Intervention de Isabelle Florennes

Séance en hémicycle du lundi 28 juin 2021 à 16h00
Respect des principes de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Florennes :

S'il est vrai, comme le disait Victor Hugo, que « la République affirme le droit et impose le devoir », c'est à condition que nous lui en donnions les moyens. La République est ce qui nous unit : elle est la garante des principes de justice, d'égalité et de laïcité qui guident notre État de droit et nourrissent notre démocratie. Mais lorsqu'elle est démobilisée, d'autres prennent sa place et piétinent ces idéaux qui nous sont si chers. Aussi, face au séparatisme et au communautarisme qui défient notre capacité à vivre ensemble et sur lesquels prospère la menace terroriste, devient-il urgent de la défendre. Tel est bien l'objet du texte que nous examinons en deuxième lecture. Bien entendu, il ne suffira pas à lui seul à rétablir la prééminence des valeurs républicaines : il devra s'inscrire dans le cadre d'une politique cohérente, systématique et globale sachant répondre à ces défis. Il marque toutefois clairement un pas dans la bonne direction : celle d'une concorde nationale restaurée.

Certains nous accusent de stigmatiser une partie de la population, alors que, dans le même temps, ils se fourvoient dans le soutien à des mouvements religieux extrémistes dont le comportement communautaire est par essence exclusif et excluant.

Notre laïcité représente tout l'inverse puisque, en préservant la sensibilité et la liberté de conscience de chacun, en ne réduisant pas l'individu à un groupe ni à une croyance, elle est la meilleure défense contre la discrimination et le rejet d'autrui. D'autres, ceux-là mêmes qui n'ont fait qu'aggraver la situation par l'inaction dont ils ont fait preuve lorsqu'ils étaient au pouvoir, se plaisent à dire aujourd'hui que nous n'allons pas assez loin. Nous leur répondons, avec optimisme mais sans naïveté, qu'il n'y a pas de maux auxquels une politique alliant la nuance, le sens des réalités et la fermeté ne sache remédier. À titre d'exemple, je rappelle que la proposition de loi de notre collègue Philippe Vigier visant à créer un fonds Promesse républicaine sera prochainement étudiée, et c'est l'une des réponses aux maux que j'évoquais car nous, nous ne connaissons pas d'autre voie que celle qui permet à chaque citoyen le plein et juste usage de ses droits.

Cette volonté d'équilibre a conduit notre commission spéciale à remanier le texte adopté par le Sénat car son esprit ne correspondait plus alors à celui que nous avions nous-mêmes voté. Nous sommes revenus à un texte raisonnable, maintenant certaines modifications introduites par les sénateurs tout en évinçant les excès motivés par des considérations d'agenda médiatique.

Ainsi, la commission spéciale a maintenu certaines dispositions utiles, comme les prestations de serment imposées aux forces de l'ordre ou l'affirmation de l'interdiction faite aux associations cultuelles de troubler l'ordre public par leur objet ou par leurs activités : ce pas en avant démontre notre volonté de travailler de bonne foi et de façon constructive. À l'inverse, nous avons soutenu la suppression de dispositions comme l'interdiction pour les mineurs de porter des signes religieux ostensibles dans les lieux publics, l'obligation de neutralité religieuse imposée aux candidats aux élections et même aux accompagnateurs scolaires, ou encore l'interdiction des réunions en non-mixité dans les associations : non pas que de tels sujets ne méritent pas un débat, mais nous estimons que la façon dont ils ont été abordés révèle un esprit de confusion auquel le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés se garde bien d'adhérer. Il convient de cantonner de telles dispositions aux seuls cas où l'exercice d'un service public est en cause. Si ces dispositions ne sont pas mauvaises dans leur principe, elles doivent être étudiées avec plus de discernement. Enfin, certains mécanismes supprimés au Sénat et pourtant nécessaires, comme la garantie de la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements privés sous contrat, ont été rétablis. Nous avons également tenu à restaurer le régime d'autorisation préalable pour l'instruction en famille tel que nous l'avions adopté en première lecture, restant à cet égard fermement attachés aux mots de Jaurès, qui refusait « de voir les enfants d'un même peuple divisés en deux systèmes d'enseignement comme entre deux camps ennemis ».

Vous l'aurez compris : cette version du texte satisfait le groupe Dem, et je tiens à saluer à cet égard les ministres concernés, en particulier M. Blanquer, pour avoir entendu les parlementaires. Toutefois, il nous paraît nécessaire de parachever le texte en complétant certains points afin d'en assurer un meilleur équilibre.

Ainsi, l'amendement du Sénat portant sur les réunions en non mixtes, maladroit dans sa formulation, mérite néanmoins l'attention de notre assemblée. Nous allons donc proposer que le Gouvernement remette annuellement au Parlement un rapport relatif aux atteintes à la laïcité ainsi qu'à leur gestion au sein des établissements d'enseignement supérieur sur la base des informations directement fournies par les chefs des établissements concernés, et tous les dix-huit mois une synthèse de l'ensemble des rapports qu'il reçoit de la part des administrations publiques sur les manquements à la laïcité en leur sein ou dans les organismes privés chargés d'une mission de service public. Il est en effet important de disposer sur ces sujets d'une information sérieuse, précise et complète, à destination non seulement du Parlement mais aussi de la société tout entière.

Nous proposerons par ailleurs d'étendre à tous les centres culturels et socioculturels où seraient dispensés des enseignements la possibilité pour le préfet d'empêcher leur ouverture s'ils représentent un risque d'ingérence étrangère. Il n'y a en effet pas de raison de cantonner cette prérogative aux seules écoles : il faut l'étendre à tout établissement d'enseignement privé. Certains cas, comme celui de la commune d'Albertville, doivent nous alerter sur l'importance d'empêcher tout contournement du dispositif. Pour rappel : quelques mois après l'interpellation de quatre écoliers en CM2 pour apologie du terrorisme et menace de mort sur leur professeur, en plein hommage à Samuel Paty, un projet d'école financé par une association affiliée à la Turquie a pourtant été autorisé par la justice, contre l'avis du maire de cette commune. Enfin, il paraît utile à notre groupe de soulever le problème de la neutralité politique et religieuse des assesseurs dans les bureaux de vote. En effet, les présidents de bureaux de vote étant aujourd'hui soumis à une telle exigence, il paraît logique que l'ensemble des membres des bureaux le soient également : c'est une question de principe autant que de cohérence.

Toutes ces propositions s'inscrivent dans la droite ligne de notre position initiale qui vise à redonner toute sa place et toute sa vitalité au pacte républicain construit, par essence, sur l'équilibre des positions de l'ensemble des parties prenantes. Il doit être notre boussole tout au long de nos débats.

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