Nous avons déposé un amendement qui va plus loin en supprimant purement et simplement le « verrou de Bercy », car ce dispositif d'un autre temps est clairement inconstitutionnel dans la mesure où il méconnaît la séparation des pouvoirs. C'est en effet à l'institution judiciaire, singulièrement au parquet, et non à une administration, de décider s'il faut engager des poursuites.
En outre, ce verrou est en contradiction avec l'article 40 du code de procédure pénale, qui impose à tout fonctionnaire de dénoncer les faits illégaux dont il aurait connaissance dans l'exercice de ses fonctions. De fait, un inspecteur du fisc qui constate une fraude doit en référer à son supérieur hiérarchique et uniquement à celui-ci ; il ne peut absolument pas s'adresser au parquet. C'est ainsi que le lanceur d'alerte Rémi Garnier a été victime de mesures disciplinaires à répétition suite à sa dénonciation de l'affaire Cahuzac.
J'ajoute que les plus hautes institutions de notre pays elles-mêmes contestent ce dispositif. Je pense en particulier à la Cour des comptes, qui a relevé dans plusieurs de ses rapports que le « verrou de Bercy » conduisait à limiter les poursuites aux fraudes les plus simples et à épargner les plus répréhensibles, de sorte qu'il est particulièrement inefficace.
Enfin, le verrou de Bercy non seulement protège les responsables politiques, qui peuvent enterrer ces affaires, mais allonge les procédures pénales concernant des affaires de corruption ou de blanchiment d'argent.
Cette procédure est donc inefficace et immorale. Comment comprendre que le ministre des finances cherche à réaliser 4,5 milliards d'économies en rabotant ce qui ne peut plus l'être – la démission, ce matin, du chef d'état-major des armées en est une illustration –, alors que les auteurs de fraudes fiscales, dont le montant annuel s'élève à 90 milliards d'euros, ne sont jamais inquiétés ?