Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du lundi 11 octobre 2021 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

…et nous avons d'ailleurs voté chacun des PLFR d'urgence, comme l'a rappelé notre collègue Gilles Carrez. Là où vous avez failli, c'est sur l'absence totale de maîtrise des comptes publics durant les trois années de croissance qui ont précédé l'émergence du covid : au moment d'aborder la crise, nos finances étaient déjà nettement plus détériorées que celles de nos voisins ! La faute, finalement, à votre incapacité à réformer le pays et à un manque criant de courage politique. Alors qu'en 2019, vingt-trois des vingt-huit pays de l'Union européenne se sont désendettés, la France faisait partie, quant à elle, des cinq pays qui continuaient d'accroître leur dette.

Venons-en à ce dernier budget, celui de tous les excès, dans une fuite en avant sans limites vers toujours plus de dépenses publiques ! En 2017, le candidat Emmanuel Macron, lors de sa campagne présidentielle, se faisait le chantre de la gestion saine des finances publiques. Son programme était explicite : « Il n'y a pas de politique qui vaille sans responsabilité budgétaire », disait-il. « C'est pour cela que nous devons réduire nos déficits. »

Quatre ans plus tard, on se demande bien où est passé le candidat du sérieux et de la responsabilité budgétaire, car c'est le même Emmanuel Macron qui arrose désormais le pays d'argent public et finance ses cadeaux électoraux avec le chéquier de la France ! Les milliards se déversent avec une facilité déconcertante mais, hélas, aucune de ces dépenses n'est à ce stade financée par autre chose que de la dette. Quelle folie et quelle irresponsabilité vis-à-vis des générations futures à qui vous allez laisser une facture vertigineuse ! Cette profusion de dépenses vise en réalité à masquer l'absence criante de réformes. Messieurs les ministres, vous ne réformez pas, vous dépensez ! Vous n'êtes pas des ministres du budget mais des ministres de la dépense.

Votre plus grand échec sera bien sûr d'avoir renoncé à la réforme des retraites, pourtant indispensable ! Depuis le début du mois de septembre, chaque jour ou presque est l'occasion d'un nouveau cadeau et donc d'une nouvelle dépense. Ces dépenses se justifient souvent mais, mises bout à bout, elles menacent considérablement nos futures marges de manœuvre ! Enfin, contrairement à la promesse du Gouvernement, il s'agit souvent de dépenses pérennes qui engagent les prochains gouvernements de manière quasi irréversible. Le prochain Président de la République sera donc pieds et poings liés, contraint d'honorer des dépenses qu'il n'a pas approuvées et tenu de rembourser une dette dont il aura hérité de son prédécesseur.

Le budget que vous nous présentez est en outre tronqué, incomplet. Il ne tient compte ni du grand plan d'investissement annoncé par le Président de la République, ni du revenu d'engagement pour les jeunes.

Des dépenses de plusieurs milliards d'euros devront donc être ajoutées à la dernière minute par voie d'amendement, ce qui risque de dégrader encore davantage la précision des données budgétaires contenues dans le projet de loi de finances. C'est une nouvelle preuve, par ailleurs, de votre mépris assumé pour le travail parlementaire.

Même le Haut Conseil des finances publiques, qui a pourtant coutume d'être très prudent, dénonce des impasses dans la présentation des comptes et regrette que le niveau des dépenses soit « vraisemblablement sous-estimé ». Fait exceptionnel en cinq ans, il estime ne pas pouvoir prononcer un avis éclairé et appelle à « la plus grande vigilance » quant à la situation de nos finances publiques.

En réalité, vous reproduisez les mêmes errements que lors du dernier budget socialiste de 2017, que vous critiquiez pourtant très durement à l'époque. La crise est devenue un alibi pour augmenter de manière opportuniste des dépenses qui n'ont rien à voir avec elle. En trois ans, les dépenses ordinaires ont augmenté de près de 100 milliards d'euros : 19 milliards en 2020, 48 milliards en 2021 et 32 milliards en 2022.

Aujourd'hui, 90 % de l'endettement annuel de l'État sert à financer des dépenses de fonctionnement. La question de la soutenabilité de notre dette se pose plus que jamais. En la laissant déraper complètement, la France s'expose à une dangereuse remontée des taux d'intérêt directeurs – une épée de Damoclès.

Si, par ailleurs, nous grattons le vernis de la communication gouvernementale, nous constatons très vite que les baisses d'impôts annoncées doivent être relativisées fortement. Certains impôts ont effectivement baissé, mais comment ces baisses sont-elles financées ? À crédit, uniquement à coups de dette ! Or l'argent ne pousse pas dans les arbres. Le retour de bâton sera inévitable : il faudra des impôts supplémentaires pour payer la dette.

Pour le reste, les impôts restent considérablement plus élevés en France qu'ailleurs. En 2022, les entreprises françaises paieront 140 milliards d'impôts, de taxes et de cotisations de plus que leurs voisins de la zone euro.

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