Intervention de Brigitte Kuster

Séance en hémicycle du mercredi 20 décembre 2017 à 15h00
Organisation des jeux olympiques et paralympiques de 2024 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Kuster :

La victoire de Paris restera dans les annales du sport mondial comme un fait unique. Rien, dans la campagne de désignation, ne s'est déroulé comme prévu : pas de bras de fer diplomatique ; pas de budgets marketing extravagants ; pas même de suspense insoutenable au moment du vote. Et pour cause : faute de combattants, Paris a gagné par forfait, et ce n'est pas faire injure au comité de candidature Paris 2024 que de le dire, bien au contraire !

En réalité, la victoire de Paris marque la fin d'une ère. La démesure et le gigantisme ne font manifestement plus recette, et c'est tant mieux. Les dérives financières qui ont marqué la plupart des dernières éditions ont découragé même les plus téméraires. Rome, Hambourg, Budapest et, d'une certaine façon, Los Angeles : un à un, les postulants ont jeté l'éponge, le plus souvent poussés par l'hostilité de leurs opinions publiques. Cela prouve l'urgence qu'il y a à inventer un nouveau modèle olympique.

Ceux qui ont porté la candidature de Paris ont parfaitement su cerner cette exigence de rupture : l'exigence de Jeux plus sobres sur le plan économique et écologique et plus rigoureux sur le plan éthique et moral ; l'exigence de jeux durables, laissant un héritage en matière d'emplois, de logements, d'infrastructures et d'équipements. Le respect de ces engagements pris devant les Français constitue un point d'une extrême importance, sur lequel le Parlement devra exercer pleinement son contrôle et sa vigilance. Le projet de loi qui nous est présenté offre une première occasion de le faire.

Ainsi, le titre Ier vise à permettre « le respect des stipulations du contrat de ville hôte » qui lie le Comité international olympique, la ville de Paris et le Comité national olympique. Cet intitulé nous laisse songeurs, me laisse songeuse : faut-il comprendre que le projet de loi est à prendre ou à laisser ? Sommes-nous vraiment libres de l'amender ou faut-il nous borner à l'adopter in extenso pour honorer un contrat dont ni le Parlement ni le Gouvernement ne sont directement signataires ? C'est, je dois le dire, l'impression qui a dominé nos débats en commission, car le rejet systématique de nos amendements n'a pas toujours trouvé de justifications très convaincantes. Sans contester formellement le contenu du contrat de ville hôte, les députés du groupe Les Républicains veilleront à ce que la souveraineté du Parlement soit clairement clarifiée et identifiée.

De même, ils veilleront à ce que les dispositions relatives au pavoisement et à la publicité soient mieux encadrées.

La possibilité, introduite par le projet de loi, de pavoiser les immeubles classés sept ans avant le début de l'événement nous laisse circonspects. Proclamer notre fierté d'accueillir les Jeux est bien naturel, mais pourquoi si tôt ? Il nous paraît plus opportun d'accorder les dérogations à partir de la fin de l'édition de 2020, à Tokyo, ce qui nous permettrait de marquer symboliquement le début des quatre années séparant les deux olympiades.

Nous jugeons en outre excessif le périmètre de 500 mètres autour des sites olympiques à l'intérieur duquel les interdictions publicitaires seront levées. Un périmètre de 200 mètres nous semble plus approprié car susceptible de préserver certains monuments historiques, âme de nos villes, particulièrement à Paris, vous le comprendrez aisément – je pense notamment au Palais de la découverte, au Trocadéro, au Champ-de-Mars.

Puisqu'il est question de Paris, nous considérons également que la capitale se trouve, en matière d'autorisation publicitaire, dans la position de juge et partie : partie, quand elle signe le contrat de ville hôte et veille à sa mise en oeuvre au bénéfice du CIO, du COJO et de ses partenaires de marketing ; juge, quand elle exerce ses compétences municipales pour accorder les dérogations publicitaires au profit des mêmes institutions. Il y a manifestement là un risque de conflit d'intérêts fort regrettable. Nous proposerons donc de substituer à la ville de Paris le préfet de département, pour éviter toute confusion. De manière plus générale, nous veillerons à ce que l'ensemble des supports promotionnels répondent aux meilleurs critères environnementaux.

