Il est en effet nécessaire de restaurer la confiance entre les élus et nos concitoyens. Ceux-ci sont aujourd'hui très éloignés de la chose publique et se méfient de leurs représentants, ce qu'ils ont fermement exprimé en particulier lors des récents scrutins. Cette expression de défiance laissera des traces durables. Du côté des élus, ce sentiment de méfiance est difficile à supporter. Il est extrêmement désagréable d'être vus comme des voleurs de poules, alors que la plupart, voire la totalité, d'entre nous, ne volent rien et essayent d'exercer honnêtement leurs fonctions, de mener honnêtement leur vie. Il ne peut exister de confiance que si les deux parties collaborent pour la rétablir.
Tel qu'il est rédigé, le projet de loi est un catalogue de mesures sans principe fondateur. Je voudrais donc en citer trois.
Tout d'abord, la sphère publique englobe différents acteurs ; le champ du projet de loi est à mes yeux trop restreint. Il est clairement antiparlementaire ; et beaucoup d'articles traitent de l'exercice du mandat de député, mais pas des sénateurs, ni des autres élus, ni d'ailleurs des autres responsables publics, notamment des fonctionnaires. Cela constitue à mon sens un manque grave.
Ainsi, on dit qu'il faut supprimer la réserve parlementaire parce qu'elle ne serait pas transparente ; or son attribution est publiée tous les ans sur le site de l'Assemblée nationale, et certains députés dont je fais partie ont publié la répartition de leur propre réserve par tous les moyens possibles, dans la presse locale par exemple. Et c'est en arguant du fait qu'elle est publiée sur internet que vous défendez la réserve ministérielle ! Cet argument, qui concerne tout aussi bien la réserve présidentielle, puisque l'on sait qu'une partie des fonds précédemment gérés par le ministère de l'intérieur l'est maintenant à l'Élysée, n'est donc pas recevable.
Je voudrais également évoquer la nécessité, pour tout député, de présenter une situation fiscale sans tache. Cela me paraît normal ; mais pourquoi cela ne concernerait-il pas tous les élus qui prennent des décisions en matière fiscale, qui votent des taux, des budgets, des contributions ? Si cette mesure n'est pas clairement antiparlementaire, je ne sais pas lire ce texte.
Le deuxième principe que je voudrais replacer au coeur de l'examen du projet de loi, c'est celui de la territorialisation de l'élu, et en particulier du député. Avec la disparition de la réserve parlementaire et le pis-aller proposé par le Sénat, vous mettez fin au lien entre le député et le territoire, lien qui se faisait par l'attention portée aux associations. La fin de l'IRFM marque, quant à elle, le peu de considération que vous accordez aux différences qui peuvent exister entre un élu d'Île-de-France et celui d'une province éloignée : les dépenses, les besoins, les exigences ne sont évidemment pas les mêmes. C'est faire peu de cas des nuances qui existent entre les territoires.
Le troisième principe, qui me paraît essentiel, et qui est gommé par ce texte, c'est celui de la liberté et de l'indépendance de l'élu dans l'exercice de son mandat. De là devrait pourtant découler toute décision sur les moyens alloués. Ainsi, s'agissant des frais relatifs au mandat, l'existence d'un contrôle est normale ; mais qui jugera de l'opportunité de la dépense ?
Ces trois principes guideront les amendements que je défendrai.