Avec votre permission, monsieur le président, je défendrai conjointement les amendements n° 209 et 210 .
Monsieur le ministre, nous abordons là une question importante, celle des moyens à mettre en œuvre pour garantir le droit à l'eau en outre-mer, notamment sur le territoire de Mayotte, où un tiers des gens n'ont pas accès à l'eau potable, et à la Guadeloupe, où la majorité de nos concitoyens vivent au rythme des « tours d'eau » et dépendent d'un système d'assainissement catastrophique : il n'est pas rare – c'est même arrivé à l'hôpital – que des matières fécales soient mêlées à l'eau sortant du robinet. Je sais que nous avons déjà évoqué cette question, mais je me permets d'insister car il n'y a pas de politique sanitaire possible sans le geste barrière numéro un, à savoir le fait de se laver les mains.
Afin de vous faire prendre conscience de la situation, je veux vous lire quelques extraits du rapport rendu le 20 juillet 2021 par le rapporteur spécial de l'ONU sur les droits de l'homme à l'eau potable et à l'assainissement. Il note que, suite au premier confinement, les coupures sont plus irrégulières et effectuées la plupart du temps sans préavis et sans respecter les tours d'eau annoncés, et indique que la situation a encore empiré depuis. Il rapporte que, durant le premier confinement, au printemps 2020, une femme enceinte et son compagnon, locataires d'une maison en zone rurale, n'ont pas disposé d'eau du robinet pendant environ quarante jours consécutifs.
Des citernes d'appoint avaient été installées dans les zones les plus touchées, la plus proche se trouvant à deux kilomètres de leur domicile. Devant le point d'eau, les habitants devaient attendre de longues heures sous le soleil avant de pouvoir remplir des bidons avec de l'eau non potable, destinée uniquement à leurs besoins essentiels – des conditions ne convenant pas aux personnes en situation de vulnérabilité, parmi lesquelles les femmes enceintes et les enfants. Le couple aurait ainsi été contraint de se déplacer à plus de trente kilomètres environ deux fois par semaine pour s'approvisionner en eau potable, laver le linge et satisfaire les besoins d'hygiène corporelle de base. Durant cette période, un mince filet d'eau a été rétabli pendant deux nuits non consécutives entre vingt-trois heures et cinq heures du matin, les obligeant à passer tout ou partie de ces nuits à remplir des bouteilles d'eau, ainsi qu'à nettoyer les sols et les sanitaires. Le 29 mai 2020, la femme a été hospitalisée en urgence et a perdu son bébé à dix-neuf semaines de grossesse.
Il est aussi rapporté qu'afin d'avoir accès à l'eau potable et de pouvoir assurer le lavage des mains préconisé, de nombreuses familles doivent s'approvisionner en achetant des bouteilles d'eau. En raison du risque de contamination au chlordécone, de nombreuses personnes sont contraintes d'acheter de l'eau d'importation, dont le prix serait jusqu'à 32,9 % plus cher qu'en France hexagonale.
Le rapport du 20 juillet 2021 demande au Gouvernement – c'est le point n° 2 – de fournir des informations sur les mesures qui ont été ou seront prises pour assurer la fourniture de la quantité minimale vitale d'eau de manière continue, destinée à la consommation humaine, l'assainissement et l'hygiène personnelle et domestique, afin de garantir les droits humains à l'eau potable et l'assainissement pendant et après la période de covid.
En conclusion, je précise que le plan ORSEC existe déjà et qu'il peut être déclenché facilement. Cette proposition a fait l'objet, en plus de la demande d'encadrement des prix de bouteilles, d'un accord unanime de tous les députés ayant siégé au sein de la commission d'enquête que j'ai présidée et dont Olivier Serva a été le rapporteur. Je souhaite vraiment savoir ce qui, à vos yeux, justifie que le plan ORSEC ne soit pas déclenché dans le contexte de la crise sanitaire majeure que nous traversons.