et que la France est en train de réussir la relance économique en 2021. Nous atteignons l'objectif le plus important pour tous, qui semblait inaccessible il y a quelques mois : des emplois, du travail et de l'activité pour tous les Français. Nous retrouvons une croissance forte dès 2021 et sommes partis pour retrouver dès le premier trimestre de l'année 2022 le niveau d'activité économique que nous avions avant la crise, alors que cela paraissait hors de portée.

Nous le devons, tout d'abord, aux Français, qui se sont remis à travailler et à consommer, très rapidement. Nous le devons aux Français qui ont utilisé les dispositifs du plan de relance. Ceux-ci n'auraient servi à rien si nos concitoyens n'avaient pas changé leur véhicule en utilisant largement la prime à la conversion et les primes pour l'achat des véhicules électriques. Le plan de relance n'aurait servi à rien, si les Français n'avaient pas rénové leurs bâtiments, leurs logements. Ils l'ont fait massivement : 325 000 aides MaPrimeRénov' ont été accordées, depuis le lancement du dispositif et son renforcement dans le plan de relance. Je veux donc adresser un immense merci à nos compatriotes : si l'économie redémarre en France, nous le devons d'abord aux Français.

Nous le devons également aux élus locaux, dont je salue l'engagement. Je sais qu'au départ, les dispositifs étaient complexes, qu'il a fallu les simplifier, les mettre en route, s'assurer que les sous-préfets à la relance étaient bien disponibles pour les maires et pour les présidents des communautés de communes, s'assurer que les préfets apportaient bien toutes les précisions nécessaires, notamment aux plus petites communes. Nous avons entendu les critiques et corrigé le tir. Le résultat est que les élus locaux ont largement joué le jeu et je veux aussi les remercier. Grâce à eux, la rénovation des bâtiments publics, la rénovation des écoles est engagée, ce qui fait tourner le secteur du bâtiment et des travaux publics, dont les entreprises sont confrontées non à un manque, mais à un excès de demandes, si bien que le véritable problème aujourd'hui, vous le savez tous, est d'abord celui de l'accès aux matières premières et de leur prix et celui du recrutement. Je profite d'ailleurs de cette intervention pour redire que l'État n'appliquera pas de pénalités en cas de retard sur l'exécution des marchés publics. J'invite les collectivités publiques à faire de même pour les entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics.

Ce succès de la relance, nous le devons également aux entrepreneurs, qui ont immédiatement utilisé les dispositifs. Nous savions tous que les PME industrielles avaient un retard en matière de numérisation. Nous avons donc instauré un crédit d'impôt, que nous les avons poussées à utiliser, en prévoyant 280 millions d'euros. En l'espace de quelques mois, près de 1 milliard d'euros de demandes a été déposé par les chefs d'entreprise pour numériser leurs PME. J'adresse donc un immense merci aux entrepreneurs qui ont joué le jeu de la relance et qui nous permettent d'enregistrer de tels résultats.

Enfin, nous devons aussi ce succès à tous les parlementaires qui se sont engagés dans France relance, qui ont battu la campagne pour expliquer les dispositifs, et ont, à l'image de Jean-Noël Barrot, mené un travail remarquable d'efficacité et de rigueur sur la territorialisation du plan de relance et sur l'accès au dispositif des territoires les plus reculés. J'adresse un immense merci à chacun d'entre vous.

Le résultat est là. Il est collectif : nous le devons aux Français, aux élus locaux, aux entrepreneurs, aux consommateurs, aux parlementaires. C'est un modèle de ce que la France doit, à mon avis, accomplir pour réussir : travailler de manière solidaire et non pas isolée, ensemble et non pas les uns contre les autres. À l'heure où je vous parle, 36 milliards d'euros du plan de relance ont été décaissés. Mon objectif est que, d'ici à la fin de l'année 2021, sur les 100 milliards prévus et votés, 70 milliards d'euros soient engagés, et qu'une grande partie de cette somme soit décaissée d'ici à la fin de l'année 2021.

