Il est un adage bien connu en politique : le rôle de ceux qui l'exercent n'est plus tant de « savoir faire » que de « faire savoir », au risque de verser parfois dans une communication fallacieuse. C'est à peu près ce qui s'est passé lorsque vous avez annoncé votre plan de relance, en septembre dernier : 100 milliards d'euros, voilà un chiffre rond et ronflant, susceptible d'impressionner nos concitoyens ! Mais près de 40 % de cette somme sont en réalité imputables au plan de relance européen, 30 % ne constituent pas des dépenses nouvelles et les diverses mesures qu'elle recouvre ont toutes des échéances différentes.
Un drôle de jeu de bonneteau, donc, que vous déclinez en trois volets : écologie, compétitivité et cohésion des territoires. Ce sont de jolis mots à la mode, mais notons tout de même quelques originalités : dans le volet écologie, on trouve par exemple 250 millions d'euros consacrés aux infrastructures routières. Drôle de conception de l'écologie ! Et s'il est des points positifs comme les 4 milliards consentis pour la rénovation des bâtiments publics, cela reste insuffisant – c'est à peu près ce qu'il faudrait dépenser au minimum chaque année jusqu'en 2040 pour les seules passoires thermiques. Quant aux 30 milliards dédiés à la compétitivité, les deux tiers correspondent à des cadeaux fiscaux aux entreprises les plus polluantes et leur effet multiplicateur est de 0,3 contre 0,8 pour le reste des mesures, ce qui n'est déjà pas glorieux.
Alors, est-ce un plan de relance ou un plan de complaisance ? À l'aune de ces observations, je me demande d'ailleurs ce que vous espérez relancer. « La réponse budgétaire française ressemble plus à un plan de sauvegarde qu'à un plan de relance », a même déclaré Nicolas Goetzmann dans une interview au Figaro. J'ajouterai : un plan de sauvegarde des bénéfices des profiteurs de crise.
Ma question est la suivante : comment pensez-vous produire une relance durable alors que vous taillez les branches saines pour sauver les fruits pourris ? Ne pensez-vous pas que ce plan, que vous appelez « de relance », correspond à des investissements qui auraient dû être consentis par la puissance publique bien avant qu'ils soient rendus nécessaires par le contexte actuel, pour remettre à niveau toutes les infrastructures ? Il est normal que les collectivités territoriales se saisissent de ce budget : il y avait, et il y aura encore, tant à faire !