Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du mardi 18 juillet 2017 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice :

Je suis très heureuse et honorée de vous présenter deux textes emblématiques, qui ont été voulus par le Président de la République. Conformément aux engagements pris par mon prédécesseur, M. François Bayrou, deux projets de loi ont été préparés, l'un organique, l'autre ordinaire, visant à rétablir la confiance dans l'action publique. Déjà examinés par le Sénat, ils vous sont soumis dans la version adoptée par cette assemblée.

La réforme qui vous est proposée repose sur un constat. Les dernières consultations électorales ont montré que nos concitoyens étaient inquiets et exprimaient une large défiance vis-à-vis d'une certaine manière de conduire l'action politique. Cette défiance, qu'elle soit justifiée ou non, existe. Plusieurs sondages parus dans de grands journaux en portent témoignage. Un besoin profond de renouvellement s'est manifesté et la composition actuelle de l'Assemblée nationale le traduit. Nos concitoyens ont exprimé la volonté de concevoir l'action politique autrement, sans doute avec plus de rigueur, de transparence et de responsabilité.

Mon propos ne vise pas à disqualifier l'action des parlementaires : pour avoir été moi-même une responsable politique locale, je sais l'investissement, l'éthique et l'engagement des élus. La confiance qu'on leur doit me semble primordiale. Mais il faut aussi prendre acte du regard que la société pose sur nos élus et savoir trouver les réponses adéquates.

Cette exigence n'est pas nouvelle. Chacun le sait : la transparence, la probité des élus et l'exemplarité de leur comportement constituent une nécessité sociale, politique et éthique qui est apparue dès 1789 dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : aux termes de son article 15, « la Société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

La société contemporaine est sans doute plus exigeante encore que celle d'hier. C'est pourquoi, même si beaucoup a été fait ces dernières années, il faut aller plus loin. Plusieurs lois ont été votées sur les sujets qui nous occupent aujourd'hui et il faut rendre hommage à ceux qui ont été à l'origine de ces textes : les lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique, la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, la loi du 20 avril 2016, qui a renforcé les obligations déontologiques des fonctionnaires et, plus récemment encore, la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Au-delà de ces textes, le Parlement a également pris de son côté des initiatives. Dès 2011, votre Assemblée s'est dotée d'un code de déontologie et d'un déontologue, puis toute une série de mesures ont été adoptées dans ce domaine. Il faut le souligner.

Il n'en demeure pas moins que la confiance de nos concitoyens en leurs représentants a pu être mise à mal par des comportements non conformes, même s'ils étaient epsilonesques, à ce que l'on doit attendre des élus ou relevant de pratiques qui étaient acceptées hier mais ne le sont plus aujourd'hui.

De nombreux progrès doivent donc être mis en oeuvre pour restaurer la confiance entre les citoyens et leurs représentants. C'est cet engagement qui a été pris devant les Français.

Je sais parfaitement que la confiance ne se décrète pas : elle se gagne et ce sera essentiellement par la réussite des réformes engagées et par la crédibilité des acteurs qui les conduisent. L'une des conditions de l'acceptation des réformes et du soutien que les Français pourront leur apporter est bien qu'ils soient convaincus que leurs représentants agissent selon toute la rigueur et la probité nécessaires, dans le seul intérêt public, ces aspects étant intimement liés.

Comme l'a montré notre vie politique depuis des années, et non pas seulement depuis quelques mois, nous avons collectivement besoin d'un « pacte de confiance » fondé sur une exigence éthique. La réforme que le Gouvernement présente est fondée sur cette exigence éthique. C'est un acte de confiance que le Gouvernement souhaite proposer, avec votre concours, en ouverture de ce mandat.

Il ne s'agit en aucun cas, comme on l'écrit encore trop souvent, d'un texte de « moralisation » de la vie publique : c'est un terme que je n'emploie jamais. L'idée n'est pas de punir et de trouver des coupables, mais simplement de clarifier et de fixer des règles de comportement qui soient parfaitement pertinentes d'un point de vue éthique. La détermination de règles plus claires est d'ailleurs l'une des meilleures garanties pour les élus. Il s'agit de donner des repères face à des situations parfois extrêmement complexes. C'est aussi faire en sorte que les élus qui, dans leur écrasante majorité, démontrent au quotidien leur honnêteté, leur engagement et leur rigueur, ne soient plus cloués au pilori par le comportement de quelques-uns.

