Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du lundi 11 octobre 2021 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Vous laissez filer la dépense publique. Hors plan d'urgence et soutien, les dépenses se caractérisent par une hausse de l'ordre de 2,3 %, auxquelles il faut ajouter les mesures non budgétées, soit 5 à 6 milliards d'euros – ce sont vos chiffres. On peut donc raisonnablement estimer la hausse réelle des dépenses à 3,4 % pour 2022. Globalement, sur les cinq dernières années, le poids de l'ensemble des dépenses publiques dans le PIB est passé de 55,1 % en 2017 à 55,6 % dans vos prévisions pour 2022, soit 0,5 point du PIB – 13 milliards d'euros – de plus.

En outre, la baisse des prélèvements obligatoires, présentée par le Gouvernement, est surestimée et financée à crédit. Là encore, mes chers collègues, il faut vous méfier des chiffres gouvernementaux.

En commission, monsieur le ministre délégué, vous nous aviez annoncé une baisse de 52 milliards d'euros des prélèvements obligatoires entre 2017 et 2022. En réalité, leur poids est passé de 45,1 % du PIB en 2017 à 43,5 % en 2022 – 1,6 point de baisse, soit seulement 41 milliards d'euros entièrement financés à crédit pendant la même période puisque les déficits structurels ont crû de 2,3 points de PIB d'après le HCFP et de 1,3 point dans les prévisions gouvernementales.

Quatrième caractéristique : en dépit des efforts consentis – il y en a eu quelques-uns que nous avons soutenus –, la France n'est toujours pas compétitive. Vous avez vous-même reconnu que notre pays accuse toujours un retard en la matière.

Notre croissance est grevée par le déficit croissant du commerce extérieur, signe même d'une faible compétitivité. Selon vos chiffres, le déficit prévisionnel de la balance commerciale devrait atteindre un nouveau record en 2022 : 95 milliards d'euros, après avoir atteint 86 milliards en 2021. Il se situait à 58 milliards d'euros en 2017.

Nous sommes loin des années – le début des années 2000 – où la balance commerciale affichait un solde positif de 3,5 milliards d'euros. La dégradation du commerce extérieur coûte entre 0,3 et 0,4 point de croissance chaque année à la France. A contrario, d'autres pays, notamment l'Allemagne, gardent leur compétitivité et ont des soldes très excédentaires.

Cinquième caractéristique : les budgets des organismes de la sécurité sociale sont structurellement déficitaires. Bien entendu, c'est la branche maladie qui accuse le déficit le plus grave. Certes, les dépenses liées au covid-19 diminuent, passant de 18,3 milliards d'euros en 2020 à 4,8 milliards en 2022. Cependant, en dehors de l'impact de la crise, le déficit demeure à un niveau élevé et ne se résorbe pas : 14,8 milliards en 2022, hors les 4,8 milliards liés au covid-19. Hors mesures d'urgence, la hausse des dépenses d'assurance maladie s'accélère en 2022 : + 3,8 %.

Pour les retraites, faute de réforme, le déficit structurel ne peut que se détériorer. En incluant le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), le déficit structurel de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) se situe à plus de 4,1 milliards d'euros en 2022. Selon les prévisions gouvernementales, il atteindrait 7,9 milliards d'euros en 2025. Si rien n'est fait, la dérive annuelle avoisinera 1,3 milliard d'euros.

Il aurait fallu trancher la question épineuse de la réforme des retraites. Attendre l'élection présidentielle et reporter à 2023 cette indispensable réforme, afin d'assurer la viabilité du système à long terme, traduit une absence de courage politique.

La situation budgétaire est à la dérive. Regardons votre dossier de presse sur le PLFSS pour 2022. À la page 40, votre présentation de l'évolution du déficit cumulé du régime général et du FSV de 2008 à 2024 donne l'impression que tout s'arrange. Là encore, c'est une illusion.

Votre ministère indique un dérapage de 92 milliards d'euros au titre des déficits 2020-2023. Or, si l'on additionne les soldes par branche pour les années 2020, 2021, 2022 et 2023, on obtient 109,5 milliards d'euros de déficit cumulé pour le régime général et le FSV. Quelque 17,5 milliards d'euros de dégradation supplémentaire, c'est plus qu'un dérapage.

Sixième et dernière caractéristique : la progression inédite de notre endettement public qui conduit à une dette de 3 000 milliards d'euros, soit 100 000 euros par foyer français. Au total, notre dette publique va atteindre des niveaux inquiétants : 2 950 milliards d'euros à la fin de 2022, soit près de 100 000 euros par famille, contre 2 311 milliards en 2018, soit 75 000 euros par foyer. Au cours de ces cinq dernières années, la dette publique par famille s'est donc accrue de 25 000 euros.

Le montant réel de la dette publique est d'ailleurs minoré de 100 milliards d'euros, du fait du système des primes d'émission. Il faudrait en finir avec cette illusion comptable pour permettre au Parlement de connaître le véritable niveau de l'endettement public. Dans tous les cas, c'est un très lourd testament budgétaire que vous laissez à vos successeurs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.