Madame la rapporteure, vous avez indiqué qu'il conviendrait, avant de légiférer sur ce sujet, de consulter les juridictions financières. Pour avoir été, en tant que magistrat à la Cour des comptes, rapporteur à la CIF, je peux vous raconter comment cela se passe. Tout d'abord, il n'y a jamais de gros poisson. Pourquoi ? Parce que Bercy leur donne le choix : soit ils paient, soit ils sont renvoyés devant la commission des infractions fiscales, dont l'avis est conforme dans la plupart des cas. Voilà pourquoi Bercy s'accroche et maintient ce système d'Ancien Régime.
La position du Sénat est très prudente, beaucoup plus que l'amendement radical de nos collègues – qui pourraient s'appeler les « Insoumis radicaux ». Moi, cela fait vingt-cinq ans que je tente de faire sauter le « verrou de Bercy », car il rompt l'égalité des citoyens devant la loi, notamment pénale. Soit l'avis de la commission des infractions fiscales est défavorable, et le ministre ne peut pas saisir la justice, soit il est favorable, et le ministre est tenu de saisir la justice. C'est un système malsain !
Mes chers collègues, si vous voulez mettre fin à l'Ancien Régime, bien que ce dispositif soit plus récent… il faut soutenir le Sénat et rejeter les arguments du Gouvernement. Celui-ci prétend notamment que « la saisine de la CIF assure une homogénéité de l'action pénale contre la fraude fiscale ». Or, ce n'est absolument pas vrai, puisqu'en la matière, c'est l'administration fiscale qui fait la loi, si je puis dire, en s'abstenant de saisir la commission des gros dossiers. En termes financiers, ce n'est pas idiot, mais les intérêts financiers me semblent moins importants que le respect du principe d'égalité des citoyens devant la loi pénale. C'est pourquoi je vous invite à repousser l'amendement du Gouvernement.