Intervention de Gisèle Biémouret

Séance en hémicycle du jeudi 7 octobre 2021 à 9h00
Justice et autonomie en faveur des personnes en situation de handicap — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGisèle Biémouret :

Avec la proposition de loi visant à plus de justice et d'autonomie en faveur des personnes en situation de handicap, due à Aurélien Pradié, la question de la déconjugalisation de l'AAH se trouve de nouveau soumise à l'attention de l'Assemblée nationale. Presque quatre mois après l'examen de la proposition de loi de Jeanine Dubié et le recours du Gouvernement au vote bloqué, l'attente des intéressés demeure immense.

Madame la secrétaire d'État, je vous entends encore fustiger la démagogie de l'opposition. Ne vous trompez pas d'adversaire : il ne s'agit nullement de faire de cette question le prétexte d'un combat entre les oppositions et la majorité. Nous nous faisons seulement l'écho d'une revendication explicite des personnes en situation de handicap, mobilisées le 16 septembre à l'appel de vingt-deux grandes organisations et associations. Plusieurs institutions soutiennent également cette réforme : en décembre 2020, la Défenseure des droits s'est montrée très claire à ce sujet, estimant que les conditions d'attribution de l'AAH pénalisaient les personnes en situation de handicap qui souhaitent fonder une famille et allaient ainsi à l'encontre des dispositions de l'article 23 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) partage ce constat ; le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies, qui surveille l'application de la convention par les États parties, préconise cette réforme dans ses observations publiées le 14 septembre.

L'abattement forfaitaire de 5 000 euros sur les revenus du conjoint, pour un gain moyen estimé à 110 euros par mois, que vous prévoyez à partir du mois de janvier ne concernera que 120 000 couples sur les 270 000 bénéficiant de l'AAH : le nombre de perdants dépassera donc largement celui de 44 000 que vous invoquez pour refuser la déconjugalisation. Ce refus persistant constitue une erreur politique du Gouvernement et de la majorité. Au-delà de son coût, cette revendication est en effet devenue un enjeu sociétal et de justice sociale : il s'agit de l'indépendance financière et de l'autonomie des personnes en situation de handicap. Ce n'est pas prétendre au monopole du cœur que de comprendre leur profonde humiliation d'être maintenues dans une dépendance qui attente à leur dignité et peut être gravement préjudiciable dans certains contextes. Ainsi les femmes en situation de handicap sont-elles davantage victimes que les autres de violences exercées par leur partenaire : selon l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, un tiers d'entre elles se trouve dans ce cas.

L'AAH ne peut plus continuer d'être familialisée sous prétexte que sa réforme favoriserait les couples aisés, renforçant les inégalités et remettant en cause notre modèle social. Il serait temps d'interroger les fondements de notre solidarité nationale, la place que nous souhaitons accorder aux personnes en situation de handicap afin qu'elles puissent vivre dignement et de manière indépendante de leur conjoint. Le handicap est individuel : la société se trouve aujourd'hui prête à reconnaître cette allocation comme un revenu individuel d'existence. Là réside la véritable émancipation.

Madame la secrétaire d'État, soyez pragmatique. Montrez-vous la ministre de ces droits réels que vous invoquez : au lieu de renouveler notre déception du 17 juin, écoutez les personnes en situation de handicap, soutenez cette réforme. Vous ne pouvez plus laisser perdurer ce décalage entre votre discours et vos actes, plus tournés vers la réduction des dépenses publiques que vers l'autonomie des personnes en situation de handicap. C'est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de ce texte.

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