Intervention de Michèle Crouzet

Séance en hémicycle du jeudi 24 juin 2021 à 9h00
Rémunération des agriculteurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Crouzet :

Quel modèle économique, agricole et agroalimentaire souhaitons-nous pour notre pays ? C'est la question à laquelle nous sommes amenés à répondre en débattant de cette proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs. Il s'agit d'une question primordiale car nos agriculteurs souffrent d'un déclassement absolument insupportable : là où de nombreux Français ont pu bénéficier de l'ascenseur social et améliorer leur qualité et leur niveau de vie, nos agriculteurs, eux, voient leurs revenus stagner, voire chuter, au point de ne pas pouvoir vivre dignement de leur métier, lequel est souvent une passion et exige une expertise et un savoir-faire uniques qui se transmettent de génération en génération. Cette situation, que nous connaissons tous dans nos circonscriptions, dans nos familles, ne peut plus durer. Si notre ambition première doit être d'assurer notre souveraineté alimentaire, nous devons mieux travailler avec le monde agricole et avec les agriculteurs eux-mêmes pour combler la fracture et les inégalités, car ce sont eux qui, in fine, nous permettent de subvenir à nos besoins.

Oui, la loi EGALIM comporte des avancées : elle a notamment permis d'assurer une meilleure répartition de la valeur sur la chaîne agroalimentaire ou de favoriser une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous. Mais nous devons aujourd'hui aller beaucoup plus loin, car la situation des agriculteurs ne s'est pas forcément améliorée depuis. Au contraire, elle a même été fortement fragilisée par la crise sanitaire et économique que nous traversons, du fait d'une absence prolongée de débouchés dans la restauration et d'une hausse du coût des matières premières. Cette crise nous a surtout rappelé le caractère fondamental de la souveraineté alimentaire et le rôle crucial joué par l'ensemble des maillons de la chaîne alimentaire, à commencer par les agriculteurs.

Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés salue donc cette proposition de loi qui vise à réformer profondément les modalités d'échange et de contractualisation entre tous les maillons de la chaîne agricole. Il s'agit d'un enjeu de souveraineté car, si nous voulons un système agroalimentaire plus résilient, capable de surmonter la prochaine crise économique, sanitaire ou environnementale, nous devons définitivement mettre fin aux déséquilibres qui persistent entre agriculteurs, transformateurs et distributeurs.

J'en profite pour remercier le rapporteur et l'ensemble des collègues qui se sont exprimés en ce sens tout au long de l'examen du texte en commission des affaires économiques, ainsi que M. le ministre pour son écoute.

Ce texte est donc central : il instillera plus de confiance et de transparence dans un système jusqu'à présent relativement opaque. La contractualisation écrite pluriannuelle entre un producteur et son premier acheteur bénéficiera aux agriculteurs. Elle leur procurera une visibilité à moyen terme, qui leur permettra d'engager plus facilement des investissements pour transformer et moderniser durablement leurs exploitations.

Notre groupe défend même une position plus ambitieuse, avec l'expérimentation d'une clause dite de « tunnel de prix », qui pourrait être utile pour certaines filières, comme celle de la viande bovine. Il va plus loin pour mettre fin à l'opacité grâce à une traçabilité du prix des matières premières agricoles d'un bout à l'autre de la chaîne de négociations. Là encore, nous vous proposons de faire plusieurs pas supplémentaires en faveur d'une transparence accrue : en interdisant la discrimination du tarif des fournisseurs de produits alimentaires sans contreparties réelles ; en augmentant la transparence du prix payé par le fournisseur aux distributeurs ; en empêchant les acheteurs de pénaliser de façon disproportionnée les retards de livraison.

Cette proposition de loi est aussi audacieuse car elle fait du consommateur un acteur à part entière de la juste rémunération des producteurs. Citons l'indication de la provenance des produits agricoles et alimentaires ou le « rémunérerascore » qui affichera le lien entre le prix réel payé aux producteurs et l'indicateur des coûts de production. Afin de ne plus tromper ces « consommacteurs », le groupe Dem vous proposera également de mieux définir les termes « responsable » ou « éthique » qui se multiplient dans les rayons, sans aucun cahier des charges.

En traçant toutes ces pistes d'amélioration, l'objectif de notre groupe est de proposer des solutions concrètes pour mieux rémunérer nos agriculteurs et pour mieux accompagner les consommateurs français dans leur quête de lisibilité, de qualité et de proximité. Notre collègue Jimmy Pahun propose de compléter le texte en évoquant les produits de la pêche et l'aquaculture, qui ne doivent pas être oubliés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.