« Ce à quoi nous devons nous attaquer, c'est le séparatisme islamiste. C'est un projet conscient, théorisé, politico-religieux, qui se concrétise par des écarts répétés avec les valeurs de la République, qui se traduit souvent par la constitution d'une contre-société et dont les manifestations sont la déscolarisation des enfants, le développement de pratiques sportives, culturelles communautarisées qui sont le prétexte à l'enseignement de principes qui ne sont pas conformes aux lois de la République. » Ces mots du Président de la République tirés de son discours des Mureaux résument assez bien l'idéologie et les méthodes du séparatisme islamiste, dont les conséquences sont dramatiques. Lors de l'examen en première lecture du projet de loi confortant le respect des principes de la République, nous avions tous en mémoire le nom de Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie au collège de Conflans-Sainte-Honorine, décapité pour avoir voulu enseigner à ses élèves la liberté d'expression. Depuis, Stéphanie Monfermé a perdu la vie à Rambouillet sous les coups de couteau d'un terroriste islamiste, simplement parce qu'elle travaillait dans la police.
Chers collègues, l'examen du projet de loi au Sénat a abouti à une version très différente de celle précédemment adoptée par l'Assemblée nationale, mais la commission spéciale s'est livrée à une véritable entreprise de démolition en supprimant, article après article, les dispositions ajoutées par le Sénat. Il y a toutefois un point sur lequel la commission spéciale s'est alignée sur le Sénat. Il aura suffi d'une erreur du Sénat, qui a supprimé un amendement important adopté par les députés avec l'appui des groupes majoritaires, pour qu'elle s'engouffre dans la brèche, sous le regard de Mme la ministre déléguée chargée des sports – que l'on n'avait pas vue lors de l'examen en première lecture du projet de loi…
Cet amendement avait été déposé par le rapporteur Éric Poulliat et par moi-même et portait sur l'article 25 du projet de loi. Il témoignait du consensus qui existe sur le sujet particulièrement sensible du séparatisme dans le sport, lequel fait l'objet d'un diagnostic sans appel et d'une solution partagée, en dépit des clivages entre la majorité et les oppositions. Cet amendement prévoyait de redonner aux préfets la compétence d'attribuer l'agrément aux associations sportives, afin de mieux lutter contre le séparatisme dans les clubs sportifs, conformément à la préconisation que nous avons formulée dans notre rapport commun, Éric Poulliat et moi-même, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur les services publics face à la radicalisation. Je regrette que l'angélisme de Mme la ministre déléguée l'ait emporté sur le pragmatisme de nos propositions et sur le travail parlementaire. Force est pourtant de constater que la radicalisation dans le sport est l'un des premiers facteurs de la radicalisation en France.
Déjà, en 2015, une note du service central du renseignement territorial (SCRT) expliquait que les clubs de sport, pourtant lieux d'intégration et de laïcité, n'étaient pas épargnés par « cette dérive, autrefois circonscrite à quelques clubs et qui est aujourd'hui en constante progression ». Dans son rapport de 2018, intitulé « État des lieux de la pénétration de l'islam fondamentaliste en France », la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) estime que la radicalisation dans le sport est un phénomène préoccupant, qui prend de plus en plus d'ampleur au fil du temps, au point de devenir le premier facteur de radicalisation en France. Ce rapport documente un phénomène que l'on a vu se développer au cours des dernières années, celui de clubs de sport faisant ouvertement état de leur orientation ethnique ou religieuse dans le but d'augmenter leur recrutement et d'établir une base associative homogène, du point de vue du sexe et de la religion. Pourtant, le rapport explique que « le sport est resté longtemps en dehors des radars des services de renseignement de l'État, qui n'avait, semble-t-il, pas pris ce phénomène à sa juste mesure ».
Comment, dès lors, accepter de confier aux fédérations la responsabilité d'attribuer les agréments aux associations, laissées libres de s'y affilier ? Il est urgent de rendre à l'État la capacité d'attribuer ou non ces agréments. Avant 2015, le préfet et ses services pouvaient contrôler les demandeurs de l'agrément et cribler les encadrants. Aujourd'hui, il suffit d'être affilié à une fédération pour obtenir l'agrément, au risque de se le faire retirer a posteriori. Dans ces conditions, ne pas rendre aux préfectures la compétence d'attribuer les agréments aux associations sportives serait faire preuve de déni autant que de laxisme.
Le seul argument de Mme la ministre déléguée chargée des sports pour ne rien modifier à la situation actuelle est que les préfectures n'ont pas les personnels nécessaires pour effectuer les contrôles des associations. Mais alors qui devra porter cette lourde responsabilité dans les fédérations ? Les agents du renseignement territorial, qui détiennent toutes les informations nécessaires à ces contrôles, sont-ils dans les fédérations ou dans les préfectures ? Rappelons, par ailleurs, les réticences du monde sportif à faire remonter les informations : les clubs comme les fédérations privilégient le nombre d'adhérents et de clubs affiliés et les résultats lors des compétitions sportives. J'en veux pour preuve la position des associations et des fédérations sportives réunies dans des comités régionaux : lorsqu'on leur a demandé de participer à la lutte contre le séparatisme, les réponses ont été unanimement négatives au motif « qu'elles ne sont pas auxiliaires de police ».
Le rapport de la DGSI de 2018 indique que 829 individus radicalisés sont infiltrés dans les clubs sportifs et que 27 % d'entre eux soutiennent ouvertement le djihadisme et font l'apologie du terrorisme. Les liens entre la radicalisation et le sport sont anciens et reconnus : Abdelkader Merah s'est radicalisé avec son frère cadet, Mohammed Merah, au City Stade des Izards de Toulouse ; Amedy Coulibaly était, quant à lui, champion francilien de boxe thaï et coach dans une salle de fitness de Grigny.