Intervention de Lamia El Aaraje

Séance en hémicycle du lundi 28 juin 2021 à 16h00
Respect des principes de la république — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLamia El Aaraje :

Qu'il est noble, louable et éminemment important de vouloir conforter les principes de la République ! Cette ambition doit être saluée. La jeune élue que je suis s'en trouve fière, comme nous pouvons tous l'être dans cet hémicycle. Sauf peut-être aux extrémités du spectre politique, elle devrait nous fédérer, car la promesse républicaine et ses principes fondateurs apaisent, réunissent et unissent.

Il ne s'agit donc ni de stigmatiser une partie de nos concitoyens en les assimilant aux adversaires de la République, ni de menacer, de restreindre ou d'opposer entre elles les libertés fondamentales. Je le répète, la République représente une promesse de cohésion, d'émancipation, de justice et de solidarité ; une promesse d'unité pour nos enfants, qui sont aussi les siens, et qui, grâce à elle, par elle, peuvent espérer. La promesse républicaine réside dans le fait que notre société doit permettre à chacun d'entre eux de trouver sa place, quelles qu'aient été les conditions de son départ dans la vie. Cette société, ce sont les principes républicains – liberté, égalité, fraternité – qui la cimentent ; par ce qu'elle est, ce qu'elle promeut, ce qu'elle incarne, c'est la République qui nous permet de « faire société » ensemble. Elle considère chaque individu comme un pilier de ce qui nous est commun, au lieu de le réduire à son plus petit dénominateur.

Je peine à retrouver cette vision de la République au sein du projet de loi, pour des raisons aussi variées qu'essentielles, puisque touchant à ces principes républicains et aux libertés qu'ils garantissent. Nous nous apprêtons à examiner un texte qui punit, qui contraint, qui stigmatise. Vous avez pu le remarquer : un tiers de ses articles visent à instaurer des procédures de contrôle et plus d'un quart, à définir des peines d'emprisonnement. Il est donc bien loin d'affirmer la cohésion et la force qui devraient caractériser la République au lieu de la fermeture et de l'autoritarisme. Pensez-vous que nous renforcerons l'adhésion en réprimant ? Pensez-vous que la laïcité consiste à prendre pour cible la religion, plutôt que l'intégrisme et le fanatisme ? Ce texte confond tout ; or la laïcité est clarté. Elle est à la fois liberté et contrainte, possibilité d'avoir sa propre croyance, refus catégorique d'un quelconque ascendant exercé par une religion sur l'État. L'intégrisme et le fanatisme constituent pour leur part l'avers et le revers d'une même pièce : le radicalisme religieux, lequel s'efforce de détruire notre lien, ce qui nous permet de faire société, autrement dit la République.

Encore une fois, chers collègues, je vous interroge : pensez-vous que des sanctions suffisent à notre lutte contre les prêcheurs de haine ? La République élève, grandit chacun en vue de remplir sa promesse. Elle doit se montrer ferme face à ces individus : aucune complaisance n'est de mise, bien au contraire. En revanche, il lui faut convaincre tous ceux qui pourraient se détourner d'eux. Le combat laïque va de pair avec le combat social ; le fanatisme prospère où la République échoue, et cet échec est collectif. L'adhésion aux principes républicains s'obtient en traitant les causes du dévoiement, pas seulement en punissant ses conséquences. Comment pouvez-vous envisager de réaffirmer les principes de la République sans mentionner la mixité sociale ou sans afficher votre volonté de lutter contre les discriminations – sexisme, racisme, antisémitisme, homophobie ? Comment pouvez-vous ne pas évoquer dans ce texte le renforcement des services publics, la politique de la ville, les territoires délaissés par votre faute, les enjeux liés au logement, à l'éducation et à la santé dont le maillage est si inégal dans notre pays ? En ce sens, l'ambition du projet de loi se réduit en quelque sorte à elle-même. Nous devons promouvoir la plus haute vision de la République, lutter contre le rejet de celle-ci et au sein de celle-ci. Tel est le combat que le groupe Socialistes et apparentés mène sans trêve.

Le second argument par lequel je justifierai cette motion de rejet préalable est d'ordre juridique. Nous avons en effet décidé de déposer un recours auprès du Conseil constitutionnel. Bien que celui-ci tienne en échec les réformes que vous ambitionnez, vous continuez d'attaquer les principes dont il assure la protection : ordinairement, j'apprécie la persévérance, mais la vôtre m'effraie, tant elle s'oppose à nos valeurs fondamentales. Aussi, je me permets de vous rappeler la mise en garde exprimée par le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi, dont les dispositions « concernent pratiquement tous les droits et libertés publiques constitutionnellement et conventionnellement garantis, et les plus éminents d'entre eux ».

Après la liberté de la presse, auriez-vous résolu de vous en prendre à la liberté d'association ? Le texte constitue à cet égard une véritable menace. Dans sa décision du 20 mai 2011, le Conseil constitutionnel rappelle la nécessité que toute atteinte à l'exercice d'une liberté fondamentale soit nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif poursuivi. Or cette future loi fragilisera le régime de protection de l'une des libertés les plus essentielles à notre démocratie, ce qui accroît mes craintes concernant les motifs qui l'inspirent. Les associations de ce pays méritent mieux que la suspicion qui pèsera désormais sur elles ! Leur nature même les fera soupçonner d'être l'instrument des séparatistes ; elles devront par conséquent déclarer leur adhésion aux principes de la République, sous peine de perdre leurs subventions. Comme si nous n'étions pas tous soumis à ces principes !

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