Intervention de Gaël Le Bohec

Séance en hémicycle du mercredi 30 juin 2021 à 21h30
Respect des principes de la république — Article 21

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGaël Le Bohec :

L'article 21 du présent projet de loi concerne l'instruction en famille et le cadre dans lequel celle-ci doit s'exercer. Dans un premier temps, il me semble utile de rappeler le contexte dans lequel une famille peut être amenée à instruire elle-même son enfant. L'IEF peut répondre à un projet familial permettant aux enfants de développer leurs talents culturels ou sportifs à un haut niveau ; elle peut traduire la volonté de favoriser un rythme d'instruction plus en harmonie avec les besoins de l'enfant ; enfin, elle relève parfois d'une décision ayant pour but de remédier à un problème de phobie scolaire ou de handicap. D'une certaine manière, l'IEF permet d'apporter une réponse individualisée à la diversité des parcours et des situations des élèves.

Au cours de l'examen du projet de loi, des évolutions sensibles ont été apportées, ce dont je me félicite. Chaque élève, qu'il soit instruit régulièrement à l'école ou qu'il le soit en famille, aura un identifiant national élève (INE). Il s'agit d'une avancée particulièrement importante car l'INE sécurise le parcours académique des élèves tout au long de la scolarisation, en particulier pour les études supérieures. En plus d'être un numéro d'identité rattaché à l'élève, l'INE représente un continuum d'éducation et un instrument assurant un meilleur suivi et facilitant les passerelles entre les établissements d'éducation ou les différents modes d'instruction.

De même, le rattachement obligatoire de l'élève à une circonscription d'enseignement ou à un établissement scolaire public constitue une belle avancée. Ce rattachement permettra d'assurer un dialogue constant entre l'école, l'enfant et les familles, pour faciliter, le cas échéant, le retour de l'élève sur les bancs de l'école.

Afin de renforcer ce lien prévu par le projet de loi, j'ai déposé un amendement visant à ce qu'un référent soit désigné au sein des équipes pédagogiques pour faire vivre au quotidien dialogue et coopération entre tous les acteurs de la communauté éducative. Sur ce point, une marge de manœuvre devra être accordée aux établissements dans le choix du référent de l'enfant instruit en famille. Il pourra s'agir du chef d'établissement, du professeur principal, de tout autre professeur ou du conseiller principal d'éducation.

Par ailleurs, une autre avancée réside dans l'allongement du délai d'adaptation par rapport à celui prévu initialement, afin que les familles et l'administration se conforment aux nouvelles règles relatives à l'IEF.

Il persiste cependant certaines limites, qui sont autant de motifs de déception. En premier lieu, le passage d'un régime de déclaration de l'IEF à un régime plus strict d'autorisation pose question. Il importe certes de préserver les enfants des dérives qui pourraient survenir dans le cadre d'une instruction dispensée en dehors de l'école, mais le Gouvernement a renforcé, avec la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, les contrôles de l'instruction en famille ; alors que nous ne disposons pas encore d'évaluation sur l'efficacité de ces contrôles et sur ses difficultés éventuelles, il semble prématuré de changer à nouveau de méthode.

Je m'interroge d'ailleurs sur l'absence de réponse à un courrier dans lequel, il y a maintenant plus de quatre mois, le président de la commission spéciale et moi-même demandions des données chiffrées sur le phénomène de l'IEF, sur le nombre d'établissements clandestins et d'enfants qu'ils accueillent, et sur le nombre d'enfants en voie de radicalisation. Avec ces données, nous pourrions asseoir l'ensemble des argumentations, celles du Gouvernement comme celles des parlementaires, pour nourrir le débat. Avant de durcir le ton à l'encontre des familles, il aurait été opportun d'éclairer la représentation nationale sur ces points chiffrés.

En second lieu, notre majorité ayant été élue sur la promesse d'une simplification administrative, il est paradoxal de complexifier les démarches imposées aux familles. Plusieurs projets de loi ont eu pour ambition de renforcer la confiance entre nos concitoyens et les pouvoirs publics : je pense ici aux lois du 15 septembre 2017, pour la confiance dans la vie politique, et du 10 août 2018, pour un État au service d'une société de confiance – dite loi ESSOC –, ainsi qu'à la loi pour une école de la confiance. Il importe que notre majorité parlementaire veille à ce que les textes de loi qui sortent de notre assemblée se fondent sur la confiance plutôt que sur un mode dérogatoire qui limite les libertés.

Il faut souligner que la confiance n'empêche nullement le contrôle, qui reste essentiel. On le voit en particulier pour les méthodes d'instruction, dont les modalités de contrôle sont indépendantes de l'ouverture des droits. De fait, les contrôles s'exercent à tout moment, ils peuvent être répétés et conduire à des sanctions qui vont jusqu'à la dissolution de structures qui auraient contrevenu aux règles.

Les amendements à l'article 21 que j'ai déposés sont animés par l'esprit de confiance. La philosophie de mes amendements est simple : renforcer et apporter les améliorations nécessaires au régime de déclaration de l'IEF, défini par le code de l'éducation, en ajoutant une obligation quant au caractère préalable de cette déclaration.

Il faut avoir à l'esprit que ce mode déclaratif n'est pas une exception dans notre droit : ce régime prévaut pour les déclarations d'impôt, les demandes d'aide sociale ou la création d'une association ; il est également en vigueur pour l'ouverture d'un établissement d'enseignement privé hors contrat. Il était assez insolite que le régime d'autorisation que nous voulons instaurer ne concerne que l'IEF et pas les écoles privées hors contrat, celles-ci accueillant plus de 150 000 enfants, soit plus du double du nombre d'enfants instruits en famille, estimé à 60 0000. Les dérives sectaires ou fondamentalistes touchent aussi ces établissements et nul ne saurait affirmer que les familles représentent un risque de radicalisation ou de dérive plus grand que celui susceptible d'exister dans les établissements d'enseignement privé hors contrat.

Face à l'incompréhension des familles, qui se sont parfois senties blessées par certains propos, et face à l'absence de données objectives qui pourraient justifier de façon incontestable un régime strict d'autorisation, il semble préférable de se diriger vers la solution intermédiaire de déclaration préalable que je propose. J'aurai naturellement l'occasion de vous exposer ce dispositif lors de l'examen de mes amendements à l'article 21, qui ont été cosignés par une quarantaine de collègues du groupe La République en marche.

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