Le renforcement des garanties de probité et d'intégrité des élus et la prévention des conflits d'intérêts répondent à un objectif que le Conseil constitutionnel a considéré comme étant d'intérêt général en 2013.

La réforme qui vous est soumise répond à quelques principes simples : sanctionner plus sévèrement ceux qui manquent à la probité ; éviter les conflits d'intérêts ; mettre fin à des pratiques qui ne sont plus acceptées par les citoyens ; renforcer les contrôles sur les comptes des partis tout en leur offrant, ainsi qu'aux candidats, un accès plus facile au financement, ce qui est aussi une manière de garantir le pluralisme de la vie politique.

Je me limiterai ici à une présentation des grandes lignes de cette réforme et des éléments que le Sénat a souhaité modifier ou introduire, en faisant état de ce que le Gouvernement en pense.

La réforme porte essentiellement sur trois points : elle a trait tout d'abord à l'exercice du mandat parlementaire ; elle renforce ensuite les règles de probité des acteurs politiques ; elle conduit enfin à une refonte importante des règles de financement de la vie publique.

Sur le premier point, le devoir d'exemplarité auquel sont tenus les membres du Parlement est à la hauteur des missions que la Constitution leur assigne. Au sens de son article 24, elles sont au nombre de trois : voter la loi, contrôler l'action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques.

Il est évidemment essentiel que les parlementaires puissent remplir ces fonctions éminentes en toute indépendance et en s'extrayant du jeu potentiel des lobbies ou des puissances. Les mesures applicables aux membres de l'Assemblée nationale et du Sénat sont naturellement au coeur des deux projets de loi. Ces mesures ont été conçues dans le respect de la séparation des pouvoirs et du principe d'autonomie des assemblées qui en découle, par un renvoi à leur règlement chaque fois que nécessaire.

Par ailleurs, chaque fois que cela se justifiait, les mesures applicables aux parlementaires nationaux ont été étendues aux représentants français au Parlement européen.

J'aborderai successivement quatre points : les inéligibilités et incompatibilités ; les conflits d'intérêts ; l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) ; la réserve parlementaire.

Tout d'abord, de nouveaux cas d'inéligibilité et d'incompatibilité sont créés.

En premier lieu, les parlementaires qui ne justifient pas avoir satisfait à leurs obligations fiscales ne pourront plus rester en fonction. Saisi par le bureau de l'assemblée concernée, le Conseil constitutionnel pourra prononcer la démission d'office du parlementaire.

En second lieu, les incompatibilités relatives à l'activité de conseil – et il n'est pas question d'autre chose – sont renforcées et étendues. À l'heure actuelle, seule existe l'impossibilité pour un parlementaire de commencer, pendant son mandat, une activité de conseil. La contrainte temporelle sera étendue, cette disposition étant apparue très insuffisante en raison des risques de conflit d'intérêts qui sont liés à ces activités.

Le dispositif existant est complété dans plusieurs directions. La principale est qu'un parlementaire ne pourra commencer à exercer des activités de conseil pendant son mandat et qu'il devra cesser celles débutées dans les douze mois précédant le début de son mandat. De plus, la dérogation prévue pour les professions réglementées, comme celle d'avocat, sera supprimée.

Le dispositif proposé par le Gouvernement en matière d'encadrement des activités de conseil assure une conciliation entre les objectifs d'intérêt général qui sont recherchés, comme l'indépendance des élus ou la prévention de risques de conflits d'intérêts, et d'autres droits et libertés constitutionnellement garantis, en particulier la liberté d'entreprendre, reconnue au parlementaire comme à tout citoyen. Les dispositions prévues sont destinées à éviter l'écueil d'une déclaration d'inconstitutionnalité que pourrait prononcer le Conseil constitutionnel. Il avait censuré en 2013 une interdiction considérée comme trop générale.

J'ajoute qu'il ne s'agit nullement d'interdire aux parlementaires d'exercer d'autres activités professionnelles compatibles avec leur mandat. Si nous le faisions, ce qui n'est pas notre intention, nous nous exposerions là aussi à une censure constitutionnelle. S'il y a donc une limitation temporelle et concernant la nature des activités, il n'y a pas d'interdiction générale d'exercer une activité professionnelle.

