Nous sommes amenés à débattre d'une proposition de loi du groupe Libertés et territoires empreinte de solidarité et d'humanité qui, je crois, grandit la politique. L'esprit qui a animé les humanistes de tous bords politiques ou presque pour soutenir les mesures qu'elle comporte fait l'honneur de notre Parlement, en particulier celui du groupe de la Gauche démocrate et républicaine qui a inscrit ce texte dans sa niche parlementaire afin d'en favoriser l'adoption.
Solidarité, humanité et justice : voilà qui ne sont pas de vains mots ! Nous devons tout cela aux Français, en particulier aux plus fragiles, à ceux qui souffrent ou qui ont connu un accident de la vie. Si la crise sanitaire, économique et sociale a démultiplié les urgences, les craintes et les préoccupations de nos concitoyens, je n'oublie pas que ceux-ci aspirent plus que jamais à la justice et à la solidarité. Ils étaient, gardons-le en tête, des milliers chaque samedi à nous le rappeler.
Cette proposition de loi est assurément l'une des réponses à ces aspirations et aux difficultés des personnes en situation de handicap, grâce à la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'allocation aux adultes handicapés. Si l'instauration de l'AAH en 1975 était une avancée considérable, cette allocation est désormais insuffisante comme le montre le fait que le quart de ses bénéficiaires vivent sous le seuil de pauvreté et que le revenu moyen des personnes en situation de handicap est inférieur de 200 euros par mois à celui des personnes valides. Alors oui, le Gouvernement a revalorisé l'AAH en 2018 et 2019, mais il a, en même temps, abaissé le plafond de ressources pour les allocataires en couple. Finalement, 100 000 bénéficiaires sont sortis du dispositif ! Ce « en même temps » est une véritable régression !
La proposition de loi vise à dépasser l'ambition initiale de 1975 et apporte une preuve supplémentaire de solidarité. L'individualisation de l'AAH est attendue de longue date, son absence constituant une profonde injustice. Beaucoup nous regardent et souhaitent ne plus dépendre d'un époux, d'une épouse, d'un compagnon ou d'une compagne. Initialement, ce texte supprimait la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH ainsi que dans son plafonnement, afin que ses bénéficiaires soient pleinement indépendants et autonomes. Aujourd'hui, lorsque le conjoint d'une personne handicapée perçoit des revenus supérieurs à 1 200 euros, le niveau de l'AAH est revu à la baisse. La déconjugalisation vise à éviter cette injustice alors que le montant de l'allocation est de 903 euros à taux plein – ce qui est faible, convenons-en.
Un an après le vote de l'Assemblée nationale, le Sénat avait également entériné le principe de la déconjugalisation. Pourtant, la semaine dernière en commission, le Gouvernement a décidé de revenir sur cette avancée et a reçu le soutien de sa majorité qui l'a suivi comme un seul homme et sans scrupule. C'est une faute morale et politique majeure.
Dans la présentation de son amendement, le Gouvernement indique que « la situation conjugale est prise en compte dans le calcul de tous nos minima sociaux ». Partant de là, vous estimez, madame la secrétaire d'État, que la déconjugalisation de l'AAH aurait des effets antiredistributifs. Mais tout le problème est là : l'AAH n'est pas un minimum social !