La proposition de loi que nous examinons vise à instaurer une aide spécifique d'urgence à destination des titulaires de contrats temporaires affectés par les conséquences de la crise sanitaire et économique. Si nous ne pouvons nier la situation extrêmement difficile dans laquelle ces travailleurs se sont trouvés lors de la période écoulée, et se trouvent encore pour certains, nous ne pouvons laisser dire que rien n'a été fait pour leur venir en aide.
La majorité s'est saisie de cette question, aux côtés du Gouvernement, puisque dès le mois de novembre 2020, une garantie de revenus mensuels de 900 euros pour l'ensemble des travailleurs enchaînant des contrats courts a été instaurée. Ce dispositif semble d'ailleurs plus favorable que celui proposé ici, puisqu'il s'adresse à tous les travailleurs précaires et pas seulement aux titulaires de contrats temporaires. Il sera prolongé jusqu'en août pour tenir compte de la reprise fractionnée et partielle de certains secteurs d'activité ; l'économie touristique est évidemment concernée au premier chef. Au total, cette aide représentera un investissement de 1,5 milliard d'euros.
Du reste, une nouvelle prolongation du dispositif jusqu'à la fin de l'année civile devra peut-être être envisagée, en fonction de la reprise de l'activité des secteurs les plus touchés. Dans tous les cas, le Gouvernement a su montrer sa réactivité au cours de l'année écoulée et nous ne doutons pas qu'il saura prendre les mesures adaptées en temps voulu.
Par ailleurs, le texte qui nous est soumis propose de rétablir un régime d'assurance chômage spécifique pour les intermittents de l'emploi et les intérimaires, en ajoutant notamment une annexe spécifique à la convention UNEDIC. Si tel était le cas, nous irions à l'encontre de l'initiative prise par les syndicats en 2017 qui, alors que ce régime existait, ont décidé de le supprimer. Où serait la cohérence du législateur ? Une telle mesure ne ferait qu'encourager le recours aux contrats courts et pérenniser la précarisation de ces travailleurs. La question de la permittence doit être traitée globalement et définitivement ; il faut éviter tout effet d'aubaine. D'ailleurs, chacun ici peut citer des exemples.
La crise sanitaire a révélé certaines pratiques. Il faut être lucide, faire preuve de transparence, et les analyser. On a constaté que, dans certains secteurs, les salariés préfèrent souvent – je vous le dis, je l'ai vécu pendant trente ans – signer un CDD plutôt qu'un CDI pour être plus libres, mais aussi parce que le CDD d'usage offre parfois une situation plus confortable et plus rémunératrice que l'emploi pérenne. Du reste, cela concourt fortement au développement de ce que j'appelle le « travail au gris ». La permittence n'est pas toujours subie, elle peut être aussi choisie – la faculté de choisir étant quelque chose d'intéressant dans notre société.
Ce que vous proposez encouragera durablement la permittence et creusera certaines inégalités entre les secteurs.
Le groupe Dem est en désaccord avec les dispositions figurant dans ce texte, lequel institutionnaliserait en quelque sorte l'activité partielle financée par l'assurance chômage. Celle-ci est là pour garantir le rebond professionnel lors d'un accident économique de la vie, mais ne peut et ne doit pas être un mode de vie. Depuis le début de la législature, notre majorité s'est engagée à privilégier l'emploi durable et à encourager la formation professionnelle et la montée en compétences. La proposition de loi va à l'encontre de cette ambition.
S'agissant des CDDU, il apparaît toutefois indispensable de réfléchir à une nouvelle organisation. J'ai lu avec attention le rapport de notre collègue Jean François Mbaye et du sénateur Xavier Iacovelli : il est éclairant, détaillé et je souscris pleinement aux propositions qu'il contient en la matière. J'espère, madame la ministre, que nous pourrons en tirer quelque chose.
Pour conclure, je souhaite revenir sur une disposition du texte, relative à la contribution spécifique à la charge des employeurs destinée à financer le régime d'assurance chômage spécifique des intermittents. Outre le fait que cette contribution n'est ni chiffrée ni assortie de critères, ce qui ne permet pas d'en analyser les effets concrets, il nous semblerait inconséquent d'introduire une telle mesure. Elle constituerait en effet un poids supplémentaire pour les entreprises, 86 % d'entre elles étant, dans le secteur touristique, des PME.
Aussi, pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés s'opposera à l'adoption de cette proposition de loi.