Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du lundi 21 juin 2021 à 16h00
Article 1er de la constitution et préservation de l'environnement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Inscrire la protection de l'environnement à l'article 1er de la Constitution enverrait un signal fort pour ouvrir le chemin indispensable à un véritable changement, à un monde d'après que nous commande l'état de la planète. L'examen du texte appelle des observations sur la procédure comme sur le fond.

Sur la procédure, le texte déposé par le Gouvernement reprenait quasiment mot pour mot celui de la Convention citoyenne pour le climat : « La République garantit la préservation de la biodiversité et de l'environnement et lutte contre le dérèglement climatique. » Pour devenir définitive, cette modification de la Constitution doit être adoptée en termes identiques par le Sénat et l'Assemblée, avant d'être soumise à référendum, suivant la procédure prévue à l'article 89 de la Constitution : c'est ce à quoi le Président de la République s'était engagé devant la Convention citoyenne. Cette décision du chef de l'État interroge évidemment sur la sincérité de son engagement en faveur d'un référendum et sur la tentation du Gouvernement de faire porter au Parlement la responsabilité d'un échec. Cet engagement nous interroge donc sur l'instrumentalisation de notre assemblée et de l'outil référendaire à des fins politiciennes.

Tout cela n'aide pas à créer les conditions d'un débat serein. À titre personnel, j'aurais souhaité que cette proposition de révision constitutionnelle soit adoptée dans le cadre d'un Congrès, permettant en outre une troisième lecture – d'autant plus que la proposition en débat résulte déjà d'une consultation citoyenne.

Sachant qu'un référendum se mue communément en plébiscite, le risque d'une issue négative ne peut être balayé d'un revers de main. Et si, me direz-vous, c'est d'abord l'affaire du pouvoir en place, c'est aussi la nôtre, car un non opposé pour des raisons politiques, au sortir d'une crise sanitaire – après celle, très sérieuse, des gilets jaunes –, pourrait être considéré comme un refus de poursuivre l'action en faveur de l'environnement et de la lutte contre le réchauffement climatique.

Sur le fond, beaucoup à droite remettent en cause l'utilité de ce projet de loi constitutionnelle, arguant que la Charte de l'environnement, qui appartient déjà au bloc de constitutionnalité, remplit déjà une fonction similaire et que le principe de protection de l'environnement a été reconnu comme objectif de valeur constitutionnelle.

Je reprends pour ma part la réponse du Conseil d'État, dans son avis du 14 janvier 2021 : « Le caractère prioritaire de la cause environnementale, s'agissant d'un des enjeux les plus fondamentaux auxquels l'humanité est confrontée, justifie qu'elle prenne place à cet article aux côtés des principes fondateurs de la République. » Cette affirmation est d'autant plus précieuse qu'elle s'inscrit dans un avis très critique vis-à-vis de ce projet de loi constitutionnelle.

D'autres agitent le chiffon rouge en faisant valoir qu'en inscrivant ainsi la préoccupation environnementale à l'article 1er de notre Constitution, on lui conférerait une prééminence sur les autres normes constitutionnelles. On serait tenté de dire : « pourquoi pas ? » Toutefois, l'analyse juridique confirme l'absence de prééminence d'un principe constitutionnel sur un autre dans ce texte – il n'y a donc pas lieu de dénoncer une hiérarchisation.

À la suite de la Convention citoyenne sur le climat, nous sommes quelques-uns à avoir proposé d'élever au niveau constitutionnel le principe de non-régression ou d'amélioration constante. Toutefois, il n'a été donné suite ni à cette proposition de la Convention, ni à nos amendements.

Par ailleurs, le champ de la réflexion parlementaire semble presque limité, ici, à un débat sémantique sur quatre verbes : « garantir » contre « préserver », « lutter contre agir ». Aux termes de la version adoptée en deuxième lecture en commission des lois – version qui, s'agissant d'un projet de révision constitutionnelle, n'est pas celle qui nous est soumise en séance –, la France « garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique ». Ainsi, la commission a conservé le verbe « agir », introduit par le Sénat, mais rétabli le terme « garantit ». Nous sommes d'accord sur ce point : le verbe « garantir », que l'on retrouve à plusieurs reprises dans la loi fondamentale, impliquerait davantage la responsabilité de l'État dans le domaine de l'environnement.

Le choix de ce mot correspond en outre à une proposition du groupe Socialistes et apparentés défendue lors de l'examen du projet de révision constitutionnelle en 2018, et à la proposition de la Convention citoyenne pour le climat. Monsieur le garde des sceaux, vous vous étiez engagé en première lecture à défendre ce terme et ce qu'il revêt d'assurance dans l'engagement pour la cause environnementale. Au demeurant, l'obligation de résultat, qui n'est pas inscrite dans la version actuelle du texte, ne devrait être considérée comme un problème, mais comme un objectif politique que les citoyens et les générations futures nous demandent.

Oui, « notre maison brûle » toujours. Ne restons pas les bras croisés à la regarder se consumer. Qu'en est-il de la préservation de la biodiversité ? En moins de cinquante ans, son érosion s'est accélérée de manière dramatique ; 60 % des espèces sauvages ont disparu ; la concentration de CO2 dans l'atmosphère s'est accrue de 44 % au cours des cent cinquante dernières années. Nos actions sont jusqu'à ce jour insuffisantes pour contenir le réchauffement au-dessous de 2 degrés Celsius, alors que celui-ci constitue un multiplicateur de menaces et un accélérateur d'instabilité.

En conclusion, quelle que soit l'issue de ce texte, il ne peut cacher l'immense tâche qui nous attend, nous, législateurs, au quotidien, lors de l'examen des textes. Nous devons mener des réformes de fond qui empêchent la régression de notre droit. Nous n'en prenons pas toujours le chemin : je pense par exemple à la réforme de la procédure de référé, qui devait permettre au juge et aux citoyens d'agir pour prévenir des dégâts irréversibles. Cette réforme, nous l'avions défendue dans le cadre du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, mais le Gouvernement n'a pas voulu laisser la majorité franchir ce pas.

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