La contribution de la France au budget de l'Union européenne est, cette année, de 26,4 milliards d'euros. Ce n'est certes pas une surprise, puisqu'elle est du même ordre que l'année dernière et qu'elle se déroule dans le cadre financier pluriannuel commencé en 2021. Ces 26,4 milliards ne sont donc pas une surprise, mais ils sont en revanche une mascarade.
Je parle de mascarade parce que je n'oublie pas l'autosatisfaction du Président Macron au moment de ces négociations, qui nous ont pourtant été largement défavorables.
Je parle de mascarade parce que j'ai bien vu comment certains pays, parmi les moins touchés par la crise, ont, pour leur part, négocié fermement leur signature, au point d'obtenir des rabais indécents sur leurs contributions.
Je parle de mascarade parce que je me souviens comment Emmanuel Macron avait déclaré l'année dernière que ces rabais n'avaient pas vocation à subsister après le Brexit – ce même Emmanuel Macron qui acceptera quelques mois plus tard leur augmentation, laissant ces rabais passer à 7,6 milliards d'euros par an.
Je parle de mascarade parce qu'en quelques années, depuis 2017, notre contribution à nous a augmenté de 30 %, c'est-à-dire qu'elle nous coûte 8 milliards d'euros de plus.
Je parle de mascarade parce que ce super plan de relance européen dont le Gouvernement s'est gargarisé va, au total, nous coûter 66 milliards d'euros, contre seulement 40 milliards d'euros reçus. Ce plan nous revient donc à un coût total de 26 milliards. On peut parler d'une affaire !
À ce stade, j'espère que vous admettrez avec moi que cette contribution est une mascarade. Et si je la regrette, c'est aussi parce que je pense à tout ce que nous aurions pu, nous aussi, négocier contre notre signature. Non pas négocier en faveur de plus d'austérité, comme l'ont fait ces pays dits frugaux, qui sont en réalité des pays radins, mais négocier pour l'intérêt général, pour nous libérer des règles austéritaires, augmenter notre capacité à investir dans la bifurcation écologique et sociale, à laquelle les sommes consacrées sont encore bien loin de ce qu'il faudrait.
Nous aurions pu, par exemple, nous battre contre la mise en concurrence des travailleurs européens, en imposant une harmonisation sociale par le haut et en mettant fin à la directive sur le travail détaché.
Au temps des Pandora papers, vous admettrez aussi, je pense, qu'il aurait été bien utile de mettre fin dès 2020 à l'impunité des paradis fiscaux européens qui se cachent dans l'Union, alors qu'ils menacent nos recettes fiscales à coups de milliards d'euros.
Mais, comme d'habitude, rien. Rien n'a été fait pour le mieux-disant social et écologique, mais tout pour l'austérité et le libre-échange. Lorsqu'on nous parle ensuite des nouvelles ressources propres de l'Union européenne comme d'une victoire et d'une solution pour son financement, je dois vous avouer que j'en reste coi.
Si tout un tas de pistes ont été évoquées, pour le moment un seul accord a été trouvé et mis en place, celui de la taxe plastique. C'est une taxe sur le poids des déchets d'emballages plastiques non recyclés, taxant les États à un taux de 0,80 euro le kilo. Bien sûr, je vois d'un bon œil les incitations au recyclage ; vous savez comme moi que notre groupe ne cesse de rappeler dans cette assemblée l'urgence écologique et l'urgence à agir. Je reste en revanche un peu sceptique sur le fait de cibler une taxe de ce type sur les États et, de fait, sur les peuples, plutôt que sur les entreprises qui font le choix de les produire et en retirent des bénéfices, tout en étant épargnées par la taxation.
Surtout, le but d'une telle taxe étant, a priori, de pousser les États à recycler plus, si elle porte ses fruits – ce que je pense et ce que je souhaite –, alors les 7 milliards de recettes que la taxe est censée apporter aux ressources de l'UE devraient rapidement diminuer et non pas rester stables comme c'est prévu. Si je m'en réjouis d'avance, je ne peux donc pas simultanément admettre que cette taxe est une solution de financement à long terme pour l'Union européenne, qui doit absolument et nécessairement s'appuyer sur d'autres ressources.
Certes, je n'oublie pas la fameuse taxe GAFAM sur le numérique, mais son ambition me paraît d'une tristesse effroyable. Que devient-elle ? Je sais bien que sa mise en place a été actée pour 2024 mais qu'en est-il de ses modalités précises ? Qu'en est-il du fait qu'elle ne permettrait apparemment que de lever 1,3 milliard d'euros, c'est-à-dire des miettes au regard de tous les profits que les GAFAM font sur le dos des peuples européens ?
Qu'en est-il également des autres idées de ressources mises sur la table ? Pourquoi la France ne se bat-elle pas, par exemple, pour la proposition de création d'un ISF européen, qui permettrait de récolter 160 milliards d'euros par an et de restaurer un peu de justice fiscale ? Vous me direz que, comme nous avons supprimé notre ISF national, nous ne sommes pas les mieux placés pour parler de cela…
Si je ne suis pas surpris par cette nouvelle contribution ni par son contexte, je vous appelle en revanche, chers collègues, à vous interroger sérieusement sur cette mascarade, ces échecs que l'on accepte les bras ballants, à quelques mois seulement de la présidence française de l'Union européenne, et sur le fait que l'on ne négocie pas, et que l'on n'impose pas des choix favorables à notre pays et à l'intérêt général.