Intervention de Fiona Lazaar

Séance en hémicycle du lundi 28 juin 2021 à 16h00
Respect des principes de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFiona Lazaar :

Soyons clairs : rien n'excuse le fondamentalisme, la terreur et l'islamisme radical. Rien n'excusera jamais le meurtre infâme d'un journaliste, d'un professeur, d'un policier ou d'un citoyen quel qu'il soit. Rien n'excusera jamais le harcèlement en meute au nom du détournement fallacieux d'une religion ou d'une idéologie. Lutter contre ces dérives et contre ceux qui les entretiennent doit nous mobiliser à chaque instant et il est important que la loi donne les outils et le cadre nécessaires à cette action. Tel est l'objectif du projet de loi, dont plusieurs dispositions méritent d'être saluées. Je pense, en particulier, à la lutte contre l'excision et les mariages forcés, à la protection renforcée des agents publics et des élus, et à la lutte contre les écoles clandestines.

Si des inquiétudes ont été exprimées au sujet du projet gouvernemental, pour certaines à juste titre, notre assemblée a tenu la corde, pendant les travaux de la commission spéciale, en revenant sur les dispositions, parfois révoltantes, introduites par la droite sénatoriale. Alors que la défense des principes républicains est une cause qui doit rassembler nos concitoyens, une fois de plus, une certaine droite a confondu le combat contre le séparatisme avec le combat contre certains croyants.

J'ai déjà eu l'occasion de le souligner : je regrette que le texte fasse l'impasse sur l'indispensable volet social qui doit accompagner la lutte contre l'extrémisme. Si la République est affaiblie, chacun sait que c'est aussi parce qu'une partie importante de la population, concentrée dans certains territoires, peine à entrevoir la réalité de la promesse républicaine. « La République doit être laïque et sociale mais restera laïque parce qu'elle aura su être sociale. » D'une phrase, Jean Jaurès pointait en 1904 ce qui reste encore, plus d'un siècle plus tard, un redoutable enjeu pour la République. Dans son discours des Mureaux, le chef de l'État ne s'y est pas trompé en déclarant : « Nous avons nous-mêmes construit notre propre séparatisme. C'est celui de nos quartiers, c'est la ghettoïsation que notre république, avec initialement les meilleures intentions du monde, a laissé faire ».

Je crois important de rappeler tout de même que si ce séparatisme existe, il reste celui d'une minorité. Il doit être combattu d'autant plus vigoureusement qu'il pénalise la majorité silencieuse des habitants de ces quartiers qui, dans un mélange inédit de parcours, d'origines, de milieux et de nationalités, vivent ensemble dans le respect de nos lois et de nos valeurs. Le Président de la République soulignait encore aux Mureaux qu'« interdire ne suffit pas » et qu'il « faut agir à la racine ». Ce sont là des convictions que je partage.

Comment peut-on lutter efficacement contre le séparatisme sans s'attaquer à l'enjeu de la mixité sociale, sans se battre contre les discriminations et le racisme, sans garantir un égal accès aux services publics et aux droits dans chaque territoire, sans faire, enfin, de l'égalité des chances une réalité ? Voici des questions auxquelles nous sommes tenus d'apporter des réponses et dont le Parlement doit se saisir. Elles sont au cœur de la proposition de loi que j'ai déposée en fin de semaine dernière, visant à sceller le pacte républicain en renforçant l'égalité des chances.

Face à ceux qui alimentent les divisions et le repli sur soi, notre meilleure arme est de faire vivre notre promesse républicaine : liberté, égalité, fraternité, pour toutes, pour tous, partout. C'est cet équilibre fragile qui nous permet de faire France et dont nous devons prendre soin.

Pour terminer, je voudrais invoquer les mots de l'abbé Pierre qui, s'il était un religieux, était aussi un parlementaire et un fervent républicain : « L'intégrisme est un refuge pour la misère parce qu'il offre un sursaut d'espérance à ceux qui n'ont rien. Que leur mal disparaisse, et l'intégrisme perdra ses troupes. »

Si nous devons éviter d'être naïfs s'agissant des enjeux régaliens, qui sont réels, ces mots nous rappellent, à l'instar de ceux de Jaurès, combien la lutte contre l'intégrisme et le combat pour la justice sociale et l'égalité des chances sont liés. Nous, dans cette assemblée, ne devons jamais l'oublier, particulièrement en cette période troublée, en cette période de crise.

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