Ces nouvelles règles sont renforcées par des dispositions relatives à la prévention des conflits d'intérêts.

Le choix, assumé, du Gouvernement est de retenir une définition de la notion de conflit d'intérêts moins englobante que celle figurant dans les précédentes lois de 2013 et de 2016. Le Gouvernement estime en effet qu'il ne faut pas mettre les parlementaires exerçant d'autres responsabilités, notamment électives au niveau local, dans une situation qui les empêcherait de manière récurrente de participer aux travaux du Parlement, parce qu'ils gèreraient deux intérêts publics, l'un local et l'autre national.

Sur cette question, il reviendra à chaque assemblée de préciser les règles internes de prévention et de traitement des situations de conflits d'intérêts. Le rôle du déontologue, que la rapporteure souhaite renforcer, est tout à fait essentiel en la matière.

J'en viens à la question de l'IRFM. Le projet du Gouvernement a prévu sa disparition, dans un souci de transparence concernant les frais engagés par les parlementaires dans l'exercice de leur mandat. L'IRFM sera remplacée par un remboursement de ces frais sur une base réelle et sur présentation de justificatifs.

Dans le cadre d'un dialogue approfondi avec le Gouvernement, le Sénat a adopté un nouveau dispositif qui présente l'intérêt de préserver le principe de la suppression de l'IRFM et du remboursement sur justificatifs des frais de mandat engagés par les parlementaires, ce qui était pour nous un point incontournable, mais en offrant aux assemblées un minimum de souplesse dans leur organisation, avec la possibilité de prendre directement en charge un certain nombre de frais et de consentir des avances qui ont vocation à être ponctuelles et ciblées. Ce dispositif de l'article 7 de la loi ordinaire prévoit aussi l'intervention de l'organe de déontologie parlementaire, ce qui est tout à fait essentiel.

Je sais que votre rapporteure travaille pour améliorer encore la rédaction de ce dispositif. Je suis certaine qu'avec son concours, et le vôtre, nous trouverons un texte à la fois rigoureux et opérationnel.

Enfin, et c'est un sujet très sensible, le projet de loi organique propose de mettre fin à la pratique actuelle de la « réserve parlementaire ». Cette pratique est contestée et elle constitue aujourd'hui, dans la manière dont elle est articulée, une forme de non-dit juridique.

Prenant acte de la suppression de la réserve sous sa forme actuelle, le Sénat a prévu dans la loi organique la création d'une dotation de soutien à l'investissement des communes et de leur groupement, dotation qu'il a étendue aux projets portés par les Français de l'étranger.

Avec le système proposé par le Sénat, nous sommes très loin d'une rupture avec le système existant.

Il faut en la matière être plus clair et le Gouvernement souhaite s'en tenir à sa position initiale, qui consiste à supprimer la réserve parlementaire. Mais nous entendons bien sûr ceux qui s'inquiètent de la perte de moyens que ce choix pourrait entraîner pour certaines petites collectivités et certains projets portés par les Français de l'étranger ou par des associations. Je sais que c'est une préoccupation forte à l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement considère que ces questions relèvent non pas de la loi organique mais du projet de loi de finances, car elles sont de nature budgétaire. Nous travaillons en ce moment même pour déterminer quels seront les dispositifs budgétaires pouvant répondre à l'ensemble des préoccupations. S'agissant des collectivités, comme je l'ai souligné au Sénat, nous sommes en train d'explorer le recours à des outils existants tels que la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), en associant davantage les parlementaires à la répartition des dotations. Au-delà de ces pistes, il faut aussi que nous puissions avancer parallèlement sur la question des associations.

Le second grand chapitre de la réforme a trait aux règles de probité des acteurs politiques.

Tout d'abord, les obligations de transparence à l'égard du Président de la République sont renforcées. Chaque citoyen pourra juger de l'évolution de son patrimoine entre le début et la fin de son mandat, au regard d'un avis publié par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Le Sénat a ajouté une disposition imposant aux candidats une déclaration d'intérêts et d'activités. Le Gouvernement n'y est pas hostile.

