Ce texte EGALIM 2 acte l'échec de la loi EGALIM 1, que nous avions annoncé. Cette loi, censée apporter un équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, ne répond pas aux principaux enjeux du secteur agricole. Vous n'apportez aucune garantie réelle pour la rémunération des agriculteurs et vous ne vous attaquez pas à la racine du problème, notamment aux dumpings internationaux à l'intérieur et à l'extérieur de l'Union européenne. La mise en place d'un véritable protectionnisme écologique, mesure nécessaire pour atteindre les objectifs fixés dans l'exposé des motifs, est absente de ce texte.
J'aimerais revenir sur les articles qui concernent la fixation des prix et la rémunération des agriculteurs.
L'article 1er fait des contrats écrits et pluriannuels la norme en matière de contrats de vente de produits agricoles entre un producteur et son premier acheteur. Il s'agit de donner plus de visibilité aux producteurs plutôt que de les soumettre à la versatilité et à la volatilité des achats des distributeurs. Actuellement, il ne s'agit que d'accords tacites, n'ayant peu ou pas de valeur juridique, entraînant des discussions sur les lots ou sur les bêtes et des négociations systématiques sur le prix et sur le volume, souvent au détriment des agriculteurs. Sur le papier, cette proposition offre un bon outil. Mais nous regrettons qu'elle n'empêche pas d'acheter en dessous des prix de production, et donc de vendre à perte pour les agriculteurs.
L'article 1er bis indique que producteurs et acheteurs pourront convenir de bornes de prix minimales et maximales. De notre côté, nous avions proposé des prix planchers, cet article semble donc aller dans notre direction. Toutefois, le texte n'assure en aucun cas que la borne minimale ne puisse être inférieure au prix de vente à perte. Ainsi, ce « tunnel de prix » risque de devenir un « tunnel à gaz » au regard du rapport de force asymétrique entre agriculteurs et acheteurs. Cet article nous paraît donc très insuffisant.
Dans l'article 2, l'objectif d'accroître la transparence du coût d'achat de la matière première agricole par l'industriel semble relever du vœu pieux. Vous faites croire que la grande distribution ne pourra plus avoir d'influence sur les prix agricoles, mais cela lui permettra en réalité de ne plus être tenue pour responsable des faibles prix pour les producteurs.
Tout au long des débats sur EGALIM 1 et 2, nous avons présenté bon nombre de propositions permettant de rémunérer correctement les agriculteurs.
Concernant les prix, nous souhaitons la mise en place, pour certains produits, de prix minimums et d'une taxe à l'importation. Ces taxes seront appliquées, si besoin, afin de ne pas créer de distorsions de concurrence entre les produits français et les produits importés de pays où les niveaux de rémunération du travail seraient inférieurs.
Nous proposons de mettre en place des coefficients multiplicateurs maximums, après concertation avec les organismes interprofessionnels. Le but sera de garantir une juste rémunération des producteurs, d'éviter les ventes à pertes et de limiter les phénomènes de captation de la valeur ajoutée par des intermédiaires et par la grande distribution. Nous pourrions aussi travailler pour la régulation des marchés agricoles, pour certains produits, à travers plusieurs mesures. Il s'agirait notamment de mettre en place une protection à l'égard des importations, de garantir un prix minimum pour des volumes plafonnés par actif agricole ou encore d'instaurer des dispositifs flexibles de maîtrise des productions. Cela concernerait, entre autres, les quotas laitiers et les têtes de bétail pour lesquels nous limiterons les surfaces et les rendements viticoles.
Concernant le travail même d'agriculteur, il est nécessaire de veiller à l'application intégrale des règles nationales de rémunération du travail, y compris des cotisations sociales, à l'ensemble des salariés de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Cela passera, notamment, par la fin du dumping et du travail détaché. Nous souhaitons également la création d'un réseau de coopératives de consommateurs en circuits courts et un plan de développement des coopératives de producteurs. Cela s'accompagnerait d'une reconnaissance du droit des organisations de producteurs à négocier collectivement les contrats avec l'aval, concernant les volumes et le prix de vente.
Notre ambition est de mettre l'accent sur le protectionnisme écologique, clé d'un modèle agricole vertueux et d'une amélioration des conditions de vie et d'existence des agriculteurs français. Si les objectifs affichés de ce texte EGALIM 2 sont louables, nous regrettons qu'il manque d'ambition. De ce fait, le quotidien des agriculteurs ne connaîtra pas de radicale amélioration.