Je voudrais rappeler certains apports des auditions au sujet des espaces de service public – François Baroin, notamment, s'était exprimé sur cette question –, puis rebondir sur les propos du collègue Éric Ciotti, avec lequel je suis en désaccord.
Premièrement, qu'est-ce qu'un espace de service public ? La rapporteure n'est pas revenue sur cette question, mais l'absence de définition légale ouvre la porte à des dérives, notamment à l'interdiction de porter tout signe religieux. Par exemple, un homme portant une kippa pourra-t-il aller chercher son courrier à la poste ? Manifestement, non.
Monsieur Ciotti, vous avez précisé dans votre amendement que les ministres du culte ne seraient, eux, pas concernés par la mesure que vous souhaitez instaurer : voilà qui est curieux ! Je ne comprends pas bien pour quelle raison il y aurait une différence : le port d'un signe religieux par un citoyen constituerait une pression pour les autres usagers, sauf s'il s'agit d'un ministre du culte portant pourtant une tenue religieuse reconnaissable ? On ne sait pas trop sur quel fondement vous faites cette distinction.
Je vous pose la question, chers collègues : êtes-vous en train de nous dire qu'un homme qui porte une kippa ne pourra plus aller à la poste, fréquenter un service public, monter dans un bus ? Êtes-vous en train de nous dire que vous voulez interdire le port de la kippa dans l'espace de service public ? Si c'est bien le cas, alors dites-le clairement ! Pensez-vous, par exemple, qu'il faille interdire aux femmes respectant le culte Loubavitch – certaines se rasent le crâne et portent une perruque, et sont donc clairement reconnaissables – de se mouvoir dans un espace de service public ? C'est pourtant la conséquence de ce que vous nous proposez.
J'aimerais vraiment que vous répondiez à ces questions, parce que je crains qu'en vérité, vos amendements ne visent qu'un seul culte. En effet, je ne vous ai jamais entendu considérer qu'un prêtre en soutane ou une personne qui porterait un t-shirt représentant un poisson – signe qui le rapprocherait des citoyens de confession catholique – étaient visés par vos propositions.
Vous voyez bien que d'un point de vue républicain, cela ne saurait être toléré. Nous devons avoir la même attitude à l'égard de l'ensemble des religions, confessions et convictions spirituelles : ce sont bien le service public et ses fonctionnaires qui doivent être laïques. Nous nous accorderons tous pour dire que les fonctionnaires du service public ne doivent pas manifester d'appartenance religieuse. En revanche, l'usager, le citoyen, doit pouvoir circuler comme il l'entend, dans la mesure, bien sûr, où il ne manifeste pas une volonté de prosélytisme agressif. Je ne vois pas pourquoi nous lui interdirions l'accès à des espaces non-définis comme les espaces de service public, voire aux services publics eux-mêmes : il s'agirait d'une rupture d'égalité des citoyens face à la loi, et ce serait tout à fait intolérable.