Intervention de Albane Gaillot

Séance en hémicycle du lundi 28 juin 2021 à 16h00
Respect des principes de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlbane Gaillot :

Nous voilà réunis pour la seconde fois, afin d'examiner ce projet de loi. Si certaines avancées ont été inscrites dans le texte en matière de droits des femmes, notamment en commission, comme l'impossibilité de bénéficier d'un avantage fiscal pour une personne morale condamnée pour délit d'entrave à l'IVG, je m'inquiète de ses objectifs réels.

Le chapitre III du texte vise à rappeler l'interdiction de la polygamie, des mutilations sexuelles, des mariages forcés ou encore des certificats de virginité, autant de sujets très importants, mais aussi très ciblés, qui figurent déjà dans notre arsenal législatif et juridique. Si, comme vous l'affirmez, vous vouliez garantir dans le marbre de la loi les droits des femmes, pourquoi rien n'y figure sur l'obligation de prévoir des cours d'éducation sexuelle ou sur le consentement, rien sur la lutte contre les féminicides ou sur le cyberharcèlement sexiste, rien sur toutes ces inégalités qui perdurent au sein des entreprises et des foyers ? Non, vous avez préféré cibler des pratiques minoritaires, afin de servir un agenda politique bien éloigné de celui du droit des femmes. Quel est le point commun entre polygamie, certificats de virginité et mariages forcés ? Ces trois pratiques visent exclusivement une certaine communauté. Or elles sont déjà interdites par la loi française et les associations de terrain vous ont rappelé que les mentionner de nouveau dans le projet de loi était contre-productif. Enfin, elles sont très minoritaires en France et les statistiques les concernant sont dangereusement surestimées.

Ainsi, s'agissant de la polygamie, différentes dispositions de notre droit permettent d'ores et déjà de l'invoquer pour refuser ou retirer certains titres de séjour. Les estimations utilisées par le projet de loi ont été construites à partir du nombre de titres de séjour délivrés à des personnes originaires de pays concernés par cette pratique. Or il est dangereux de considérer que toute personne issue d'un pays qui l'autorise y adhère. Maintes études tendent d'ailleurs à démontrer le contraire.

De même, le mode de calcul du nombre de mariages forcés en France est également surestimé. Le chiffre de 70 000 mariages forcés par an est calculé à partir du nombre total de jeunes femmes qui se seraient trouvées protégées après le relèvement de l'âge nubile des filles pour l'aligner sur celui des garçons. Ce raisonnement n'est évidemment pas tenable.

En ce qui concerne les certificats de virginité, rappelons que leur délivrance est déjà interdite en France, ce que le Conseil national de l'ordre des médecins a également souligné. L'absence de statistiques sur la réalité de leur délivrance est éloquente. Cependant, l'octroi d'un tel document, qui n'a aucune valeur, peut permettre à des jeunes filles et à des jeunes femmes de prévenir les violences familiales, comme les associations vous l'ont rappelé.

La nouvelle dénonciation de ces pratiques minoritaires dans le projet de loi ne sert qu'un seul but : cautionner le discours sécuritaire en plein essor en France. Ce faisant, vous ignorez soigneusement les autres types de violences, non moins graves, perpétrées à l'encontre des femmes et vous désignez comme ennemie de l'égalité entre les hommes et les femmes toute personne qui s'offusquerait du racisme latent de votre politique.

En vérité, les mesures contenues par le projet de loi, que vous présentez quasiment comme des mesures féministes, stigmatisent toute une communauté en évitant le cœur du sujet : l'absence de moyens financiers et humains permettant la mise en œuvre efficace de dispositions déjà prévues par la loi et une lutte efficace contre les violences faites aux femmes.

Alors, bien sûr, je ne voterai pas en faveur du projet de loi. Je ne pourrai d'ailleurs même pas soutenir mes amendements sur ce texte en raison du temps législatif programmé. Je continuerai cependant de défendre de réelles avancées pour l'égalité entre les femmes et les hommes en écoutant les personnes concernées et les associations de terrain qui les accompagnent. Je vérifierai également, lorsque nous examinerons le prochain et dernier projet de loi de finances de la législature, que des moyens à la hauteur des enjeux seront, enfin, octroyés à la prétendue grande cause du quinquennat que constituerait la lutte contre les violences faites aux femmes.

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