Intervention de Sabine Thillaye

Séance en hémicycle du lundi 18 octobre 2021 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Article 18 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Thillaye, présidente de la commission des affaires européennes :

Voilà l'heure du traditionnel débat annuel sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne. Malheureusement, il s'agit du seul débat sur les questions européennes véritablement institutionnalisé dans notre assemblée. Après le président de la commission des affaires étrangères, j'ai envie de dire que l'exercice est important mais, ô combien, frustrant : nous devrions débattre de sujets européens bien plus souvent devant un hémicycle bien plus rempli.

Comme toujours, concernant l'Union européenne, derrière les chiffres se cachent les grandes décisions politiques. Je rappelle seulement deux chiffres, pour éviter les répétitions : 30 % des dépenses consacrées à la lutte contre le changement climatique, un fléchage nécessaire, mais aussi et surtout aussi 143,5 milliards qui s'ajoutent au budget ordinaire 2022 grâce au plan de relance européen. Souvenez-vous que certains disaient que les État frugaux ne dépasseraient jamais leur a priori et que la solidarité européenne avait vraiment ses limites : en voici le démenti concret, même si l'accouchement a été difficile.

Je rappelle aussi que 13 %, c'est le pourcentage de préfinancement que nous avons déjà perçu de la part de l'Union européenne après la validation de notre plan de relance nationale. Dès lors, si nous débattons du montant de l'argent prélevé au profit de l'Union européenne, ayons aussi la justesse politique de rappeler les aides dont nous bénéficions. À l'approche d'une période délicate, on entend toujours une petite musique sur le juste retour des sommes versées et autour des questions budgétaires se cristallisent des enjeux politiques qui restent forts. Nous devons être très attentifs à cet égard et ne pas nous focaliser seulement sur la Hongrie et sur la Pologne, même s'il est bien normal d'y prêter attention, mais aussi porter notre regard un peu partout parce que la mise en cause de la primauté du droit de l'Union n'est pas seulement le fait de ces deux États.

Soyons vraiment très vigilants : nous avons la chance de vivre dans un espace où on essaye de mettre en place les mêmes règles qui doivent servir à la confiance mutuelle, non seulement entre États membres et entre citoyens, mais aussi nécessairement dans le monde des entreprises parce qu'elles en ont besoin pour investir. Cette confiance mutuelle doit jouer également dans le cadre du remboursement du plan de relance : la France a jusqu'à 2028 pour définir les modalités de ce remboursement, mais déjà la feuille de route concernant les ressources propres a pris du retard. Nous l'avons promis et la France contribuera à rembourser les 750 milliards d'euros, mais comment tenir cet engagement sans accord des États membres sur la garantie de nouvelles ressources ? Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières est au cœur du sujet, et la réforme du système européen d'échange de quotas d'émissions doit être traitée au niveau européen. Mais l'annonce d'un accord à l'OCDE sur la réforme de la fiscalité internationale garantissant un taux minimal d'imposition sur les sociétés prouve qu'il est possible de se mettre d'accord sur des sujets difficiles politiquement.

Je conclurai en revenant sur le cadre général de ce débat comme au début de mon intervention : devons-nous, chaque année, attendre la niche européenne du projet de loi de finances pour discuter d'Europe dans cet hémicycle ? Chers collègues, je vous assure que bien des sujets européens mériteraient une plus grande attention de notre part, beaucoup d'entre eux ont d'ailleurs déjà été évoqués depuis le début de ce débat et j'espère que la présidence française du Conseil de l'Union européenne en sera encore l'occasion.

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