La dernière raison qui explique que le plan avance et fonctionne, c'est que vous l'avez voté tôt et qu'il a été appliqué très rapidement. Je rappelle que le dispositif « 1 jeune, 1 emploi » a été lancé dès la fin du mois d'août 2020, car nous anticipions une rentrée difficile et il fallait soutenir l'embauche des jeunes en CDI ou en apprentissage par les entreprises. C'est l'anticipation qui nous permet d'obtenir de tels résultats et qui autorise la Banque de France à accorder à la France une des meilleures évaluations de croissance dans la zone euro, de 5,75 % pour 2021, même si, pour ma part, je maintiens la prévision de croissance du Gouvernement à 5 %, en tenant compte d'éventuels aléas sanitaires.

Que nous reste-t-il à faire ? Qu'y a-t-il devant nous ? Il faut s'assurer, une fois encore, que nous répondions aux critiques et aux demandes de simplification et de territorialisation – celles, notamment, de Jean-Noël Barrot – que vous avez formulées. Avec mes équipes, que je remercie au passage, et le secrétaire général du plan de relance, nous ne cessons, à un rythme hebdomadaire, d'examiner où nous en sommes, ce qui peut être amélioré, les réponses à apporter aux critiques des élus de terrain que vous êtes. C'est la première urgence, la plus importante.

La deuxième est de s'assurer que tous les territoires, sans exception, profitent bien des crédits du plan de relance, les utilisent pour redémarrer leur économie et que ce redémarrage se traduise bien par des emplois. La priorité des Français, que je partage, c'est la relance et, derrière la relance, l'emploi.

Enfin, il faut réfléchir à la question que vous avez soulevée et qui est parfaitement légitime : des investissements supplémentaires sont-ils nécessaires pour augmenter le potentiel de croissance de notre pays et celui de l'Union européenne, face à la montée en puissance de la Chine et à l'accélération américaine ? Ce débat, légitime, a été engagé par le Président de la République. Autant je ne crois pas que nous ayons besoin d'un deuxième plan de relance, autant je pense qu'il est utile de réfléchir ensemble aux investissements complémentaires nécessaires pour augmenter le potentiel de croissance de la France et ouvrir, pour la première fois depuis des décennies, de nouvelles chaînes de valeur dans notre pays – dans les secteurs de l'hydrogène, des batteries électriques, des semi-conducteurs, dont on a vu l'importance stratégique pendant la crise, du calcul quantique, du cloud, de l'espace, des lanceurs. Nous avons commencé à le faire. Peut-être sera-t-il nécessaire d'ajouter des moyens supplémentaires pour financer ces nouvelles chaînes de valeur, qui accéléreront la relocalisation industrielle dans notre pays. Le Président de la République, le Premier ministre et moi-même souhaitons apporter des réponses dans ce débat dans les semaines qui viennent.

L'investissement doit concerner non seulement les entreprises, les usines et les chaînes de valeur que je viens d'indiquer, mais aussi, et peut-être surtout, les compétences, car il me semble que le plus grand défi pour la France est d'investir dans le savoir-faire, la formation et la qualification.

J'entends ce qui a été dit sur les fonderies. Elles m'occupent depuis des semaines et des semaines. Ce sont 15 000 emplois directs, des salariés qui n'ont pas démérité, qui ont des compétences, du savoir-faire. Elles sont souvent situées dans des endroits reculés. Bien entendu que le sort de la fonderie de Saint-Claude dans le Jura me touche, bien entendu que je suis de très près la question des fonderies du Poitou ou de Bretagne, mais, derrière, il y a une réalité : la transition environnementale conduit à la lente disparition des moteurs thermiques au profit de moteurs électriques qui occupent une place de plus en plus importante. Il faut donc soit trouver de nouveaux débouchés pour ces fonderies, soit requalifier les salariés et leur donner de nouvelles perspectives d'emploi. C'est l'un des travaux essentiels que nous avons à conduire : investir dans les compétences au service de l'activité et de l'emploi. C'est un débat qui me paraît tout à fait salutaire et utile dans cette assemblée.

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