J'interviens au nom du groupe de La France Insoumise.
Nous faisons nôtres les remarques faites par nos collègues sur les circonstances dans lesquelles nous sommes amenés à discuter de ce projet qualifié pourtant d'emblématique par la garde des Sceaux. Un tel sujet et un tel chantier méritaient mieux qu'une session extraordinaire, dans les conditions que l'on sait. Pour répondre à cette exigence démocratique, il aurait fallu un calendrier permettant d'organiser le débat, les discussions, et la publicité de ce projet de loi – parce que nous devrons en rendre compte auprès des citoyens et des citoyennes.
Nous constatons nous aussi que le titre du projet de loi, qui tend à rétablir la confiance dans l'action publique, va plus loin que les dispositions proposées. Or nous connaissons une crise démocratique profonde depuis plusieurs années qui se traduit notamment par un très fort niveau d'abstention – même si nous sommes tous légitimes du fait de notre élection. Il faudrait donc apporter une réponse beaucoup plus large, à tous points de vue – débat sur le projet politique, nature des institutions.
À cet égard, nous continuons à défendre la réforme de l'ensemble des institutions. Ce projet s'inscrit dans la continuité d'autres lois. Or nous pensons qu'il serait temps de remettre en cause les institutions de la Ve République. C'est nécessaire si l'on veut rétablir la confiance, si l'on veut que les citoyens et les citoyennes se sentent partie prenante de la démocratie, responsables des décisions prises, et demandent plus activement des comptes aux élus.
Puisque, pour l'heure, il n'y a pas une majorité de partisans et de partisanes de la VIe République, nous participerons au débat et défendrons nos amendements qui visent à aller plus loin que ces deux textes car nous pensons, comme d'autres collègues, qu'il est nécessaire et urgent de le faire.
La garde des Sceaux a insisté sur la nécessité de ne pas jeter l'opprobre sur les élus, et rappelé l'importance de leur travail. Je salue son propos. Je remarque cependant que le texte ne porte malheureusement pour l'essentiel que sur le travail parlementaire. Or l'action publique – ou politique – n'engage pas que les parlementaires : elle engage l'ensemble des élus, à tous les niveaux, mais aussi les membres de la société civile. Par exemple, on pourrait élargir le débat aux syndicats, et s'interroger sur la représentativité des organisations syndicales patronales en raison du rôle qu'elles jouent dans l'action publique et dans le débat politique.
Il faudrait par ailleurs évoquer la question des conflits d'intérêts, le lien entre l'action politique et le monde du privé, et le rôle de la finance. On a parlé des Panama Papers – je rappelle qu'un parlementaire, Jean-Luc Mélenchon, a été mis en cause par la Société Générale pour avoir dénoncé certains propos tenus par le responsable de cette banque devant le Parlement. Nous aurons l'occasion de lancer un débat politique sur la question de la confiance, et de mettre en avant le rôle de la finance. Différentes affaires nous ont d'ailleurs montré que les citoyens et les citoyennes exigeaient que l'on intervienne de manière systématique en cas de collusion.
Enfin, comment donner confiance aux citoyens et aux citoyennes, si on ne leur donne pas les moyens d'intervenir de manière plus directe ? Il faut qu'ils puissent juger de l'action des élus, en introduisant des outils comme la possibilité d'une révocation à mi-mandat. Car la démocratie ne doit pas être que le fait des élus. Elle doit aussi être le fait des citoyens et des citoyennes qui sont partie prenante de l'action engagée, et qui devraient pouvoir, à un certain moment, exiger de leurs élus qu'ils rendent compte non seulement des dépenses faites, mais aussi des politiques menées. C'est aussi ce manque de moyens d'action qui contribue au désenchantement et au désengagement démocratique.
Voilà l'esprit dans lequel nous avons déposé un certain nombre d'amendements. Nous espérons que le débat sera intéressant et constructif avec l'ensemble des parlementaires ici présents, comme avec vous, madame la ministre, s'agissant d'un sujet très important mais dont nous craignons qu'il ne soit pas traité comme il le devrait.