Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du lundi 11 octobre 2021 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Troisième tromperie, la soi-disant augmentation du pouvoir d'achat, dont Emmanuel Macron espère qu'elle le sauve de son image de président des riches. Là encore, la falsification des données s'oppose à la dure réalité du terrain. Le graphique du rapport économique, social et financier annexé au PLF est trompeur et relève de la quasi-falsification. En présentant les données de manière assez tronquée, il en arrive à prétendre que le niveau de vie des plus pauvres aurait plus augmenté que celui des riches sous Macron, alors que c'est tout le contraire. Le schéma aurait littéralement la forme inverse en présentant une répartition par décile du gain total de pouvoir d'achat, et pour les 0,1 % des plus riches, cette augmentation serait himalayesque !

Pendant que le Gouvernement se congratule de ce genre de mise en scène bidon, le fait est que le patrimoine des 500 plus grosses fortunes de France a bien augmenté de 100 % depuis 2017 et de 30 % en 2021, tandis que la misère continue de s'accroître.

Je vous fais grâce de l'étude du CREDOC – le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie – que vous pourrez lire dans Le Monde ce soir, selon laquelle 4 millions de personnes sont qualifiées de nouveaux vulnérables, parce qu'elles sont vulnérables sur à peu près tous les éléments absolument indispensables à une vie digne. Un rapport du Secours catholique comptabilise 8 millions de Français vivant de l'aide alimentaire. Le nombre d'allocataires au RSA n'a cessé d'augmenter. L'année dernière, le budget consacré à l'aide alimentaire avait déjà baissé de 7 millions d'euros et vous n'avez même pas eu honte.

Même votre histoire du chèque énergie, aux atours si positifs, est à côté de la plaque. Comment une aide aussi limitée et ponctuelle est-elle censée compenser un problème de fond qui ne fait que s'aggraver ? Vous ne bloquez pas les prix, contrairement à ce que vous dites, puisqu'en réalité vous avez laissé passer toutes les augmentations. Vous ne remettez pas en question l'ouverture à la concurrence de l'énergie, vous ne remettez pas en question les profits mirifiques faits par des entreprises comme Total, EDF ou Engie, qui enregistrent plus de 13 milliards de profits au premier semestre 2021.

Au fond, votre bouclier énergie est un bouclier en carton-pâte qui ne va pas protéger les Français. Dans ce projet de loi de finances, vous faites si peu pour relancer l'activité à partir de la réduction des inégalités que c'en est sidérant.

Vous faites aussi beaucoup trop peu pour la bifurcation écologique, à l'heure où l'INSEE estime qu'il faudrait investir chaque année 60 milliards d'euros de plus qu'en 2019 pour rattraper le retard concernant la trajectoire de la stratégie nationale bas-carbone.

Mais le problème n'est pas seulement de dépenser trop peu, vous dépensez aussi trop mal. Une fois de plus, le Gouvernement se prive de recettes – cette perte étant la pire des dépenses – en faisant des cadeaux aux plus riches : poursuite de la baisse des prélèvements obligatoires – 6 milliards d'euros dans le projet de loi de finances ; baisse de l'impôt sur les sociétés ; baisse de la taxe d'habitation pour les 20 % les plus riches – qui, en deux ans, aura coûté quelque 17 milliards d'euros aux recettes publiques ; maintien de la baisse de 10 milliards d'euros des impôts de production.

Vous dépensez trop mal car vous continuez de donner aux entreprises sans leur imposer de conditions. Que l'on s'entende bien : nous ne vous reprochons pas de soutenir les entreprises en difficulté. Au contraire, estimant que les aides sont même insuffisantes pour certaines entreprises, nous demandons que ces dernières puissent bénéficier d'un report du PGE pendant deux ans, afin de prévenir les risques de faillite.

Faute de conditionnalité, cependant, les aides au privé ne produisent pas d'effet sur les salaires et l'emploi. En 2021, la croissance du budget des entreprises consacré aux salaires a été de 1,4 %, le taux le plus bas depuis dix ans.

En réalité, les aides sont beaucoup captées par les actionnaires des grandes entreprises. Du coup, le 1er juin dernier, le CAC40 a atteint son plus haut niveau depuis vingt ans. Les dividendes versés par les entreprises du CAC40 ont explosé pour atteindre 51 milliards d'euros, alors que certaines d'entre elles ont licencié jusqu'à 60 000 personnes. En 2020, 284 000 emplois ont été détruits. Même la Cour des comptes alerte sur ces importants effets d'aubaine. Je regrette que le collègue Barrot soit parti, lui qui parlait de créations d'entreprises. En un an, quelque 1 000 plans de licenciements ont occasionné 112 000 suppressions d'emplois.

C'est aussi en regardant ce que cachent les annonces d'augmentation de budget par ministère que j'en conclus que le Gouvernement dépense trop mal. Penchons-nous sur celui de la transition écologique, qui affiche une hausse de 1,1 milliard d'euros. Les effectifs du ministère continuent à baisser et des opérateurs aussi essentiels que Météo France, le CEREMA (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) et l'IGN (Institut national de l'information géographique et forestière) sont menacés de mort clinique. Ce montant de 1,1 milliard d'euros ne sert qu'à financer des appels à projets, parfois au détriment des opérateurs de l'État, ce qui transforme ce ministère en une sorte de guichet pour des budgets orientés vers le privé.

C'est comme ça pour toutes vos mesures, pour tous vos faux-semblants, vos vieilles recettes de droite. Vous supprimez des emplois à Bercy, alors que les Pandora papers démontrent la nécessité des contrôles fiscaux. Citons aussi la fausse nationalisation du RSA qui donne désormais la possibilité à l'État de puiser dans les recettes des départements, ou encore la baisse d'impôt déguisée en sympathique plan pour les indépendants.

Nous affirmons qu'il faudrait adopter une tout autre logique qui reposerait sur une profonde révolution fiscale, qui rétablirait un peu de justice en créant un impôt sur la fortune amélioré, en s'attaquant à la TVA injuste, en repensant l'impôt sur le revenu, en taxant les profiteurs de crise.

Il faudrait adopter une autre logique qui nous débarrasserait de l'absurde chantage à la dette, en commençant par annuler celle du covid-19, qui permettrait de voter une grande loi d'urgence sociale pour bloquer les prix de première nécessité, augmenter le SMIC, éradiquer la pauvreté grâce à la garantie dignité.

Pour toutes ces raisons et parce que, en définitive, vous nous proposez toujours les vieilles recettes de la politique de l'offre, celles qui s'en prennent au prix du travail, aux mécanismes de solidarité, aux réformes structurelles et qui attaquent les acquis des travailleurs, nous nous opposerons point par point à votre budget catastrophique. Nous ferons en sorte que ce budget soit le dernier projet de loi de finances macronien.

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