Intervention de Sébastien Huyghe

Réunion du mardi 18 juillet 2017 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Huyghe :

Durant la précédente législature, il m'est rarement arrivé d'être en phase avec M. Manuel Valls. Est-ce l'influence du Président de la République ? Aujourd'hui, je partage un grand nombre des idées qu'il a exprimées devant nous. Sans doute sa pudeur naturelle l'a-t-elle amené à s'exprimer à la forme interrogative ; pour ma part, je serai beaucoup plus radical.

Manifestement, les textes qui nous sont soumis ont été écrits par des gens qui n'ont jamais été parlementaires. Nous assistons au premier acte de destruction de la fonction de parlementaire – je pense, en particulier, aux députés –, et de l'essence de la représentation. Le second acte consistera vraisemblablement en une diminution du nombre de parlementaires. On comptera sans doute trois cents députés élus en circonscription, soit la moitié du nombre actuel.

En clair, le lien entre le parlementaire et son territoire sera détruit. Aujourd'hui, un député est ancré dans sa circonscription, il participe à la vie de cette dernière. Lorsqu'il ne siège pas à l'Assemblée, il est sur le terrain où il rencontre souvent ceux de ses concitoyens qui connaissent les plus grandes difficultés. Il les reçoit dans sa permanence, il assiste à de nombreuses manifestations qui ont lieu sur son territoire : fêtes associatives, kermesses, galas de danse, concerts… Cette fonction s'exerce sept jours sur sept.

Ces multiples activités sont l'occasion de dépenses d'une variété infinie, de la chambre d'hôtel que l'on réserve pour une femme qui dort depuis huit jours dans sa voiture alors qu'aucune aide d'urgence n'est mobilisable, au panier de la ménagère que l'on remplit parce qu'une famille ne peut pas nourrir les enfants pour le dîner. Il existe une foultitude de dépenses pour lesquelles nous ne pouvons pas présenter de justificatifs. Notre collègue Philippe Gosselin a évoqué, à juste titre, les participations aux kermesses ou aux tombolas et les tournées payées au bar des fêtes des associations – autant de dépenses indispensables dans le cadre de la fonction de représentation du parlementaire. Supprimer l'IRFM revient donc à supprimer tous ces moyens d'action au quotidien, d'aide et d'ancrage, qui permettaient aux parlementaires d'être présents sur un territoire.

La suppression de la réserve parlementaire participe de la même logique de disparition de la participation du parlementaire à la vie de son territoire. Cette réserve, qui nourrit de nombreux fantasmes, constitue, dans les faits, le moyen d'aider des petites communes qui ne disposent pas des moyens financiers nécessaires à certains investissements – ce financement initial provoque ensuite en cascade l'obtention d'autres subventions de collectivités locales. La réserve permet de participer à la vie associative et sociale d'un territoire.

Vous avez évoqué la possibilité d'un report vers la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), mais cette dotation est à la main du préfet, donc de l'exécutif. Que faites-vous de la séparation des pouvoirs ? Quant au recours à la réserve du ministère de l'intérieur, il faut avoir quelques notions d'histoire : la réserve parlementaire a précisément été créée pour rééquilibrer l'attribution préférentielle de fonds par le ministère de l'intérieur et l'exécutif à des collectivités proches de la majorité.

Vous proposez des textes de défiance à l'égard des parlementaires. Ces derniers seraient a priori malhonnêtes et, pour remettre les choses en ordre, il faudrait leur retirer l'ensemble de leurs moyens d'action locale !

Ces réformes auront pour conséquence de créer des députés hors-sol dont l'élection sera soumise au seul bon vouloir de leur formation politique et aux vagues électorales successives. Aucun député ne pourra se prévaloir d'une plus-value liée à son action, à sa présence sur le terrain, ou à sa connaissance des problématiques locales et à sa capacité à agir pour les traiter.

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