Elle s'est poursuivie avec un texte relatif aux retraites agricoles, qui nous a permis d'avancer sur bien des sujets. Puis nous avons examiné une proposition de loi de notre collègue Moetai Brotherson, qui a fait état de véritables souffrances et qui, compte tenu de son importance, aurait mérité que davantage de députés soient présents. Et maintenant nous en venons à la proposition de loi de notre collègue Elsa Faucillon pour des mesures d'urgence en faveur des intermittents de l'emploi.
Si nous partageons toutes et tous l'ambition de cette proposition de loi, qui est de lutter contre la précarité des travailleurs enchaînant contrats courts et périodes de chômage, nous ne vous rejoignons pas, madame la rapporteure, sur les moyens pour y parvenir.
L'article 1er de la proposition de loi prévoit en effet l'octroi d'une aide conjoncturelle de l'État à l'ensemble des intermittents et des intérimaires inscrits comme demandeurs d'emploi, afin d'indemniser la totalité de leurs pertes de revenu depuis le début de la crise sanitaire et en prenant comme référence les salaires perçus sur les trois dernières années avant 2020.
C'est justement l'objet de l'aide exceptionnelle instaurée par le Gouvernement en novembre 2020 et qui vise à garantir un revenu minimum de 900 euros par mois à tous les travailleurs précaires. Plus de 600 000 demandeurs d'emploi bénéficient de cette prime, qui a été prolongée jusqu'à la fin de l'été pour un moment total de 1,3 milliard d'euros. Le « quoi qu'il en coûte » est donc aussi une réalité pour les intermittents de l'emploi ou du spectacle. Nous ne sommes donc pas favorables à ce que des aides viennent s'ajouter à d'autres aides.
La seconde proposition que vous formulez, structurelle celle-ci, consiste à rétablir un régime d'assurance chômage spécifique aux intermittents de l'emploi et aux intérimaires. Nous ne souhaitons pas recréer un tel régime, qui a été une déception et qui pourrait conduire à encourager les signatures de contrats courts. Cela va à l'encontre de l'ambition de notre majorité, qui est de lutter contre le recours abusif aux contrats précaires. Je rappelle par ailleurs que cette annexe a été supprimée à la demande des syndicats eux-mêmes.
Je tiens aussi à souligner que la situation des salariés intermittents s'améliore nettement à la faveur la reprise progressive de l'activité touristique et culturelle, laquelle résulte de la levée des restrictions sanitaires. Rien que dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants, 40 000 emplois ont été pourvus entre janvier et avril, ce qui correspond à 80 % des offres qui ont été émises. Beaucoup d'emplois restent donc à pourvoir ; les difficultés de recrutement sont importantes.
Si les perspectives des semaines à venir s'éclaircissent, il ne s'agit toutefois pas de nier les difficultés qu'ont rencontrées les salariés précaires depuis mars 2020 et l'incertitude qui pèse encore sur les mois à venir. Les crises ont la vertu de révéler les faiblesses des systèmes qu'elles frappent. La pandémie de covid-19 nous a montré, s'il était encore nécessaire de le faire, les limites de la permittence. Ce mode d'emploi ne protège pas suffisamment les travailleurs, lesquels sont majoritairement des femmes et des jeunes, et les maintient dans la précarité en temps de crise.
Les solutions que vous proposez aujourd'hui ne répondent pas à notre ambition de sortir les salariés intermittents de la précarité, même si nous en comprenons l'intention. Nous préférons encourager la formation ou les mécanismes favorisant l'emploi de longue durée, ce qui n'exclut pas le versement d'aides exceptionnelles, notamment en temps de crise comme nous avons pu le faire, afin de compenser les effets d'un choc conjoncturel. C'est la voie qu'ont choisie le Gouvernement et la majorité pour accompagner les travailleurs intermittents dans la crise que nous traversons.
Vous l'aurez compris, pour toutes ces raisons, le groupe Agir ensemble votera contre cette proposition de loi.