Le projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme est soumis à la représentation nationale pour une nouvelle lecture. Ce qui pouvait être reproché à ce texte en première lecture subsiste toujours. La volonté de créer un arsenal législatif de nature à sanctionner les comportements d'une minorité entraîne, pour le plus grand nombre, une restriction de liberté excessive. Ce texte tombe dans le travers de la sanction collective pour mettre fin aux dérives de quelques fanatiques. L'historique de ce texte, depuis le début de son élaboration, est une synthèse de nombreux renoncements, parmi lesquels figure en bonne place l'identification de l'ennemi : l'islamisme. Les quelques mesures qui, par leur nature, permettent de cibler les auteurs d'infractions ne s'attaquent en réalité qu'à la surface du problème sans en aborder le fond. Quelques bonnes mesures s'inscrivent malheureusement dans un ensemble bien insuffisant pour lutter efficacement, concrètement et sur le fond contre les dérives que nous connaissons. Il s'agit d'un texte non d'action mais de réaction face à l'insécurité et aux différentes formes de séparatisme. Ses effets comme Ses mesures seront donc superficiels.
Le séparatisme a une origine non seulement politique mais également judiciaire. Conséquence d'une immigration massive, il est alimenté par un laxisme judiciaire rendu inévitable par la surcharge carcérale que connaît notre pays. C'est pourquoi, en lieu et place des quelques mesurettes contenues dans le texte, il convient en premier lieu d'arrêter de rapatrier les djihadistes, d'expulser les délinquants étrangers incarcérés en France et de les déchoir de leur nationalité lorsqu'ils sont binationaux. Ces mesures, loin des effets d'annonce que contient le projet de loi, sont concrètes et plébiscitées par nos concitoyens, contrairement aux dispositifs faisant l'objet de nos débats aujourd'hui.
Au premier chef des mesures qui inquiètent nos compatriotes, la mise en place d'un régime d'interdiction de l'instruction en famille est perçue comme une mesure injustifiée et disproportionnée. Sa réhabilitation, après sa suppression par le Sénat, suscite chez nos concitoyens l'incompréhension. Le renvoi au décret d'application pour la mise en œuvre de l'article 21, qui la concerne, laisse entrevoir la légalisation d'un régime des plus restrictifs. Pourtant, l'instruction en famille a fait ses preuves depuis de nombreuses années. La restreindre de la sorte, en raison des abus d'une minorité, serait une erreur politique allant à contresens de l'histoire, et une profonde injustice pour les personnes qui pratiquent cette instruction dans le respect des règles, en en retirant par ailleurs de nombreux effets positifs pour leurs enfants. Ce système permet des innovations pédagogiques et une adaptation à la situation personnelle de chaque élève. Il répond à l'exigence de respect de la liberté d'instruction, considéré comme un droit fondamental. La richesse de notre système éducatif, gage du pluralisme, caractéristique des sociétés démocratiques, exige que perdure la diversité éducative, matérialisée par la cohabitation de l'école publique, des écoles privées sous contrat ou hors contrat et de l'instruction en famille.
La navette parlementaire a vu s'introduire dans le texte une disposition visant à sanctionner d'une amende l'entrave à l'exercice de la fonction d'enseignant. Une telle mesure ne règle qu'une partie du problème et de manière bien superficielle. Le drame de Samuel Paty ne vous aura donc pas servi de leçon. Le problème ne se situe pas au niveau des pressions touchant les professeurs et visant à la censure, mais bien à l'échelle de la sécurité publique. Si les enseignants craignent pour leur liberté d'expression, ils ont plus à craindre encore pour leur vie, à tel point qu'une étude menée par l'IFOP pour la Fondation Jean-Jaurès révèle que 49 % des professeurs du secondaire se sont déjà autocensurés. Le climat est à ce point délétère qu'il n'est même plus nécessaire d'entraver d'une manière concertée ou à l'aide de menaces l'exercice de la fonction d'enseignant, puisque les intéressés prennent déjà soin de s'autocensurer. C'est une réalité inacceptable dans un pays comme la France où doivent rayonner sans entrave la science et la connaissance.
Le texte emploie par ailleurs une formulation particulièrement vague et hasardeuse. Que signifie « entraver d'une manière concertée » ? Si plusieurs parents trouvent à redire de façon justifiée sur les méthodes pédagogiques d'un enseignant, s'agit-il d'une entrave concertée pouvant entraîner 15 000 euros d'amende et un an d'emprisonnement ? La rédaction issue du Sénat avait au moins le mérite de la rigueur et de la précision, mais tout ce qui a été fait par la Chambre haute devait, pour des raisons politiques et partisanes, être défait par la Chambre basse de notre Parlement.