Sur l'article 21, la proposition de mon groupe se limitera à un amendement, qui est d'importance, mais je souhaitais d'abord m'exprimer sur l'article dans son ensemble, car je ne veux pas biaiser vis-à-vis des familles investies dans l'instruction en famille, qui suivent les débats avec beaucoup d'attention. Je les ai, moi aussi, découvertes à l'occasion de ce projet de loi, et nous devons les respecter.
Quelle est, selon moi, la première vexation à leur égard – car il s'agit d'une vexation ? C'est de les faire figurer dans ce texte, qui a pour titre « respect des principes de la République » et dont l'un des objectifs, dites-vous – lequel est d'ailleurs l'objet d'une controverse avec mon groupe –, est de s'en prendre à la montée de l'islamisme radical. L'ultra-majorité des familles sont stupéfaites de se retrouver au cœur de cette discussion, et je dois dire qu'elles ont pour elles l'argument que vous ne nous avez fourni aucun élément chiffré pour juger de la réalité de l'IEF.
L'évolution, bien réelle, que nous constatons aujourd'hui est-elle due au fait que de plus en plus de familles font le choix de l'IEF pour des raisons de radicalité religieuse ? J'ai le sentiment, pour avoir rencontré beaucoup de familles, que leurs raisons n'ont rien à voir avec cela, et que ceux qui font le choix regrettable du fondamentalisme religieux empruntent d'autres chemins. En retournant les chiffres, vous nous dites que, dans les quelques établissements qui ont été fermés en Seine-Saint-Denis – et heureusement, d'ailleurs –, certains avaient choisi l'instruction en famille. Mais il ne s'agissait que de quatre ou cinq personnes ; ce n'est pas un élément suffisant pour expliquer pourquoi 63 000 enfants sont actuellement instruits en famille.
Alors, comment faire ? Premièrement, nous aurions dû sortir la discussion de ce texte. Deuxièmement, j'ai découvert à cette occasion que, selon vos propres chiffres, monsieur le ministre, un tiers des familles ne fait l'objet d'aucun contrôle annuel. C'est quand même beaucoup ! Nous pourrions tout de même nous assurer qu'il y ait un contrôle par an, que les personnes chargées de ce contrôle rédigent un rapport en prenant en compte l'intérêt de l'enfant – reçoit-il une instruction de qualité ? – et, pourquoi pas, qu'elles communiquent un questionnaire aux familles, afin de savoir pourquoi elles ont fait le choix de l'IEF. Il serait intéressant de rediscuter de la question dans un an ou deux, à l'issue de ce travail.
Nous nous apercevrons sans doute de quelque chose de terrible. Je le dis aux parents qui m'écoutent : je suis favorable à l'école publique ; je pense qu'il est a priori mieux, intellectuellement parlant, d'y mettre son enfant. Alors, pourquoi les parents n'y envoient-ils pas les leurs ? Si certains défendent un projet pédagogique stimulant, c'est, avant tout, à cause de la perte de confiance dans l'école publique. Et je dois avouer que, quand on écoute les arguments des parents, ceux-ci ont une sacrée pertinence.
Un jour, monsieur le ministre, vous m'avez répondu, avec élégance, que c'était la faute de mes amis : en gros, il y aurait trop de profs contestataires, et cela ne donnerait pas envie aux familles de fréquenter l'école ! Les arguments que j'ai entendus de la bouche des parents tiennent plutôt à l'absence de remplacement des enseignants et à la dégradation des locaux. Mais nous pouvons en discuter. Je vous propose que, dans une année ou deux, on interroge les parents : on verra alors si c'est la faute de la France insoumise et d'Alexis Corbière, ou si c'est plutôt celle des ministres de l'éducation nationale qui se sont succédé et de la dégradation de l'école publique. Je pense que les parents aimeraient que cette discussion ait lieu.
Alors, comment faire ? Commençons par le contrôle : puisqu'un contrôle obligatoire est censé avoir lieu chaque année mais qu'au moins un tiers des familles n'y ont pas droit, nous avons proposé, benoîtement, deux contrôles par an – vous trouvez ça bizarre mais, si nous en prévoyons deux, on peut espérer qu'il y en aura au moins un. Nous vous avons même aidés, au cas où vous nous répondriez, à juste raison, qu'il faut des moyens pour cela : Il existe tout un réseau de gens très investis dans la défense de l'école publique, souvent d'anciens enseignants : ce sont les délégués départementaux de l'éducation nationale, les DDEN. Utilisons-les pour cela ! Ce sont des militants de l'école publique, et ils nous seraient bien utiles. Voilà le sens de notre amendement.
Je le répète aux familles qui nous regardent : je suis un militant de l'école publique, mais j'ai découvert que la raison qui amène les parents à ne plus vouloir mettre leurs enfants à l'école publique, ce n'est pas l'obscurantisme, ce n'est pas la radicalité religieuse ; c'est un projet pédagogique.