Par ailleurs, si nous admettons qu'en matière d'urbanisme, le Gouvernement s'emploie à aménager les procédures relatives aux droits de propriété et à la concertation publique, afin de livrer les équipements en temps voulu, il nous semble indispensable qu'en regard, les éventuels litiges soulevés par les justiciables puissent être instruits rapidement. Nous proposerons donc, monsieur le secrétaire d'État, que la cour administrative d'appel de Paris soit compétente pour connaître, en premier et dernier ressort, des litiges portant sur les constructions et aménagements en lien avec les Jeux. Des procédures moins lourdes, d'un côté, et un accès simplifié à la justice, de l'autre : voilà un parallélisme des formes qui nous semble de bon aloi.

Nous tâcherons également de faire progresser les dispositions relatives à l'éthique. Nous saluons d'ailleurs la forme associative que va prendre le COJO ainsi que les divers niveaux de contrôle qui s'exerceront sur ses activités. Ces contrôles, à la fois financiers, budgétaires et éthiques, nous semblent apporter des garanties sérieuses quant à la transparence de la gouvernance des Jeux. Mais, outre les obligations déclaratives faites à ses membres dirigeants, il est essentiel de rappeler, en préambule, qu'ils sont tenus d'exercer leurs responsabilités avec probité, dignité et intégrité, et qu'ils doivent mettre fin d'eux-mêmes à d'éventuels conflits d'intérêts. Nous estimons que ce qui s'applique aux députés peut tout à fait s'appliquer a minima aux membres du COJO.

Nous souhaitons enfin, point crucial, que les bénévoles bénéficient d'un véritable statut juridique – l'importance des bénévoles a été rappelée tout à l'heure, et il est en effet temps de prendre ce dossier à bras-le-corps. Un événement de cette nature serait impossible sans leur concours. À vous en croire, madame la ministre, ils pourraient être jusqu'à 70 000 aux mois d'août et septembre 2024. Pourtant, ils ne sont mentionnés nulle part dans le projet de loi. Il nous paraît essentiel de corriger cet oubli. Nous proposerons donc que le Gouvernement établisse une véritable charte du bénévolat, encadrant précisément les missions qui leur seront confiées, mais également les facilités et les protections qui leur seront accordées. À nos yeux, et je pense que nous nous retrouverons tous sur ce point, les bénévoles constituent une partie de l'âme olympique qu'il faut davantage valoriser.

Madame la ministre, nous voterons en faveur du projet de loi. L'état d'esprit qui nous anime est le même que celui qui a dominé toute la phase de candidature. Nous sommes parfaitement conscients qu'un tel projet n'a de sens que s'il rassemble très largement les Français. Nous ne manquerons pas cette occasion unique, et l'objectif des amendements que nous avons déposés n'est autre que de parfaire le dispositif pour le rendre encore plus opérant. Paris 2024 est une invitation à dépasser nos différences pour faire de cette édition un immense succès populaire.

Toutefois, vous l'aurez compris, pour nous, ce texte est une première étape, indispensable, mais qui en appelle une autre, sans doute elle aussi d'ordre législatif. En effet, ce texte porte en lui une contradiction : il n'y est jamais question de sport. Dès lors, de nombreux sujets restent en suspens : quelles retombées pour le sport amateur ? quelles opportunités de développement pour la pratique sportive ? quels projets pour mieux associer les territoires ? Ces enjeux fondamentaux méritent un grand débat public. Nous pouvons cependant considérer que le rendez-vous est pris, puisque vous avez annoncé à l'instant, madame la ministre, une loi pour 2019. Nous vous en remercions.

Pour l'heure, ne gâchons pas le plaisir que nous procure ce premier pas. Nous espérons aussi que vous saurez aussi écouter les propositions que je viens d'évoquer, et je vous en remercie d'avance.

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