Le projet de loi étend par ailleurs, sauf décision spécialement motivée, l'obligation pour les juridictions répressives de prononcer la peine complémentaire d'inéligibilité pour tout crime, ainsi que pour une série d'infractions à la probité, comme la corruption, le détournement de fonds publics et la fraude électorale ou fiscale. Dans le projet de loi initial, il s'agissait essentiellement d'infractions à la probité financière. Le Gouvernement a été extrêmement vigilant sur le respect du principe de nécessité des peines, garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et du principe d'individualisation des peines qui en découle. Ce sont deux points qu'il faut impérativement respecter.

Seront écartées des fonctions électives les personnes qui ont démontré ne plus remplir les conditions de moralité essentielles à l'exercice d'un mandat.

Le Sénat a souhaité compléter la liste des délits conduisant à cette peine complémentaire d'inéligibilité en y ajoutant notamment le délit de harcèlement. Le Gouvernement n'est pas opposé à cette démarche, pour autant que nous puissions conserver une certaine cohérence dans cette liste et qu'il existe une adéquation entre les délits concernés et la peine encourue. Faute d'une telle adéquation, on pourrait s'interroger sur la constitutionnalité des ajouts à la liste des délits. La ligne de partage est assez délicate à tracer : nous y travaillons, comme aussi la rapporteure, pour répondre à beaucoup de préoccupations dont vous vous êtes faits l'écho, tout en sécurisant le dispositif juridique et en conservant sa cohérence.

Comme le précise l'étude d'impact, le choix d'un tel dispositif a été préféré à une solution qui paraît parfois plus évidente ou plus simple, à savoir une interdiction plus générale de se présenter aux élections qui serait faite aux personnes ne disposant pas d'un casier judiciaire vierge, le fameux « B2 », et ce pour des raisons constitutionnelles. Une telle mesure pourrait s'analyser comme une peine automatique, privative d'un droit – et non le moindre –, qui s'appliquerait quand bien même la juridiction n'aurait pas décidé de condamner le coupable à une peine complémentaire d'inéligibilité lorsque celle-ci est encourue. La constitutionnalité de cette disposition apparaît donc très fragile et il nous semble que l'on ne peut pas prendre un tel risque.

Il sera par ailleurs interdit au Président de la République, aux membres du Gouvernement, aux parlementaires et aux titulaires de fonctions exécutives locales d'employer des membres de leur famille proche comme collaborateurs. Cette pratique, sur laquelle je ne porte aucun jugement moral, était acceptée hier mais elle ne l'est plus du tout aujourd'hui. C'est un fait social qu'il faut prendre en considération : tout recul en la matière serait mal perçu par nos concitoyens. Vous avez pu le voir lorsque le Sénat n'a pas souhaité, à un moment donné, adopter cette disposition, avant d'y revenir dès le lendemain.

Cette interdiction est déjà prévue, concernant les collaborateurs du Président de la République et les membres du Gouvernement, par un décret très récent, du 14 juin dernier, le principe de séparation des pouvoirs trouvant à s'appliquer en la matière.

La question du périmètre du cercle familial concerné peut être discutée et le dispositif peut sans doute être ajusté, mais le Gouvernement reste attaché au principe.

Ces deux projets de loi comportent enfin une dernière série de dispositions conduisant à une refonte importante des règles de financement de la vie politique.

Les partis politiques dépendent très largement du financement public. Cependant, les règles qui s'appliquent à eux n'offrent pas toutes les garanties contre les abus ou les dérives. Ces règles sont par ailleurs peu favorables au renouvellement de la vie politique et au pluralisme, lequel est inscrit à l'article 4 de la Constitution.

Il est donc d'abord proposé de renforcer le contrôle des comptes des partis politiques et des campagnes électorales, dans le respect des dispositions de l'article 4 de la Constitution selon lequel « les partis et groupements politiques se forment et exercent leur activité librement ». Il est prévu que le mandataire financier du parti puisse recueillir l'ensemble des ressources reçues par ce dernier et non plus seulement les dons. Les partis politiques devront par ailleurs tenir une comptabilité, selon un règlement établi par l'Autorité des normes comptables.

En second lieu, le financement des partis et des campagnes électorales sera mieux encadré quant aux prêts des personnes physiques, afin d'éviter les dons déguisés.

