Vos interventions reprennent mes débats avec de nombreux interlocuteurs sur tous ces points depuis plusieurs jours. Je tiens simplement à démythifier cette disposition relative au casier judiciaire vierge, car elle n'existe nulle part. Elle n'a pas été votée en février 2017 : il n'a pas été prévu à l'époque que tout candidat à une élection ait un bulletin n° 2 du casier judiciaire vierge – c'est un mythe. Elle n'existe d'ailleurs pas davantage dans la fonction publique, monsieur Bernalicis : l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit que nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire si « les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice des fonctions ». Les magistrats apprécient la compatibilité de la condamnation avec l'exercice des fonctions selon la nature de l'emploi, le niveau des responsabilités, le délai écoulé depuis la peine infligée et les circonstances des faits sanctionnés. En clair, les magistrats formulent systématiquement une appréciation sur la compatibilité d'une infraction et d'une sanction avec la faculté d'exercer ou non dans la fonction publique. Notre droit ne comporte donc en l'état aucune disposition qui interdise automatiquement quelque emploi ou mandat que ce soit faute de respecter la règle du casier judiciaire vierge.
D'autre part, la loi que l'Assemblée nationale a adoptée à l'unanimité en février dernier et qui n'a pas pu être transmise au Sénat en raison de la fin de la législature interdisait les candidatures en cas d'inscription sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire des infractions énumérées dans une liste qui comprend un certain nombre de délits, dont celui de harcèlement sexuel ; le législateur de l'époque a considéré que les condamnations pour ces délits faisaient obstacle à une candidature. Or, ce système conduit à empêcher systématiquement les personnes condamnées pour les infractions figurant dans ladite liste à se présenter aux élections. Il nous revient d'apprécier si cette automaticité correspond à l'exigence de morale, de vertu et d'exemplarité qu'un candidat doit respecter lorsqu'il sollicite le suffrage de nos concitoyens. Il n'en demeure pas moins que la peine s'appliquerait donc de manière automatique, car si le juge a la faculté de déroger à l'inscription au bulletin n° 2, ce n'est que sur demande de la défense. Lorsque j'exerçais en tant qu'avocate, nous déposions des requêtes en exclusion du bulletin n° 2, et le juge ne pouvait pas prononcer d'office cette exclusion le jour de l'audience. C'est pourquoi cette disposition pourrait être considérée comme une peine d'inéligibilité automatique, qui serait contraire à la Constitution.
Tel est le raisonnement juridique auquel nous sommes parvenus. À titre personnel, c'est une proposition que j'aurais pourtant souhaité défendre, mais sur le plan juridique, je doute de sa constitutionnalité pour les raisons que je viens de vous exposer. En tant que rapporteure de la commission des Lois, il est de mon devoir de vous alerter sur ce risque et de vous indiquer que le dispositif alternatif voté par les sénateurs et présenté par le Gouvernement est similaire, puisqu'il prévoit une liste d'infractions – dont on peut discuter de l'opportunité – et permet au juge de se prononcer par une décision spécialement motivée contre l'inéligibilité qu'entraînerait la condamnation ; nous avons la certitude qu'il est juridiquement recevable.
Je vous laisse apprécier ces deux options et décider laquelle vous semble la plus appropriée.