« L'Europe est trop grande pour être unie, mais elle est trop petite pour être divisée. Son double destin est là », disait le célèbre géographe Daniel Faucher. Ce prélèvement se veut ainsi le symbole de la solidarité de la France envers l'unité de l'Union européenne. Il s'élève, pour cette deuxième année du cadre financier pluriannuel 2021-2027, à 26,4 milliards d'euros, un montant stable par rapport à celui qui a été voté l'an dernier.
Il traduit le tournant historique effectué par l'Union à la suite du Conseil européen de juillet 2020, qui a levé trois verrous budgétaires : la limitation du budget européen à 1 % du produit intérieur brut européen, l'équilibre entre les dépenses et les recettes et le gel de toute nouvelle ressource propre. Avec son plan de relance Next generation EU financé par un emprunt commun, l'Union a posé les bases d'une véritable capacité budgétaire européenne – même si elle est, à ce stade, encore temporaire.
L'Union européenne est désormais confrontée à trois enjeux majeurs : les travaux pratiques, avec la concrétisation sur le terrain du plan de relance ; la création de nouvelles ressources propres, qui devront permettre de rembourser l'emprunt et de mettre un terme à la logique à courte vue du juste retour financier ; l'après plan de relance, avec la réflexion nécessaire sur la pérennisation de l'instrument d'endettement en commun et la réforme du pacte de stabilité et de croissance.
Premièrement, à court terme, l'enjeu est le déploiement rapide du plan de relance européen sur le terrain. En France, il s'agit d'une contribution essentielle au plan de relance français : sur les 100 milliards d'euros prévus du plan France relance, 40 milliards proviendront de Next generation EU.
Ces subventions permettront de financer la transition énergétique et numérique. La quasi-totalité du dispositif MaPrimRénov' sera par exemple financée par les fonds du plan de relance européen. Je rappelle toute l'importance de décarboner notre économie en investissant fortement dans les énergies renouvelables. Nous ne pouvons pas y arriver tout seuls : il est nécessaire de mutualiser nos plans de recherches sur ce thème. C'est d'ailleurs le sens de ma proposition de résolution, adoptée l'année dernière, pour la création d'une Communauté méditerranéenne des énergies renouvelables, autour de la France, de l'Espagne, de l'Italie, de la Tunisie, de l'Algérie et du Maroc.
L'avancée budgétaire que constitue Next Génération EU s'est, en outre, accompagnée du renforcement de la défense des valeurs de l'Union, à un moment où elles sont de plus en plus contestées, notamment en Pologne et en Hongrie. L'Union s'est dotée d'un mécanisme inédit de conditionnalité des fonds européens au respect de l'État de droit, dont l'applicabilité doit être précisée par un arrêt imminent de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Potentiellement, il s'agit d'un instrument puissant au service de l'État de droit : il doit être mis en œuvre au plus vite. La Commission a indiqué que les premières procédures seraient engagées dès cet automne, après la décision de la CJUE. Dans la même logique, l'approbation des plans de relance polonais et hongrois semblerait particulièrement inopportune à un moment où l'Union européenne est contestée dans son essence même.
Deuxièmement, après la révolution budgétaire inédite de 2020, l'Union européenne doit transformer l'essai en pérennisant la capacité d'investissement dont elle a posé les bases. Cela passe, à mon sens, par la pérennisation de l'instrument d'emprunt en commun ou par l'assouplissement du pacte de stabilité et de croissance. Formons le vœu que la prochaine coalition gouvernementale allemande prête une oreille attentive à ces propositions !
Enfin, mes prédécesseurs à cette tribune l'ont dit, cette transformation de l'essai passe aussi par la création nécessaire de nouvelles ressources propres, qui seront l'une des priorités de la France lorsqu'elle présidera le Conseil de l'Union européenne, comme l'a rappelé M. le secrétaire d'État. Si le chemin est semé d'embûches, les avancées majeures et récentes relatives à la fiscalité des multinationales nous montrent que les positions ne sont pas figées et que nous pouvons obtenir des résultats importants.
Le président Jean-Louis Bourlanges a rappelé en commission des affaires étrangères que les difficultés des négociations en matière budgétaire et fiscale montrent les limites de la primauté de l'intergouveremental et de la règle de l'unanimité. Dans ces domaines, les institutions européennes doivent être plus démocratiques et plus efficaces. À l'heure de la Conférence sur l'avenir de l'Union européenne et à la veille de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, ayons l'audace de mettre le sujet sur la table.