Il n'y a pas de liberté sans définition de cette liberté. Prenez le droit de propriété auquel vous êtes sans doute attachés : personne ne pense que le fait qu'une autorisation préalable soit nécessaire pour construire sur un terrain dont on est propriétaire constitue une atteinte au droit de propriété.
Personne n'est propriétaire d'un enfant ; personne ne fait ce qu'il veut avec un enfant, je pense que chacun en sera d'accord. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas des droits de la famille vis-à-vis de l'enfant, des droits et des devoirs, nous en sommes tous d'accord ; mais, dans bien des domaines, nous acceptons que la République, l'État, l'intérêt général se manifestent vis-à-vis de l'enfant lorsqu'il y a une carence éducative, et heureusement. Est-ce que nous sommes aveugles par rapport à certaines carences qui existent ? Doit-on sacraliser les droits des parents sur l'enfant, au point d'être aveugle quand il n'y a pas d'attention correcte à l'enfant ? Non, bien sûr que non !
C'est donc une position d'équilibre qui est défendu par cet article 21, position qui résulte d'une très grande écoute : cet article a évolué – la rapporteure a rappelé sur quels points, je n'y reviendrai pas – pour donner des garanties. Tout cela, bien entendu, se passe sous le contrôle du juge : tout cela est donc totalement protecteur des libertés.
Alors oui, il y a un phénomène de société : l'augmentation du nombre d'instructions en famille depuis un certain nombre d'années, au point qu'elles dépassent aujourd'hui le cap des des 60 000. C'est un phénomène que l'on observe aussi ailleurs qu'en France, et qui peut être dû à certaines tendances de nos sociétés contemporaines, mais ce que nous voulons avant tout c'est construire du commun, nous voulons que les enfants puissent bénéficier de l'école. Il y a des cas où l'instruction en famille est justifiée, parce que la famille le souhaite, parce qu'elle est capable de le faire de façon qualitative ou parce que tel ou tel problème rencontré par l'enfant peut le justifier : l'IEF est alors appuyée par un projet pédagogique.
Il est normal que tout cela soit cadré. Certains d'entre vous nous ont reproché de ne pas faire assez de contrôles mais, en réalité, le problème est que, depuis de nombreuses années, le phénomène s'est développé sans que l'institution s'y adapte. Or, sur ce point comme sur d'autres, c'est cette majorité qui accepte de regarder le problème en face et de changer les choses. Comme l'a rappelé tout à l'heure Mme Colboc, j'ai pris l'engagement, que je tiendrai évidemment et qui commence d'ailleurs à s'accomplir, d'étoffer les équipes pour permettre des contrôles réels.
Nous avons atteint une position d'équilibre, rassurante et solide constitutionnellement, comme l'a rappelé la rapporteure. Nous verrons bien, et ce sera intéressant, comment se précise le cadre de la liberté d'enseignement, à laquelle, en effet, nous sommes tous attachés. Cette position prépare aussi l'avenir, car il ne s'agit pas seulement, avec cette démarche, de lutter contre le séparatisme – ne faisons pas semblant de ne pas voir qu'une partie de l'instruction en famille sert à l'islamisme fondamentaliste et, du reste, à toutes sortes d'autres dérives sectaires –, mais aussi de rappeler que l'école est importante pour tous les enfants de France : c'est, et je l'assume pleinement, le corollaire d'une affirmation de l'importance de l'école.
J'entends dire sur certains bancs : « J'aime l'école publique, mais… », et sur d'autres : « Je veux lutter contre l'islamisme radical, mais… ». Pour ma part, pas de « mais » : ce sont les droits de l'enfant et la République, sans « mais ».