…surtout quand on sait d'entrée de jeu que les trois religions du Livre ne sont pas très ouvertes sur le sujet, qu'elles condamnent en l'occurrence plutôt qu'elles n'encouragent. De quel droit irions-nous dire : « Ne faites pas ceci, ne faites pas cela, n'en parlez pas dans le culte. » Il est arrivé qu'en France, à juste titre, on poursuive et l'on sanctionne des sectes comme l'Église de Scientologie. Mais ce n'était pas à cause de ce qu'elles enseignent, notamment sur leur conception de la transcendance, c'était à cause de leurs pratiques, c'est-à-dire l'abus de faiblesse auquel elles se livrent de manière régulière – il y a eu des procès – et leurs activités financières. Voilà ce qui est condamné, ce n'est pas ce qu'elles disent sur le plan religieux. Nous sommes en opposition sur ce point avec les États-Unis d'Amérique, qui nous font régulièrement le procès de condamner des religions, alors que nous n'avons jamais condamné en France depuis la fin de l'Ancien Régime quelque religion que ce soit : nous avons condamné des pratiques contrevenant à la loi. La limite de la liberté religieuse, c'est l'ordre public tel que décrit par la loi, et rien d'autre !
Nous n'avons pas à dire aux cultes ce qu'ils doivent faire, mais nous avons le droit et même le devoir d'écouter leurs recommandations parce que la parole est libre ! Il ne s'agit donc pas non plus d'interdire aux penseurs religieux d'éclairer le débat public lorsqu'ils le jugent nécessaire, quitte à ce que nous fassions des recommandations exactement inverses. Tant que tout cela se fait dans le cadre formel de la liberté du débat, il n'y a rien à y redire. Là où cela ne va plus, c'est quand des religieux en viennent à dire pour qui il faut voter ou pour qui il ne faut pas voter, et quel programme leur paraît le plus proche de leur propre interprétation de la loi divine. C'est la raison pour laquelle la démocratie chrétienne n'a jamais eu un très grand succès en France, pays où les chrétiens eux-mêmes y voyaient à redire du point de vue de la laïcité.
À plus forte raison, permettez-moi de mentionner combien j'ai été surpris des recommandations de la coalition communautaire réunissant le Consistoire central israélite de France, le prétendu Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) et le Fonds social juif unifié (FSJU). Avant le premier tour des élections régionales et départementales, ils ont appelé à ne voter ni pour le Rassemblement national ni pour la France insoumise, en nous faisant des leçons de République.