Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du lundi 11 octobre 2021 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Monsieur le ministre délégué, voici le dernier budget de votre quinquennat. Pour le résumer en une phrase : il dépense trop peu, et surtout il dépense très mal. En disant « trop peu », je vois déjà s'étrangler tous ceux qui, de nouveau, font du niveau des déficits et de la dette l'alpha et l'oméga de toute politique budgétaire. Ils sont très majoritaires ici, où ils font mine de débattre entre eux et d'avoir des désaccords : la droite reproche à chaque fois au Gouvernement de trop dépenser, puis le Gouvernement s'en défend, arguant même qu'il va commencer dès cette année à utiliser les fruits de la croissance pour réduire les déficits. Il nous promet pour la suite cinq années d'économies drastiques jusqu'en 2027, le tout encadré par une nouvelle règle d'or.

Ces faux débats et cette course à celui qui veut dépenser le moins et n'importe comment ne sont pas au niveau des conséquences de la crise du covid-19 sur l'économie, ni de la bifurcation écologique à laquelle vous refusez depuis 2017 de consacrer les finances nécessaires. Ce projet de loi de finances s'inscrit dans le droit fil de vos plans d'urgence et plans de relance de 2020 et 2021. En tout, vous aurez dépensé 165 milliards d'euros pour ces deux années, soit environ 6 % du PIB. À titre de comparaison, aux États-Unis, les dépenses liées à la crise se sont élevées à 5 000 milliards de dollars, soit un quart de leur PIB, essentiellement affectées aux transferts sociaux et au soutien de la consommation populaire. C'est ce qui fait que les États-Unis enregistrent un taux de pauvreté historiquement bas.

Alors même que les taux d'intérêt restent bas, que la Banque centrale européenne possède, par l'intermédiaire de la Banque de France, un stock de dette de près de 600 milliards d'euros disponibles dans lequel il serait aisé de puiser davantage, vous dépensez chichement.

Ce n'est pas la prétendue hausse des dépenses de ce PLF à 10,8 milliards qui va inverser la tendance, quand bien même elles seraient portées à 17 milliards par l'effet des amendements gouvernementaux. J'en profite pour souligner que ces annonces de dépenses cachées sont une bien drôle de méthode de gouvernement. Le Haut Conseil des finances publiques estime clairement qu'il manque 5 milliards de dépenses dans le projet initial et regrette même que ces conditions « ne lui permettent pas de rendre un avis pleinement éclairé » sur ce PLF. Comment qualifier ce genre de débat en démocratie, lorsque la nature et la réalité de plus de la moitié de l'augmentation des dépenses prévue n'est pas connue en amont du débat, lorsqu'un Emmanuel Macron peut finalement annoncer tout ce qui lui passe par la tête, sans que cela ne corresponde à rien de concret dans les textes soumis à l'ouverture des débats ?

Quant au plan d'investissement France 2030, bel effet d'annonce, j'en conviens. Mais il doit s'étaler sur cinq à huit ans, ce qui revient à dépenser entre 3 et 6 milliards d'euros par an, donc pas plus qu'en temps normal, sans crise économique et sans crise sanitaire. Comment s'en satisfaire quand même des économistes libéraux – Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry, par exemple – estiment qu'il faudrait 60 milliards d'euros bien ciblés, rien que sur le soutien à la demande et aux ménages précaires ? D'autant que si l'on compare le niveau de dépenses au PIB, il n'est pas en hausse de 1,5 % mais en baisse d'environ 1 %.

Pour dépenser finalement aussi peu, le Gouvernement s'appuie sur un bilan qu'il nous présente comme mirifique mais qui, n'en déplaise à M. Le Maire, malheureusement absent, est une tromperie à plusieurs niveaux.

Le retour au niveau d'activité de 2019 dont se félicite Bruno Le Maire n'a rien d'un retour à la normale pour l'économie ; cela représente deux années de production de richesse perdues. Et la croissance attendue de 6 % n'est qu'un rebond mécanique qui apparaît d'autant plus fort que la chute a été importante en 2020.

L'autre tromperie concerne la baisse du chômage. Si l'on s'intéresse au nombre d'inscrits à Pôle Emploi, la situation comparée avec celle d'avant crise est plutôt dans le rouge. Avec 3,5 millions de personnes inscrites en catégorie A en juin, donc n'ayant pas du tout travaillé au cours du mois précédent, on compte 5 % d'inscrits en plus qu'il y a quinze mois. Le résultat est exactement le même dans toutes les catégories, et je vous rappelle que la moitié de ces personnes ne sont pas indemnisées.

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