Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du lundi 21 juin 2021 à 16h00
Article 1er de la constitution et préservation de l'environnement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Présidente, ministre, collègues, en matière d'écologie, plus vous en dites, moins vous en faites ! Il est même troublant qu'un texte puisse si bien convenir à l'expression « se payer de mots ». Abrégeons cette farce, et disons ce qui est. Ce projet de loi ne sert à rien, puisque des dispositions plus ambitieuses sont contenues dans la Charte de l'environnement dont la valeur est constitutionnelle. Ce projet de loi est mal écrit, donc juridiquement dangereux, si bien qu'il pourrait autoriser les pollueurs à se soustraire aux obligations prévues par la Charte de l'environnement. Il est de toute façon insuffisant car il ne contient pas le principe de non-régression – mais il est vrai qu'après le retour des néonicotinoïdes il serait dommage de se renier ! Enfin, le référendum annoncé en grande pompe par le Président de la République n'aura pas lieu.

Voilà pour ce texte qui n'est qu'une simple perte de temps pour quiconque ne souhaite pas participer à votre opération de communication. Passons à l'essentiel. À l'heure où nous parlons, l'ONU alerte : « La sécheresse est sur le point de devenir la prochaine pandémie et il n'existe aucun vaccin pour la guérir. » La sécheresse affecte directement plus de 1,5 milliard d'êtres humains dans le monde. Puisque vous n'êtes attachés qu'aux chiffres, sachez qu'elle a entraîné 124 milliards de dollars de pertes économiques ces vingt dernières années.

À l'heure où nous parlons, et alors que le pic de chaleur atteignait la semaine dernière 40 degrés dans certaines villes françaises, un météorologue affirme que nos étés nous paraîtront froids par rapport à ceux qui nous attendent en 2040. À l'heure où nous parlons, notre univers marin absorbe plus de CO2 et de chaleur, les températures s'élèvent à la surface des eaux, et les taux de salinité des océans grimpent. À l'heure où nous parlons, un immense iceberg flotte au large de l'Antarctique et la banquise d'été disparaît progressivement dans l'Arctique. À l'heure où nous parlons, la France ne respecte toujours pas ses engagements internationaux et l'État français a été condamné pour inaction climatique.

Plus vous en dites, moins vous en faites, et plus le dérèglement climatique s'accélère ! La ministre de l'écologie l'a avoué elle-même : « Ce serait un énorme pas symbolique qu'on puisse inscrire la protection de l'environnement dans l'article 1er de notre texte fondateur. » Mme Pompili a raison. Il s'agit là d'un symbole. Ce qui est commode avec les symboles, c'est qu'ils ne vous coûtent rien. Ce qui est pratique, c'est qu'ils ne demandent pas de débloquer des moyens humains et financiers. Les symboles ne remettent pas en cause notre mode de production et de consommation. Les symboles n'enclenchent pas la bifurcation écologique et solidaire dont nous avons besoin. Mais, surtout, les symboles ne vous obligent pas à prendre vos responsabilités !

En Guadeloupe, où je viens de me rendre en ma qualité de présidente d'une commission d'enquête, la situation est scandaleuse. Là-bas, collègues, des enfants ratent un mois à un mois et demi d'école par an parce qu'il n'y a plus d'eau dans l'établissement. En Guadeloupe, des familles n'ont pas d'eau depuis trois ans, et parfois même depuis plus longtemps encore. Les habitants sont épuisés d'avoir à porter des bidons constamment, fatigués de se doucher chez des amis, fatigués d'avoir à se lever la nuit pour espérer recueillir un filet d'eau, et fatigués de faire la lessive à la laverie automatique.

En Guadeloupe, l'écrasante majorité de la population est empoisonnée par le chlordécone, dont les effets cocktail sont fort peu étudiés et dont on retrouve des traces dans l'eau.

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