Mais en contrepartie, l'accès au financement par les candidats et partis politiques sera amélioré grâce à la création d'un médiateur du crédit, dont il me semble que le Sénat a modifié le nom.

Enfin, le Gouvernement souhaite la création d'une structure pérenne de financement, la Banque de la démocratie, afin de pallier les carences du financement bancaire privé. Sur ce dernier point, le Sénat a supprimé l'habilitation à légiférer par ordonnance demandée par le Gouvernement, au motif qu'elle manquait de précision. Le Gouvernement estime au contraire que le projet proposé est clair dans ses objectifs mais qu'il faut déterminer les modalités de création et d'organisation de cette future Banque de la démocratie. Pour cela une mission va être confiée à l'Inspection générale des finances et à l'Inspection générale de l'administration pour étudier les conditions de mise en place de cette structure.

Voilà, en quelque mots, quelles sont les grandes orientation de ces deux textes.

Comme je l'indiquais au début de mon propos, le Sénat a introduit des dispositions, utiles pour certaines, sujettes à caution pour d'autres, dont la présence dans ces projets de loi n'est pas toujours justifiée si l'on souhaite maintenir cohérence et lisibilité à cette réforme.

Le Sénat est d'abord intervenu pour modifier les conditions de licenciement des collaborateurs parlementaires et pour améliorer leur situation professionnelle. Sur ce point précis, le Gouvernement a fait le choix de s'en remettre à la sagesse des assemblées, en reconnaissant l'utilité de progresser en la matière, eu égard à l'importance du rôle des collaborateurs des députés et des sénateurs dans le travail parlementaire.

En revanche, de manière générale, les dispositions introduites par le Sénat et qui sont relatives aux fonctionnaires n'ont pas vocation à se trouver dans ce texte, qui initialement ne traitait nullement de la fonction publique. Ces articles insérés par le Sénat ont un caractère de « cavalier législatif », comme plusieurs autres dispositions d'ailleurs, et pourraient être censurés. J'appelle en outre votre attention sur le fait que le Parlement a voté en 2016 deux textes, l'un sur les obligations déontologiques des fonctionnaires – la loi du 20 avril 2016 – et l'autre sur la transparence et la lutte contre la corruption – la loi Sapin II, du 9 décembre 2016. Il est préférable d'appliquer pleinement les dispositions de ces deux lois très récentes avant de légiférer à nouveau en la matière.

Le Sénat a aussi souhaité introduire des dispositions qui s'appliquent au Gouvernement comme un registre des déports en conseil des ministres, la publicité des subventions relevant de la réserve ministérielle ou l'obligation de remboursement des frais des ministres sur présentation de pièces justificatives. Le Gouvernement est d'autant moins opposé à ce que les subventions tirées de la réserve ministérielle soient rendues publiques qu'elles le sont déjà ! Quant aux autres dispositions relatives aux membres du Gouvernement, elles se heurtent au principe de séparation des pouvoirs, quand elles ne sont pas tout simplement inopérantes ou sans objet, comme ce qui concerne les frais des ministres.

Enfin, le Sénat a souhaité donner un titre excessivement neutre à ces deux textes en faisant simplement référence à la « régulation de la vie publique ». C'est ignorer profondément l'attente des citoyens face à cette réforme. C'est pourquoi le Gouvernement souhaite que l'on puisse en revenir à l'esprit du titre initial de ces deux projets.

L'ensemble des dispositions que le Gouvernement soumet à votre examen entendent servir la démocratie en lui apportant un surcroît de transparence, de justice et d'éthique. Comme vous le savez, ces mesures seront complétées par la réforme constitutionnelle dont le Président de la République a présenté les lignes directrices devant le Congrès, le 3 juillet dernier. Il s'agit donc ici du premier acte, inaugural, essentiel, de cette volonté de rétablir le lien de confiance entre les Français et leurs élus.

Dans les débats qui nous attendent, le Gouvernement sera naturellement très attentif aux propositions de l'Assemblée nationale. Nous devons nous retrouver autour de propositions fortes et réalistes, lisibles et cohérentes, qui répondent au besoin de transparence et de prévention des conflits d'intérêts tout en étant respectueux de l'action parlementaire et de la séparation des pouvoirs. L'exercice n'est pas simple, mais je suis convaincue que nous saurons trouver ensemble la voie pour le mener à bien.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.